UMP, Faculté de lettres Master : Littérature Générale et Comparée Le non-sens dans la poésie de Stéphane Mallarmé Rédigé par : Tarik LABRAHMI Direction de : Rachid DZIRI 2012 1 SOMMAIRE Introduction La primauté du cadavre Une écriture incantatoire La musicalité Le blanc : forme visible du silence Une poésie de l’absence L’athéisme comme source de tout vide La dépersonnalisation Une écriture du vide Une poétique de la Négation La déconstruction du « Livre » L’irréalisation du sens Volonté de rien vouloir dire Conclusion L’affirmation du non-sens 2 Dans la poésie de S. Mallarmé Introduction « Les œuvres de Mallarmé ont été jugées obscures presque unanimement par la critique. (…) Les lecteurs les plus célèbres de Mallarmé convergent sur la difficulté à repérer un sens derrière les textes que le poète français nous donne à lire. De telles approches ne prennent pas en considération le fait que l’obscurité des textes de Mallarmé pourrait être aussi l’index de leur indifférence constitutive à toute forme de mouvement qui aboutit au concept. » (Mallarmé : Phénoménologie du non-sens, Salvator Grandone) Tout lecteur voulant lire Mallarmé se heurte au problème de sens et juge ses poèmes trop obscurs.
UMP, Faculté de lettres
Master : Littérature Générale et Comparée
Le non-sens dans la
poésie de
Stéphane Mallarmé
Rédigé par : Tarik LABRAHMI
Direction de : Rachid DZIRI
2012
1
SOMMAIRE
Introduction
La primauté du cadavre
Une écriture incantatoire
La musicalité
Le blanc : forme visible du silence
Une poésie de l’absence
L’athéisme comme source de tout vide
La dépersonnalisation
Une écriture du vide
Une poétique de la Négation
La déconstruction du « Livre »
L’irréalisation du sens
Volonté de rien vouloir dire
Conclusion
L’affirmation du non-sens
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Dans la poésie de S. Mallarmé
Introduction
« Les œuvres de Mallarmé ont été jugées obscures
presque unanimement par la critique. (…) Les lecteurs les
plus célèbres de Mallarmé convergent sur la difficulté à
repérer un sens derrière les textes que le poète français
nous donne à lire.
De telles approches ne prennent pas en considération le
fait que l’obscurité des textes de Mallarmé pourrait être
aussi l’index de leur indifférence constitutive à toute
forme de mouvement qui aboutit au concept. »
(Mallarmé : Phénoménologie du
non-sens, Salvator Grandone)
Tout lecteur voulant lire Mallarmé se heurte au problème de sens et juge ses poèmes trop obscurs.
Ce manque ou cette impasse est due à plusieurs raisons ; soit le poète qui n’a pas beaucoup parlé de
sa poésie, soit les critiques qui recourent souvent à des études vagues et abstraites qui ne pourraient
s’appliquer sur un poème précis, soit l’étrangeté de cette poésie venue en rupture radicale avec la
tradition poétique qui l’avait précédée.
De telle sorte que plusieurs études récentes ont fait de cette absence de toute thématique dans la
poésie mallarméenne la caractéristique fondamentale de cette poétique qualifiée moderne. D’où,
dans notre réflexion nous essayerons de montrer que cette difficulté d'aborder la poésie
mallarméenne est due au non-sens que renferme chacun de ses poèmes. Or la question qui se pose
c'est comment peut-on concevoir chez lui ce non-sens tout en employant des mots doués de sens.
Ainsi, notre tache consiste à montrer comment ce non-sens se manifeste dans l'écriture poétique de
Mallarmé, et ce que sont les différents procédés dont il se sert pour créer chez le lecteur ce
sentiment de la néantisation, du "Rien ne se passe dans le texte".
La primauté de la forme sur la signification est l’un des procédés par lesquels le poète réalise la
néantisation du sens ; d’où le sensible l’emporte sur le lisible et le compréhensible. Au fond du
poème règne une poétique de l’absence ; résultat nécessaire d’un athéisme essentiel. Avant que
cette poésie de l’absence devient une vraie volonté de négation, non comme l’envers d’une
présence, mais comme une négativité pure.
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La primauté du cadavre
« Le travail conduit par Mallarmé sur la parole, sur sa musicalité et sur son aspect graphique, travail
qui occupe une place centrale dans la production de ses poèmes, semble aboutir à une véritable
irréalisation de la parole, une mise en image de l’infigurable qui a comme effet le déploiement d’un
nouveau domaine phénoménique, où l’écart du non-sens ne se comprend plus à partir du sens. »
(Salvator Grandone)
Ainsi, la grande importance que Mallarmé donne à la fabrication du poème, du point de vue forme,
conduit inévitablement, selon une volonté purificatrice de l’art poétique, à une irréalisation de toute
ébauche thématique ou sémantique. De façon que le poème devient un vrai grimoire : une écriture
incantatoire.
