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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 23 |
EAN13 | 9782824710068 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LE CU RÉ DE V I LLA GE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE CU RÉ DE V I LLA GE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1006-8
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.LE CU RÉ DE V I LLA GE
A H ÉLÈN E.
n’ est p as lancé e à la mer , sans que les marins
ne la meent sous la pr ote ction de quelque vivant emblème ouL d’un nom ré véré ; so y ez donc, madame , à l’imitation de cee
coutume , la p atr onne de cet ouv rag e lancé dans notr e o cé an liérair e , et
puisse-t-il êtr e préser vé de la b our rasque p ar ce nom imp érial que l’Église
a fait saint, et que v otr e dé v ouement a doublement sanctifié p our moi.
DE BALZA C.
n
1CHAP I T RE I
V ÉRON IQU E
BL , au coin de la r ue de la Vieille-Poste et de
la r ue de la Cité , se tr ouvait, il y a tr ente ans, une de ces b ou-D tiques aux quelles il semble que rien n’ait été chang é depuis le
mo y en âg e . D e grandes dalles cassé es en mille endr oits, p osé es sur le sol
qui se montrait humide p ar places, auraient fait tomb er quiconque n’ eût
p as obser vé les cr eux et les élé vations de ce singulier car r elag e . Les mur s
p oudr eux laissaient v oir une bizar r e mosaïque de b ois, et de briques, de
pier r es et de fer tassés av e c une solidité due au temps, p eut-êtr e au hasard.
Le plancher , comp osé de p outr es colossales, pliait depuis plus de cent
ans sans r ompr e sous le p oids des étag es s up érieur s. Bâtis en colombag e ,
ces étag es étaient à l’ e xtérieur couv erts en ardoises cloué es de manièr e à
dessiner des figur es g é ométriques, et conser vaient une imag e naïv e des
constr uctions b our g e oises du vieux temps. A ucune des cr oisé es encadré es
de b ois, jadis br o dé es de sculptur es aujourd’hui détr uites p ar les intemp
éries de l’atmosphèr e , ne se tenait d’aplomb : les unes donnaient du nez, les
2Le curé de villag e Chapitr e I
autr es r entraient, quelques-unes v oulaient se disjoindr e ; toutes avaient
du ter r e au app orté on ne sait comment dans les fentes cr eusé es p ar la
pluie , et d’ où s’élançaient au printemps quelques fleur s légèr es, de
timides plantes grimp antes, des herb es grêles. La mousse v eloutait les toits
et les appuis. Le pilier du coin, quoiqu’ en maçonnerie comp osite , c’
est-àdir e de pier r es mêlé es de briques et de cailloux, effrayait le r eg ard p ar sa
courbur e ; il p araissait de v oir cé der quelque jour sous le p oids de la
maison dont le pignon sur plombait d’ envir on un demi-pie d. A ussi l’autorité
municip ale et la grande v oirie fir ent-elles abar e cee maison après
l’av oir acheté e , afin d’élar gir le car r efour . Ce pilier , situé à l’angle des deux
r ues, se r e commandait aux amateur s d’antiquités limousines p ar une
jolie niche sculpté e où se v o yait une vier g e , mutilé e p endant la Ré v olution.
