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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 18 |
EAN13 | 9782824711454 |
Langue | Français |
Extrait
ST EN DHAL
F ÉDER
BI BEBO O KST EN DHAL
F ÉDER
1927
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1145-4
BI BEBO OK
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OU LE MARI D’ARGEN T
1CHAP I T RE I
, Fé der , un des jeunes g ens les mieux faits de
Marseille , fut chassé de la maison p ater nelle ; il v enait de com-A mer e une faute majeur e : il avait ép ousé une actrice du
Grandéâtr e . Son pèr e , Allemand fort moral et de plus riche nég o ciant depuis
longtemps établi à Mar seille , maudissait vingt fois p ar jour V oltair e et
l’ir onie française ; et ce qui l’indigna p eut-êtr e le plus, dans l’étrang e
mariag e de son fils, ce fur ent quelques pr op os lég er s à la française p ar
lesquels celui-ci essaya de se justifier .
Fidèle à la mo de , quoique né à deux cents lieues de Paris, Fé der faisait
pr ofession de mépriser le commer ce , app ar emment p ar ce que c’était
l’état de son pèr e ; en se cond lieu, comme il avait du plaisir à v oir quelques
b ons table aux anciens du musé e de Mar seille , et qu’il tr ouvait détestables
certaines cr oûtes mo der nes, que le g ouv er nement e xp é die aux musé es de
pr o vince , il alla se figur er qu’il était artiste ¹ . Du véritable artiste , il n’avait
1. Les nouv elles iné dites, 1855, impriment : « que son fils était artiste ». Ce qui est é
vi2Fé der Chapitr e I
que le mépris p our l’ar g ent ; et encor e ce mépris tenait-il surtout à son
hor r eur p our le travail de bur e au et p our les o ccup ations de son pèr e :
il n’ en v o yait que la gêne e xtérieur e . Michel Fé der , dé clamant sans cesse
contr e la vanité et la légèr eté des Français, se g ardait bien d’av ouer
devant son fils les divins plaisir s de vanité que lui donnaient les louang es de
ses asso ciés, lor squ’ils v enaient p artag er av e c lui les bénéfices de quelque
b onne sp é culation, sortie de la tête du vieux Allemand. Ce qui indignait
celui-ci, c’ est que , malgré ses ser mons de morale , ses asso ciés
transformaient pr omptement leur s bénéfices en p arties de camp agne , en chasse
à l’arbre et autr es b onnes jouissances phy siques. Pour lui, enfer mé dans
son ar rièr e-comptoir , un v olume de Ste ding et une gr osse pip e for maient
tous ses plaisir s, et il amassa des millions.
Lor sque Fé der de vint amour eux d’ Amélie , jeune actrice de dix-sept
ans, sortant du conser vatoir e et fort applaudie dans le rôle du Petit
Matelot , il ne savait que deux choses : monter à che val et fair e des p ortraits
en miniatur e ; ces p ortraits étaient d’une r essemblance frapp ante on ne
p ouvait leur r efuser ce mérite ; mais c’était le seul qui pût justifier les
prétentions de l’auteur . Ils étaient toujour s d’une laideur atr o ce et
n’atteignaient à la r essemblance qu’ en outrant les défauts du mo dèle .
Michel Fé der , chef si connu de la maison (raison) Michel Fé der et
comp agnie , dé clamait toute la jour né e en fav eur de l’ég alité natur elle , mais
jamais ne put p ardonner à son fils unique d’av oir ép ousé une p etite
actrice . En vain l’av oué char g é de fair e pr otester les mauvaises ler es de
chang e adr essé es à sa maison lui fit obser v er que le mariag e de son fils
n’avait été célébré que p ar un capucin esp agnol ( dans le Midi, on ne s’ est
p oint encor e donné la p eine de compr endr e le mariag e à la municip
alité ) ; Michel Fé der , né à Nur emb er g et catholique outré , comme on l’ est
en Bavièr e , tenait p our indissoluble tout mariag e où était inter v enue la
dignité du sacr ement. L’ e xtrême vanité du philosophe allemand fut
surtout cho qué e d’une sorte de dicton pr o v ençal qui fut bientôt p opulair e
dans Mar seille :
Monsieur Fé der , le riche Baviér ot,
Se tr ouv e le b e au-pèr e au petit matelot.
demment un lapsus. N. D . L. E.
