Impact de la gestion des rémanents d’exploitation sur la dynamique de la matière organique des sols et leur fertilité minérale en plantation d’eucalyptus au Congo. Problématique et contexte L’importance stratégique des plantations forestières tropicales pour satisfaire la demande mondiale croissante en bois a conduit des programmes nationaux ou internationaux de recherche à étudier les déterminants de leur durabilité. C’est le cas d’un programme spécifique ‘Sustainable management of tropical plantation forests’ coordonné par le CIFOR. Un réseau de 17 sites répartis dans 7 pays, dont le Congo et le Brésil, couvrant l’intégralité de la zone intertropicale a été mis en place dans la fin des années 90 afin d’améliorer la compréhension du déterminisme de l’évolution de la fertilité des sols tropicaux sous plantation intensive et de fournir des recommandations précises pour une gestion durable de ces plantations. Les travaux menés au sein de ce réseau ont mis en exergue le rôle majeur de la matière organique dans la fertilité des sols pour toutes ses composantes, physiques, chimiques et biologiques (Smethurst and Nambiar, 1990; Nambiar, 2004). Les modifications des quantités de rémanents laissés à la surface des sols ont des conséquences sur la croissance des arbres sont d’autant plus fortes que ces sols sont initialement pauvres en matière organique et que la charge en éléments minéraux apportés par les rémanents est importante (Saint-André et al., 2008). Au ...
Impact de la gestion des rémanents d’exploitation sur la dynamique de la matière
organique des sols et leur fertilité minérale en plantation d’eucalyptus au Congo.
Problématique et contexte
L’importance stratégique des plantations forestières tropicales pour satisfaire la demande mondiale
croissante en bois a conduit des programmes nationaux ou internationaux de recherche à étudier les
déterminants de leur durabilité. C’est le cas d’un programme spécifique ‘Sustainable management of
tropical plantation forests’ coordonné par le CIFOR. Un réseau de 17 sites répartis dans 7 pays, dont le
Congo et le Brésil, couvrant l’intégralité de la zone intertropicale a été mis en place dans la fin des
années 90 afin d’améliorer la compréhension du déterminisme de l’évolution de la fertilité des sols
tropicaux sous plantation intensive et de fournir des recommandations précises pour une gestion
durable de ces plantations. Les travaux menés au sein de ce réseau ont mis en exergue le rôle majeur
de la matière organique dans la fertilité des sols pour toutes ses composantes, physiques, chimiques et
biologiques (Smethurst and Nambiar, 1990; Nambiar, 2004). Les modifications des quantités de
rémanents laissés à la surface des sols ont des conséquences sur la croissance des arbres sont d’autant
plus fortes que ces sols sont initialement pauvres en matière organique et que la charge en éléments
minéraux apportés par les rémanents est importante (Saint-André et al., 2008). Au Congo la
3 -1 -1productivité moyenne varie ainsi du simple au double (13 vs 24 m ha an ) entre un mode de gestion
èreretirant toute la litière et les rémanents après exploitation de la 1 rotation de futaie et celui laissant la
litière, le houppier et l’écorce des troncs sur la parcelle. Les expérimentations installées au Congo
fournissent une base de données exceptionnelle pour étudier le déterminisme de la disponibilité des
éléments nutritifs dans les sols sableux tropicaux, ainsi que des impacts environnementaux de la
gestion intensive de ce type d’écosystème. L’expérimentation sur la manipulation des rémanents
d’exploitation est en effet complémentaire d'autres dispositifs mis en place sur le même site
comprenant des essais de fertilisation (Bouillet et al., 2004), des études des cycles biogéochimiques
des éléments nutritifs (Laclau, 2001) ainsi que des cycles du carbone et de l’eau par méthode des
eddy-covariances (Nouvellon et al., 2006). En outre les études en cours au Brésil dans des systèmes
similaires fournissent une base de comparaison pour évaluer la généricité des processus.
Les sols de savane de la zone côtière d’Afrique centrale en général, et du Congo en particulier, sont
des Arenosols (WRB, 1998) très pauvres en nutriments tant pour leurs ressources disponibles que pour
leurs réserves minérales mobilisables sur le long terme (Laclau, 2001, Nzila et al., 2002). Leur fertilité
chimique dépend de faibles intrants naturels (apports atmosphériques, fixation biologique d’azote
atmosphérique, altération minérale), d’apports anthropiques (fertilisation) et de la gestion des stocks
au sein de l’écosystème via le recyclage biologique et les récoltes. Les bilans de fertilité effectués au
cours de la première rotation après plantation d’eucalyptus en savane montrent que le risque de
déséquilibre est potentiellement fort, en particulier pour l’azote (Laclau et al., 2005). La matière
1 organique (MO) constitue un support majeur de la fertilité de ces sols (Feller et Beare, 1997) et une
gestion adaptée au maintien des stocks est un enjeu crucial pour la durabilité de la production de ces
plantations compte tenu des fortes exportations minérales inhérentes à leur gestion intensive en courtes
rotations (Corbeels et al., 2005). Un certain nombre d’études ont été menées au Congo sur la
dynamique de la MO accumulée dans les sols de savane après plantations d’eucalyptus (Trouvé, 1992;
Poirier et al., 2002; D’Annunzio et al., 2008; Nouvellon et al., 2008). Des études isotopiques ont en
particulier montré qu’il existe des pools de MO d’origine différente dans ces plantations : une MO très
résistante à la dégradation provenant d’une forêt préexistante à la savane il y a plusieurs millénaires,
une MO de savane à turnover rapide en surface et la MO produite par les eucalyptus après plantation.
