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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 25 |
EAN13 | 9782824710440 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
U N GRAN D HOMME
DE P RO V I NCE À
P ARIS
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
U N GRAN D HOMME
DE P RO V I NCE À
P ARIS
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1044-0
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.U N GRAN D HOMME DE
P RO V I NCE À P ARIS
L, madame de Bar g eton, ni Gentil, ni Alb ertine , la
femme de chambr e , ne p arlèr ent jamais des é vénements de ceN v o yag e ; mais il est à cr oir e que la présence continuelle des
g ens le r endit fort maussade p our un amour eux qui s’aendait à tous les
plaisir s d’un enlè v ement. Lucien, qui allait en p oste p our la pr emièr e fois
de sa vie , fut très-ébahi de v oir semer sur la r oute d’ Ang oulême à Paris
pr esque toute la somme qu’il destinait à sa vie d’une anné e . Comme les
hommes qui unissent les grâces de l’ enfance à la for ce du talent, il eut
le tort d’ e xprimer ses naïfs étonnements à l’asp e ct des choses nouv elles
p our lui. Un homme doit bien étudier une femme avant de lui laisser v oir
ses émotions et ses p ensé es comme elles se pr o duisent. Une maîtr esse
aussi tendr e que grande sourit aux enfantillag es et les compr end ; mais
p our p eu qu’ elle ait de la vanité , elle ne p ardonne p as à son amant de
s’êtr e montré enfant, vain ou p etit. Be aucoup de femmes p ortent une si
grande e x ag ération dans leur culte , qu’ elles v eulent toujour s tr ouv er un
dieu dans leur idole ; tandis que celles qui aiment un homme p our
luimême avant de l’aimer p our elles, ador ent ses p etitesses autant que ses
1Un grand homme de pr o vince à Paris Chapitr e
grandeur s. Lucien n’avait p as encor e de viné que chez madame de Bar g
eton l’amour était gr effé sur l’ or gueil. Il eut le tort de ne p as s’ e xpliquer
certains sourir es qui é chappèr ent à Louise durant ce v o yag e , quand, au
lieu de les contenir , il se laissait aller à ses g entillesses de jeune rat sorti
de son tr ou.
Les v o yag eur s débar quèr ent à l’hôtel du Gaillard-Bois, r ue de
l’Échelle , avant le jour . Les deux amants étaient si fatigués l’un et l’autr e ,
qu’avant tout Louise v oulut se coucher et se coucha, non sans av oir
ordonné à Lucien de demander une chambr e au-dessus de l’app artement
qu’ elle prit. Lucien dor mit jusqu’à quatr e heur es du soir . Madame de
Barg eton le fit é v eiller p our dîner , il s’habilla pré cipitamment en appr enant
l’heur e , et tr ouva Louise dans une de ces ignobles chambr es qui sont la
honte de Paris, où, malgré tant de prétentions à l’élég ance , il n’ e xiste p as
encor e un seul hôtel où tout v o yag eur riche puisse r etr ouv er son chez soi.
oiqu’il eût sur les y eux ces nuag es que laisse un br usque ré v eil, Lucien
ne r e connut p as sa Louise dans cee chambr e fr oide , sans soleil, à ride aux
p assés, dont le car r e au fr oé semblait misérable , où le meuble était usé ,
de mauvais g oût, vieux ou d’ o ccasion. Il est en effet certaines p er sonnes
qui n’ ont plus ni le même asp e ct ni la même valeur , une fois sép aré es des
figur es, des choses, des lieux qui leur ser v ent de cadr e . Les phy sionomies
vivantes ont une sorte d’atmosphèr e qui leur est pr opr e , comme le
clairobscur des table aux flamands est né cessair e à la vie des figur es qu’y a
placé es le g énie des p eintr es. Les g ens de pr o vince sont pr esque tous ainsi.
Puis madame de Bar g eton p ar ut plus digne , plus p ensiv e qu’ elle ne de vait
l’êtr e en un moment où commençait un b onheur sans entrav es. Lucien
ne p ouvait se plaindr e : Gentil et Alb ertine les ser vaient. Le dîner
n’avait plus ce caractèr e d’ab ondance et d’ essentielle b onté qui distingue la
vie en pr o vince . Les plats coup és p ar la sp é culation sortaient d’un r
estaurant v oisin, ils étaient maigr ement ser vis, ils sentaient la p ortion congr ue .