Une écriture incantatoire
Il est important de citer, quant à cette forme d’écriture, l’affirmation du poète lui-même dans sa
Musique et les Lettres, « avec l’ingénuité de notre fond, ce legs, l’orthographe des antiques
grimoires, isole en tant que littérature, spontanément elle, une façon de noter. » L’idée sur laquelle il
revient dans sa Crise de vers : « Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf, étranger à
la langue et comme incantatoire ». Mais ce qui importe de plus, c’est comment le langage poétique
se fait transformer en langage incantatoire. On rejoint ici l’impératif mallarméen de l’ « énigme » qui,
loin de souscrire à un quelque arbitraire, commande ce bien mystérieux lien unissant le grimoire à la
grammaire définie comme philosophie latente et particulière en même temps que l’armature de la
langue. Autrement dit, c’est la jonction « inhabituelle » qu’il fait subir aux mots, ou ce qu’on appelle
une « violation de la syntaxe logique », qui rend le poème fortement incantatoire, énigmatique. A ce
stade, on peut parler de la définition que donne Wittgenstein au non-sens, lequel y est divisé en deux
sortes : radical et substantiel. Ce dernier type consiste à assembler des mots qui ne vont pas
ensemble. Ainsi, Benoit Monginot, en parlant de la poésie mallarméenne, conclue que
« La première chose qui apparaît au lecteur est le corps,
l’aspect sonore du texte et non pas la signification dont il serait
le simple véhicule. Le poème peut alors apparaître comme une
incantation magique où la matière verbale, mise en relief par
l’étrange musique des rimes, prise sur le sens ». (Mallarmé
critique de Bourdieu)
De là, le travail, fortement concentré sur la forme, jusqu’elle devienne une sorte de grimoire, rend
difficile sinon impossible à soulever un sens quelconque du texte mallarméen. A ce jeu de mot, tel
que le définie Daniel Wickowski, en disant que « la poésie nouvelle entrevue se propose simplement
de faire jouer l’effet produit par la matière des mots mêmes et de leurs entrelacs, en dehors de tout
désir de représentation » ; s’ajoute l’importance de la musicalité qui tend parfois à devenir le but
ultime du poème.
La musicalité
Quant à l’aspect musical de la poésie mallarméenne, il serait absurde de ne pas commencer avec
cette déclaration directe du poète même où il affirme dans une lettre à E. Gosse en 1893 : « Je fais
de la musique… Les poètes de tous les temps n’ont jamais fait autrement et il est aujourd’hui, voilà
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tout, amusant d’en avoir conscience ». Ce qui fait de la conception mallarméenne de la poésie un art
musical avant tout ; cela ne va pas sans doute sans une néantification du sens. Cette recherche de la
musicalité va jusqu’à que le poète fera une comparaison entre les mots dont se sert le poète et les
touches du clavier, le langage physique du pianiste : « Surprendre habituellement cela, le marquer,
me frappe comme une obligation de qui déchaîna l’Infini ; dont le rythme, parmi les touches du
clavier verbal, se rend, comme sous l’interrogation d’un doigté, à l’emploi des mots, aptes
quotidiens ». Ici on voit l’avènement du mot en tant qu’objet physique, non comme signe doué d’un
sens. L’accent est mis sur sa matérialité physique non sur ses connotations symboliques, ou ce que
Brigitte Léon-Dufour reformule ainsi : « Les mots que choisit Mallarmé, il les veut « diamants
sonores » ». Mallarmé l’avoue en fait lui-même à son ami Degas : « ce n’est pas avec des idées, c’est
avec des mots qu’on fait un poème ».
Il est vrai aussi de dire est-ce qu’il y a de poème qui ne recherche de la musicalité d’une manière ou
d’une autre. Sauf qu’il y ait à distinguer que chez Mallarmé, en fait ce qui le diffère des autres, la
musicalité se veut autonome et primordiale dans le poème au détriment de toute signification.
Laurence Tibi l’affirme par sa manière qui la suivante :
« En réalité, et à un troisième niveau, qui marque le degré
suprême de la désolidarisation du son d’une part et du sens
immédiat ou du référent d’autre part, la multiplication d’une
même sonorité à l’intérieur d’un même poème semble servir
des fins autres que l’icônisme ou une expressivité plus ou
moins impressionniste ». (Mallarmé ou le tumulte des
sonorités transfusibles en du songe)
Ainsi, la musicalité du poème n’est plus le simple moyen pour crée une sensation chez le lecteur,
mais la fin même du poème qui refuse d’être le simple véhicule d’une réalité qui lui soit extérieure.
Pour citer Tibi une seconde fois, il écrit : « La musique ne saurait être mimétique du réel. De même la
flûte du faune échoue à donner un strict équivalent sonore de la nature qui environne le faune ».
D’où le divorce totale entre le son et le sens tel que le conclue Tibi : « Mais la relation du son au sens,
chez Mallarmé ne saurait être envisagées selon des voies communes. Elle présente diverses
modalités qui manifestent une libération progressive du son par rapport à l’objet supposé du
discours ». Telle citation affirme l’évanouissement du sens au profit de la qualité musicale du mot, tel
le témoigne Anne Traussnig dans son travail de maturité : « Le sens s’efface au profit des qualités
artistiques du mot, sa musique et sa calligraphie ». Cette calligraphie, qui privilégie le blanc sur toute
autre couleur, constitue l’autre moyen d’éliminer le sens du mot ; dit autrement, elle est l’autre
figure de la manifestation du non-sens.
Le blanc : forme visible du silence
Comme on l’a déjà cité, Grandone écrit : « Le travail conduit par Mallarmé sur la parole, sur sa
musicalité et sur son aspect graphique, travail qui occupe une place centrale dans la production de
ses poèmes ». On peut donner à ce travail sur la graphie du poème deux fonctions. D’une part,
comme l’affirme Mallarmé lui-même, le poème devient un langage visuel plus qu’un langage écrit ;
Mallarmé écrit dans sa Crise de vers : « Qu’une moyenne étendue de mots, sous la compréhension
du regard, se rang en traits définitifs, avec quoi le silence ». D’autre part, cette graphie, qui semble
privilégie le blanc, vrai équivalent du silence, de l’absence, du non-sens, est l’un des procédés pour
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enlever aux mots tout sens dont ils sont porteurs. Dans un projet de thèse anonyme publié sur net,
qui est une étude comparative de Mallarmé avec Derrida, son auteur écrit : « La poés