La lecture à portée de main
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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 23 |
EAN13 | 9782824710358 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
P I ERRET T E
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
P I ERRET T E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1035-8
BI BEBO OK
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.P I ERRET T E
A MADEMOISELLE AN NA DE HANSKA.
Chèr e enfant, v ous la joie de toute une maison, v ous dont la
pèlerine blanche ou r ose v oltig e en été dans les massifs de
Wier zcho w nia, comme un feu follet que v otr e mèr e et v otr e
pèr e suiv ent d’un œil aendri, comment vais-je v ous dé dier
une histoir e pleine de mélancolie ? Ne faut-il p as v ous p arler
des malheur s qu’une jeune fille adoré e comme v ous l’êtes ne
connaîtra jamais, car v os jolies mains p our r ont un jour les
consoler ? Il est si difficile , Anna, de v ous tr ouv er , dans
l’histoir e de nos mœur s, une av entur e digne de p asser sous
v os y eux, que l’auteur n’avait p as à choisir ; mais p eut-êtr e
appr endr ez-v ous combien v ous êtes heur euse en lisant celle
que v ous env oie
,
DE BALZA C.V En o ctobr e 1827, à l’aub e , un jeune homme âg é d’ envir on seize
ans et dont la mise annonçait ce que la phrasé ologie mo der ne app elle
si insolemment un pr olétair e , s’ar rêta sur une p etite place qui se tr ouv e
dans le bas Pr o vins. A cee heur e , il put e x aminer sans êtr e obser vé les
1Pier r ee Chapitr e
différ entes maisons situé es sur cee place qui for me un car ré long. Les
moulins assis sur les rivièr es de Pr o vins allaient déjà . Leur br uit rép été p ar
les é chos de la haute ville , en har monie av e c l’air vif, av e c les pimp antes
clartés du matin, accusait la pr ofondeur du silence qui p er meait d’
entendr e les fer railles d’une dilig ence , à une lieue , sur la grande r oute . Les
deux plus longues lignes de maisons sép aré es p ar un couv ert de tilleuls
offr ent des constr uctions naïv es où se ré vèle l’ e xistence p aisible et
définie des b our g e ois. En cet endr oit, nulle trace de commer ce . A p eine y
v o yait-on alor s les luxueuses p ortes co chèr es des g ens riches ! s’il y en
avait, elles tour naient rar ement sur leur s g onds, e x cepté celle de
monsieur Martener , un mé de cin oblig é d’av oir son cabriolet et de s’ en ser vir .
elques façades étaient or né es d’un cordon de vigne , d’autr es de r osier s
à haute tig e qui montaient jusqu’au pr emier étag e où leur s fleur s p
arfumaient les cr oisé es de leur s gr osses touffes clair semé es. Un b out de cee
place ar riv e pr esque à la grande r ue de la basse ville . L’autr e b out est bar ré
p ar une r ue p arallèle à cee grande r ue et dont les jardins s’étendent sur
une des deux rivièr es qui ar r osent la vallé e de Pr o vins.