Paris n’ est p as b e au dans ces p etites choses aux quelles sont condamnés
les g ens à fortune mé dio cr e . Lucien aendit la fin du r ep as p our inter r
og er Louise dont le chang ement lui semblait ine xplicable . Il ne se tr omp ait
p oint. Un é vénement grav e , car les réfle xions sont les é vénements de la
vie morale , était sur v enu p endant son sommeil.
Sur les deux heur es après midi, Sixte du Châtelet s’était présenté à
2Un grand homme de pr o vince à Paris Chapitr e
l’hôtel, avait fait é v eiller Alb ertine , avait manifesté le désir de p arler à sa
maîtr esse , et il était r e v enu après av oir à p eine laissé le temps à madame
de Bar g eton de fair e sa toilee . Anaïs dont la curiosité fut e x cité e p ar cee
singulièr e app arition de monsieur du Châtelet, elle qui se cr o yait si bien
caché e , l’avait r e çu v er s tr ois heur es.
― Je v ous ai suivie en risquant d’av oir une réprimande à l’ A
dministration, dit-il en la saluant, car je pré v o yais ce qui v ous ar riv e . Mais dussé-je
p erdr e ma place , au moins v ous ne ser ez p as p erdue , v ous !
― e v oulez-v ous dir e ? s’é cria madame de Bar g eton.
― Je v ois bien que v ous aimez Lucien, r eprit-il d’un air tendr ement
résigné , car il faut bien aimer un homme p our ne réflé chir à rien, p our
oublier toutes les conv enances, v ous qui les connaissez si bien ! Cr o y
ezv ous donc, chèr e Naïs adoré e , que v ous ser ez r e çue chez madame
d’Esp ard ou dans quelque salon de Paris que ce soit, du moment où l’ on saura
que v ous v ous êtes comme enfuie d’ Ang oulême av e c un jeune homme ,
et surtout après le duel de monsieur de Bar g eton et de monsieur
Chandour ? Le séjour de v otr e mari à l’Escarbas a l’air d’une sép aration. En
un cas semblable , les g ens comme il faut commencent p ar se bar e p our
leur s femmes, et les laissent libr es après. Aimez monsieur de Rub empré ,
pr otég ez-le , faites-en tout ce que v ous v oudr ez, mais ne demeur ez p as
ensemble ! Si quelqu’un ici savait que v ous av ez fait le v o yag e dans la
même v oitur e , v ous seriez mise à l’inde x p ar le monde que v ous v oulez
v oir . D’ailleur s, Naïs, ne faites p as encor e de ces sacrifices à un jeune
homme que v ous n’av ez encor e comp aré à p er sonne , qui n’a été
soumis à aucune épr euv e , et qui p eut v ous oublier ici p our une Parisienne
en la cr o yant plus né cessair e que v ous à ses ambitions. Je ne v eux p as
nuir e à celui que v ous aimez, mais v ous me p er mer ez de fair e p asser
v os intérêts avant les siens, et de v ous dir e : « Étudiez-le ! Connaissez
bien toute l’imp ortance de v otr e démar che . » Si v ous tr ouv ez les p ortes
fer mé es, si les femmes r efusent de v ous r e ce v oir , au moins n’ay ez aucun
r egr et de tant de sacrifices, en song e ant que celui auquel v ous les faites
en sera toujour s digne , et les compr endra. Madame d’Esp ard est d’autant
plus pr ude et sé vèr e qu’ elle-même est sép aré e de son mari, sans que le
monde ait pu p énétr er la cause de leur désunion ; mais les Navar r eins,
les Blamont-Chauv r y , les Lenoncourt, tous ses p ar ents l’ ont entouré e , les
3Un grand homme de pr o vince à Paris Chapitr e
femmes les plus collet-monté v ont chez elle et l’accueillent av e c r esp e ct,
en sorte que le mar quis d’