Des travaux récents ont montré que l’apport de MO fraîche est susceptible de déstabiliser la MO
présente dans des horizons profonds de sol en milieu tempéré (Fontaine et al., 2007; Steinbeiss et al.,
2007), mais l’influence de l’apport de MO récente sur l’évolution de la MO ancienne accumulée dans
les sols tropicaux est mal connue en milieu forestier. Selon le choix des options sylvicoles et de récolte
en plantations d’eucalyptus, les apports de MO à la surface du sol et leur périodicité peuvent être
considérablement modifiés. L’apport de MO fraîche en surface mais également en profondeur, par les
mouvements de carbone organique dissous (COD) et d’azote organique dissous (NOD) ou par les
racines (turnover et exsudats), est donc susceptible d’affecter la stabilité de la MO et donc, à terme, la
fertilité de ces sols. Par ailleurs, et compte tenu des résultats obtenus sur le déséquilibre en azote qui
s’accroît au cours des rotations successives, il est probable que cet impact sera différent selon le temps
écoulé depuis le boisement de la savane. En reproduisant l’expérimentation du Cifor sur des sites où il
est possible de mesurer les flux de COD et de NOD dans le sol (dispositif lysimétrique), nous devrions
pouvoir quantifier cet impact, comprendre les processus impliqués, et évaluer les risques à long terme
d’une gestion plus ou moins intensive de ces plantations sur les stocks et flux de carbone et d’azote
dans ce sol tropical.
Hypothèses de recherche
1. La gestion de rémanents de l’exploitation influence fortement la dynamique de la matière organique
du sol, les flux d’éléments minéraux et l’évolution de la fertilité minérale en plantation d’eucalyptus.
2. L’impact de la gestion des rémanents dépend du temps écoulé depuis le boisement de la savane en
raison du déficit en azote qui se cumule au cours des rotations successives,
3. L’apport des rémanents génère un flux important de COD et NOD durant la première année après
exploitation, migrant dans le profil du sol et induisant un effet priming dans les horizons profonds.
Objectifs
L’objectif général de cette thèse est d’améliorer la compréhension des mécanismes biogéochimiques
impliqués dans la formation de la matière organique du sol et l’évolution de la fertilité des sols sableux
2 tropicaux sous l’effet d’un apport important de MO (feuilles, branches, écorces) à la surface du sol
résultant de l’exploitation forestière. Les objectifs spécifiques sont de :
1- Evaluer l’effet de la quantité des rémanents en plantation d’eucalyptus sur la dynamique de
libération des éléments minéraux et la croissance des peuplements au cours des rotations successives.
2- Evaluer l’effet de la quantité de rémanents sur la décomposition de MO présente dans le sol avant la
plantation (‘priming effect’ sur les MO de savane et de forêt très ancienne).
3- Etudier l’origine et l’évolution des principales molécules de C et N à différentes profondeurs dans
le sol et dans les solutions du sol.
4- Déterminer l’impact environnemental associé à la manipulation des rémanents d’exploitation, en
particulier sur la séquestration de carbone dans les sols et les pertes minérales par drainage profond.
Ce travail s’insère parfaitement dans les recherches de l’UPR 80 qui visent à caractériser et formaliser
le fonctionnement des écosystèmes de plantations tropicales. Il est en cohérence avec la vision
stratégique du Cirad (Axe 1 « Contribuer à une agriculture écologiquement intensive pour nourrir la
planète », Axe 2 « Etudier les conditions d’émergence et les modalités de mise en valeur des
bioénergies en faveur des populations du sud » (via la production de charbon de bois pour les
populations locales), Axe 6 (« Mieux comprendre les relations entre l’agriculture et
l’environnement») et le SSD de Persyst (et plus particulièrement le DT2 «Fonctionnement, durabilité
et impacts environnementaux des Systèmes de Production»).
Par ailleurs les informations obtenues dans le cadre de cette thèse contribueront à améliorer la
compréhension des mécanismes impliqués dans la réponse des arbres observées sur les différents sites
du réseau ‘Sustainable management of tropical plantation forests’ coordonné par le CIFOR et
intéresseront donc fortement les partenaires du réseau.
Méthodologie
La thèse sera effectuée au sein de l’UR2PI au Congo. Elle s’appuiera sur deux dispositifs
expérimentaux installés depuis une dizaine d’année :
- Une expérimentation à 6 traitements et 4 blocs complets (essai ‘Rémanents’) mise en place par
l’UR2PI en 1998 dans le cadre du réseau de sites CIFOR testant le rôle des rémanents d’exploitation
dans la pérennité de la production des plantations forestières tropicales. L’évolution des propriétés
physico-chimiques des sols, la production de biomasse et les principaux flux du cycle biologique des
éléments minéraux ont été suivis au cours d’une rotation complète dans ce dispositif (Deleporte et al.,
2008) et des travaux plus approfondis ont été menés pour identifier quelques processus cibles
susceptibles d’être altérés : la production d’azote minéral (Nzila et al., 2002) et la diversité biologique
(projet ANR « Microbes » en cours). Les arbres ont été récoltés en 2005 et le dispositif a été réinstallé
aussitôt en appliquant une seconde fois les mêmes traitements qu’en 1998, afin d’amplifier l’effet de la
3 manipulation des rémanents d’exploitation. Plusieurs rapports et articles scientifiques ont été publiés,
mais la synthèse des travaux reste à réaliser et l’effet sur la seconde rotation n’a pas été abordé.
- Un dispositif d’étude de