D ans ce b out, le plus p aisible de la place , le jeune ouv rier r e connut
la maison qu’ on lui avait indiqué e : une façade en pier r e blanche , rayé e
de lignes cr euses p our figur er des assises, où les fenêtr es à maigr es
balcons de fer dé corés de r osaces p eintes en jaune sont fer mé es de p er siennes
grises. A u-dessus de cee façade , éle vé e d’un r ez-de-chaussé e et d’un pr
emier étag e , tr ois lucar nes de mansarde p er cent un toit couv ert en ardoises,
sur un des pignons duquel tour ne une gir ouee neuv e Cee mo der ne
gir ouee r eprésente un chasseur en p osition de tir er un liè v r e . On monte
à la p orte bâtarde p ar tr ois mar ches en pier r e . D’un côté de la p orte , un
b out de tuyau de plomb crache les e aux ménagèr es au-dessus d’une p
etite rig ole , et annonce la cuisine ; de l’autr e , deux fenêtr es soigneusement
closes p ar des v olets gris où des cœur s dé coup és laissent p asser un p eu de
jour , lui p ar ur ent êtr e celles de la salle à mang er . D ans l’élé vation
racheté e p ar les tr ois mar ches et dessous chaque fenêtr e , se v oient les
soupiraux des cav es, clos p ar de p etites p ortes en tôle p einte , p er cé es de tr ous
prétentieusement dé coup és. T out alor s était neuf. D ans cee maison r
estauré e et dont le lux e encor e frais contrastait av e c le vieil e xtérieur de
toutes les autr es, un obser vateur eût sur-le-champ de viné les idé es
mes2Pier r ee Chapitr e
quines et le p arfait contentement du p etit commer çant r etiré . Le jeune
homme r eg arda ces détails av e c une e xpr ession de plaisir mélang é e de
tristesse : ses y eux allaient de la cuisine aux mansardes p ar un mouv
ement qui dénotait une délibération. Les lueur s r oses du soleil signalèr ent
sur une des fenêtr es du gr enier un ride au de calicot qui manquait aux
autr es lucar nes. La phy sionomie du jeune homme de vint alor s entièr
ement g aie , il se r e cula de quelques p as, s’adossa contr e un tilleul et chanta
sur le ton traînant p articulier aux g ens de l’Ouest cee r omance br etonne
publié e p ar Br uguièr e , un comp ositeur à qui nous de v ons de char mantes
mélo dies. En Br etagne , les jeunes g ens des villag es viennent dir e ce chant
aux mariés le jour de leur s no ces.
Nous v’nons v ous souhaiter b onheur en mariag e ,
A m’sieur v otr e ép oux ussi b en comm’à v ous.
On vient de v ous lier , madam’la marié e ,
A v e c un lien d’ or
i n’délie qu’à la mort.
V ous n’ir ez plus au bal, à nos jeux d’assemblé e ;
V ous g ard’r ez la maison T andis que nous ir ons.
A v ez-v ous b en compris comm’il v ous fallait êtr e
Fidèle à v ot’ép oux :
Faut l’aimer comme v ous.
Re ce v ez ce b ouquet que ma main v ous présente .
Hélas ! v os vains honneur s
Pass’r ont comme ces fleur s.
Cee musique nationale , aussi délicieuse que celle adapté e p ar
Chate aubriand à Ma sœur, te souvient-il encore , chanté e au milieu d’une p etite
ville de la Brie champ enoise , de vait ê tr e p our une Br etonne le sujet
d’imp érieux souv enir s, tant elle p eint fidèlement les mœur s, la b onhomie , les
sites de ce vieux et noble p ay s. Il y règne je ne sais quelle mélancolie
causé e p ar l’asp e ct de la vie ré elle qui touche pr ofondément. Ce p ouv oir de
3Pier r ee Chapitr e
ré v eiller un monde de choses grav es, douces et tristes p ar un rhythme
familier et souv ent g ai, n’ est-il p as le caractèr e de ces chants p opulair es
qui sont les sup er stitions de la musique , si l’ on v eut accepter le mot
sup er stition comme signifiant tout ce qui r este après la r uine des p euples
et sur nag e à leur s ré v olutions. En ache vant le pr emier couplet, l’ ouv rier ,
qui ne cessait de r eg arder le ride au de la mansarde , n’y vit aucun mouv
ement. Pendant qu’il chantait le se cond, le calicot s’agita. and ces mots :
Re ce v ez ce b ouquet, fur ent dits, app ar ut la figur e d’une jeune fille . Une
main blanche ouv rit av e c pré caution la cr oisé e , et la jeune fille salua p ar
un signe de tête le v o yag eur au moment où il finissait la p ensé e
mélancolique e xprimé e p ar ces deux v er s si simples :
Hélas ! v os vains honneur s
Pass’r ont comme ces fleur s.
L’ ouv rier montra soudain, en la tirant de dessous sa v este , une fleur
d’un jaune d’ or très-commune en