Les b our g e ois à prétentions ar ché ologiques y r emar quaient les traces de
la mar g e en pier r e destiné e à r e ce v oir les chandelier s où la piété publique
allumait des cier g es, meait ses e x-v oto et des fleur s. A u fond de la b
outique , un escalier de b ois v er moulu conduisait aux deux étag es sup érieur s
sur montés d’un gr enier . La maison, adossé e aux deux maisons v oisines,
n’avait p oint de pr ofondeur , et ne tirait son jour que des cr oisé es. Chaque
étag e ne contenait que deux p etites chambr es, é clairé es chacune p ar une
cr oisé e , donnant l’une sur la r ue de la Cité , l’autr e sur la r ue de la
VieillePoste . A u mo y en âg e , aucun artisan ne fut mieux log é . Cee maison avait
é videmment app artenu jadis à des faiseur s d’haub er g e ons, à des ar
murier s, à des coutelier s, à quelques maîtr es dont le métier ne haïssait p as le
plein air ; il était imp ossible d’y v oir clair sans que les v olets fer rés fussent
enle vés sur chaque face où, de chaque côté du pilier , il y avait une p orte ,
comme dans b e aucoup de mag asins situés au coin de deux r ues. A chaque
p orte , après le seuil en b elle pier r e usé e p ar les siè cles, commençait un p
etit mur à hauteur d’appui, dans le quel était une rainur e rép été e à la p outr e
d’ en haut sur laquelle r ep osait le mur de chaque façade . D epuis un temps
immémorial on glissait de gr ossier s v olets dans cee rainur e , on les
assujeissait p ar d’énor mes bandes de fer b oulonné es ; puis, les deux p ortes
une fois closes p ar un mé canisme semblable , les mar chands se tr ouvaient
dans leur maison comme dans une forter esse . En e x aminant l’intérieur
que , p endant les pr emièr es vingt anné es de ce siè cle , les Limousins vir ent
encombré de fer railles, de cuiv r e , de r essorts, de fer s de r oues, de clo ches
3Le curé de villag e Chapitr e I
et de tout ce que les démolitions donnent de métaux, les g ens
qu’intér essait ce débris de la vieille ville , y r emar quaient la place d’un tuyau de
for g e , indiqué p ar une longue traîné e de suie , détail qui confir mait les
conje ctur es des ar ché ologues sur la destination primitiv e de la b outique .
A u pr emier étag e , était une chambr e et une cuisine ; le se cond avait deux
chambr es. Le gr enier ser vait de mag asin p our les objets plus délicats que
ceux jetés pêle-mêle dans la b outique . Cee maison, loué e d’ab ord, fut
plus tard acheté e p ar un nommé Sauviat, mar chand forain, qui, de 1792 à
1796, p ar cour ut les camp agnes dans un ray on de cinquante lieues autour
de l’ A uv ergne , en y é chang e ant des p oteries, des plats, des assiees, des
v er r es, enfin les choses né cessair es aux plus p auv r es ménag es, contr e de
vieux fer s, des cuiv r es, des plombs, contr e tout métal sous quelque for me
qu’il se déguisât. L’ A uv ergnat donnait une casser ole en ter r e br une de
deux sous p our une liv r e de plomb , ou p our deux liv r es de fer , bê che
cassé e , houe brisé e , vieille mar mite fendue ; et, toujour s jug e en sa pr opr e
cause , il p esait lui-même sa fer raille . Dès la tr oisième anné e , Sauviat
joignit à ce commer ce celui de la chaudr onnerie . En 1793, il put acquérir un
châte au v endu nationalement, et le dép e ça ; le g ain qu’il fit, il le rép éta
sans doute sur plusieur s p oints de la sphèr e où il op érait ; plus tard, ces
pr emier s essais lui donnèr ent l’idé e de pr op oser une affair e en grand à
l’un de ses comp atriotes à Paris. Ainsi, la Bande Noir e , si célèbr e p ar ses
dé vastations, naquit dans la cer v elle du vieux Sauviat, le mar chand forain
que tout Limog es a v u p endant vingt-sept ans dans cee p auv r e b outique
au milieu de ses clo ches cassé es, de ses flé aux, de ses chaînes, de ses p
otences, de ses g ouièr es en plomb tordu, de ses fer railles de toute espè ce ;
on doit lui r endr e la justice de dir e qu’il ne connut jamais ni la célébrité ,
ni l’étendue de cee asso ciation ; il n’ en pr ofita que dans la pr op ortion
des capitaux qu’il avait confiés à la fameuse maison Brézac. Fatigué de
courir les foir es et les villag es, l’ A uv er gnat s’é