E XISTE-T-IL une culture européenne ? Il est bien difficile de répondre à cette question, tant l’Europe, malgré le puissant mouvement de convergence initié depuis soixante ans par la construction européenne, demeure le continent de la diversité et de la différence. Diversité linguistique, diversité des systèmes politiques, diversité des histoires nationales, di-versité des religions et des référents culturels. Bien sûr, on peut arguer du fait que tant de diversité sur un si petit continent est synonyme de richesse, et c’est une réalité. Pour autant, sur le plan de la culture non pas passée mais actuelle, il n’est pas simple de repérer un horizon culturel commun. Sur le plan cinématographique pourtant, des efforts louables et des progrès réels ont été faits dans le but de promouvoir un cinéma “euro-péen”. Le filmJoyeux Noël, réalisé par Christian Carion et sorti en 2005, est un bon exemple de film européen : il s’agit d’une production franco-germano-britannico-belgo-roumaine. Il réunit des acteurs connus issus de quatre pays, la France (Guillaume Canet, Dany Boon), l’Allemagne (Diane Krüger, Benno Fürmann), le Royaume-Uni (Alex Ferns, Gary Lewis) et la Belgique (Lucas Bel-vaux) et a été tourné dans trois lan-gues (allemand, anglais et français). Il a d’ailleurs reçu la distinction du meilleur film en langue étrangère de l’Academy Awards. Le tournage du film en extérieur s’est déroulé en Écosse, en France, à Berlin et principalement en Rou-manie – où les coûts de production sont moins élevés qu’en Europe de l’Ouest. À noter que la Roumanie, par sa contribution financière et ses décors naturels, a largement participé à la production de ce film, alors que, d’une part, elle ne faisait pas partie de l’Union européenne à l’époque et que, d’autre part, l’argumentaire du film ne
la concerne pas directement. En effet, Joyeux Noëlretrace l’histoire (vraie) de la fraternisation, la nuit de Noël 1914, entre soldats français, allemands et britanniques sur le front. Il s’agit donc bien d’une histoire européenne, à laquelle les spectateurs européens peuvent adhérer, voire s’identifier. Le film a d’ailleurs connu un grand suc-cès public en France, en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe. Cette production a bénéficié d’un financement européen à double titre. D’abord, il a été financé par les fonds de soutien au cinéma mis en place dans les principaux États européens de production, au niveau national (avance sur recettes du Centre national du cinéma en France,Filmförderungs-anstalten Allemagne) et au niveau ré-gional (région Nord-Pas-de-Calais en France,Berlin Medien Brandenburg en Allemagne). Ensuite, il a été soutenu financièrement par l’Union européenne (UE)via leprogramme Media et par le Conseil de l’Europe viale fonds de soutien à la coproduc-tion Eurimages. Malgré le concert de louanges qui accueillit le film, certains critiques y ont vu “un instrument de propagande européenne”.
Les capitales européennes de l
Reykjavík 1994
Joyeux Noël, un film “européen” produit en 2005
Affiche et graphiques disponibles sur transparent
En attendant, depuis une dizaine d’années, certains films allemands, même réputés difficiles commeLa Vie des autres, ont connu un succès inattendu par-delà les frontières, tan-dis que le pourtant très françaisBien-venue chez les Ch’tis, phénomène de l’année 2008 en France avec ses 20 millions d’entrée, a été très bien accueilli en Allemagne et ailleurs. L’Europe de la culture serait-elle donc en marche ? C’est ce que sou-haitent en tout cas les institutions de Bruxelles, non seulement en défendant la diversité artistique euro-péenne, mais aussi en promouvant les capitales européennes de la culture, un label que les villes d’Europe se disputent ardemment. Cela dit, les sommes allouées à la culture restent très modestes : 0,12 % du budget de l’UE en 2008.
Pays ayant participé à la conception deJoyeux Noël Allemagne France
Pays d’origine de l’acteur
RoyaumeUni
Belgique
Nationalité des acteurs et langues de tournage : une allégorie de la diversité européenne ?
Rôles principaux
Rôles secondaires
Benno FürmannGuillaume CanetDany Boon
Langue de tournage Diane KrügerGary Lewis
Steven RobertsonDaniel BrühlMicki DedajAlex FernsFrank Witter
Marc RobertPhilippe BeautierAlexander Wust
Johannes Voelkel
Lucas Belvaux
Bernard Le Coq
Roumanie
Autres rôles
Ian Richardson
Thomas Schmauser
Joachim BissmeierRobin Laing
Un financement européen Un plan de financement Répartition des financements : entre promoteurs privés et organismes territoriaux organisé autour de 5 pays Producteur PréventeAide européenneAide nationaleAides localesAutres Coût (en millions d’euros) NordOuest production,Canal+, TF1, UGC etQuotepart françaiseAvance sur recettes du CNC, quotepart 1,681 Région NordPasdeCalais SOFICA TF1 Film prod., La Guevillecinécinéma d’Eurimagesfrançaise du mini traité francoallemand (10 %) Quotepart allemandeFFA :Filmförderungsanstalt, quotepart 1,68Senator Film VerleihSenator Film ProduktionBerlin Medien Brandenburg d’Eurimages allemandedu mini traité francoallemand (10 %) 7,99 Ingenious Media 2 ,1 (47,5 %) (12,5 %)Quotepart belge Cineart et Canal+ 2 Tax Schelter d’Eurimages 3,36 (20 %)Quotepart roumaine Media pro distributionSynonance d’Eurimages 1 SOFICA : les contribuables qui souscrivent au capital d’une Société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (SOFICA) peuvent ainsi obtenir une réduction d’impôt. 2 Tax shelter : régime fiscal permettant à une société qui souhaite investir dans le soutien à la production audiovisuelle de bénéficier d’une exonération sur une partie de ses bénéfices imposables.
Lieux et durée de tournage et de postproduction sur le continent européen
Tournage en extérieur
Tournage en studio
Écosse : 4 jours Berlin : 1 semaine NordPasdeCalais :2 semaines Bucarest : 9 semaines