3Fé der Chapitr e I
Outré de ce nouv el aentat de l’ ironie française , il dé clara que de sa
vie il ne r e v er rait son fils, et lui env o ya quinze cents francs et l’ ordr e de
ne jamais se présenter de vant lui.
Fé der sauta de joie à la v ue des quinze cents francs. C’était av e c des
p eines infinies qu’il avait pu réunir , de son côté , une somme à p eu près
ég ale , et, le lendemain, il p artit p our Paris, le centre de l’esprit et de la
civilisation , av e c le petit matelot , enchanté e de r e v oir la capitale et ses
amies du Conser vatoir e .
elques mois plus tard, Fé der p erdit sa femme , qui mour ut en lui
donnant une p etite fille . Il cr ut de v oir annoncer à son pèr e ces deux é
vénements grav es ; mais, p eu de jour s après, il sut que Michel Fé der était
r uiné et en fuite . Son immense fortune lui avait tour né la tête , sa vanité
avait rê vé de s’ emp ar er de tous les draps d’une certaine espè ce que l’ on
fabrique en France ; il v oulait fair e br o der sur la lisièr e des piè ces de drap ,
les mots : Féder von Deutchland ( Fé der l’ Allemand), et ensuite p orter au
double de leur valeur actuelle ces draps, qui, natur ellement, auraient pris
le nom de draps féder ; ce qui de vait l’immortaliser . Cee idé e , p as mal
française , fut suivie d’une banquer oute complète , et notr e hér os se tr ouva
av e c mille francs de dees et une p etite fille au milieu de ce Paris qu’il ne
connaissait p oint, et où, sur la figur e de chaque ré alité , il appliquait une
chimèr e , fille de son imagination.
Jusque-là Fé der n’avait été qu’un fat, au fond e x cessiv ement fier de
la fortune de son pèr e . Mais, p ar b onheur , la prétention d’êtr e un jour
un artiste célèbr e l’avait p orté à lir e av e c amour Malvasia, Condivi et les
autr es historiens des grands p eintr es d’Italie . Pr esque tous ont été des
g ens p auv r es, fort p eu intrig ants, fort maltraités de la fortune ; et, sans
y song er , Fé der s’était accoutumé à r eg arder comme assez heur euse une
vie r emplie p ar des p assions ardentes, et s’inquiétant p eu des malheur s
d’ar g ent et de costume .
A la mort de sa femme , Fé der o ccup ait, au quatrième étag e , un p etit
app artement meublé , chez M. Martine au, cordonnier de la r ue T aitb out,
le quel jouissait d’une honnête aisance , et, de plus, avait l’honneur de se
v oir cap oral dans la g arde nationale . La natur e marâtr e n’avait donné à
M. Martine au que la taille p eu militair e de quatr e pie ds dix p ouces ; mais
l’artiste en chaussur es avait tr ouvé une comp ensation à ce désavantag e
4Fé der Chapitr e I
piquant : il s’était fait des b oes av e c des talons de deux p ouces de
hauteur à la Louis X I V , et il p ortait habituellement un magnifique b onnet
à p oil haut de deux pie ds et demi. Ainsi har naché , il avait eu le b onheur
d’accr o cher une balle au bras dans l’une des émeutes de Paris. Cee balle ,
objet continuel des mé ditations du Martine au, chang e a son caractèr e et
en fit un homme aux nobles p ensé es.
Lor sque Fé der p erdit sa femme , il de vait quatr e mois de lo y er à M.
Martine au, c’ est-à-dir e tr ois cent vingt francs. Le cordonn