Les sectes Lucifériennes aujourd'hui
Jean-Paul Bourré
Published: 2009
Tag(s): lucifer, religious
1Partie 1
Première partie
2« Aussi je parcours les nations pour y chercher la connaissance, celle qui
s’attache à une pierre tombée de la couronne de Lucifer… Quand je serais de-
vant la pierre du Diable, quand je la toucherai, quand je verrai que l’illuminent
doucement les astres qui poursuivent inlassablement dans le ciel la route que
Dieu leur a tracée, alors j’évoquerais le graal, cette pierre tombée aussi de la cou-
ronne de Lucifer et que Parsifal a conquise. Je ne manquerai pas de rappeler en
moi, également, le souvenir de Lohengrin, le messager du Graal, que certains ap-
pellent Hélias, « le porteur de lumière »
Otto Rahn
3Sommaire
Introduction. En guise de manifeste
I Adeptes et martyrs
II La « contre-ordination »
III Pratiques et rituels de L’initiation sorcière
IV Prêtres et prêtresses de Lucifer
V Le monde luciférien
VI « L’Internationale luciférienne »
VII Les lieux de culte
VIII La quête luciférienne aujourd’hui
Conclusion. Satan ou Lucifer?
Annexes
1. La Bible de Lucifer (extraits)
2. Le journal d’une magicienne
3. Manifeste de The Church of Satan
Bibliographie
4Chapitre 1
INTRODUCTION EN GUISE DE MANIFESTE
Le luciférisme n’est pas cette magie diabolique à laquelle les Églises op-
posent sans cesse le principe du Bien. Ce fut une science authentique de
la reconquête des pouvoirs perdus, un véritable savoir permettant à
l’homme de transgresser les lois du temps afin de devenir « L’égal des
dieux ».
Selon l’enseignement luciférien, toute forme est divinité. Certaines ont
chuté, ce qui explique la nature morcelée de l’homme qui ne se souvient
plus de ses origines. Il existe pourtant un enseignement destiné à ré-
veiller la mémoire humaine pour lui rappeler sa nature glorieuse. Cette
science fut dite « luciférienne » parce que ses propagateurs s’incarnèrent,
selon la tradition kabbalistique, pour apporter le « feu » du savoir aux
hommes. Ils furent les « porteurs de lumière » (conformément à
l’étymologie latine du mot « Lucifer », formé de lux lumière, et de ferre
porter)
A la fin du XVIIe siècle, le révérend Kirk, adepte des sciences « diabo-
liques », fit sienne cette conception du retour à la divinité. Ses rapports
avec les « porteurs de foudre » (la foudre est porteuse d’acide nitrique,
fertilisateur, ce qui explique scientifiquement l’aspect bénéfique qu’elle
revêt dans bien des croyances. Pour les Indiens, elle est la première voix
qui ait parlé au monde, la manifestation de l’esprit) avaient lieu sur la «
colline des fées », près d’Aberfoyle, en bordure de la lande écossaise. Sa
mort énigmatique a le caractère de toutes les destinées lucifériennes, elle
correspond à l’instant particulier où l’adepte est confronté à sa dernière
épreuve terrestre: il doit changer de plan, et cela par le rituel qui permet-
tra sa nouvelle mutation.
Il en fut de même d’Isabel Gowdie, disciple de Lucifer, brûlée vive après
s’être elle-même dénoncée. Pour elle aussi la mort volontaire, choisie et
5voulue, permettait de participer au dernier rituel du feu. Elle monta au
bûcher, indifférente à la foule hurlante qui emplissait la place, l’esprit ri-
vé à ce rite terrible qui devait permettre sa transformation.
Le destin tragique des adeptes de Lucifer fait de cette science magique
un instrument terrifiant où la mort rode au cœur des rituels, où les lois
humaines sont sans cesse bafouées, où l’homme n’est qu’un objet expéri-
mental dans la main de ceux qui possèdent des pouvoirs. En apparence
du moins, car il ne faut pas confondre la sorcellerie et son cortège
d’envoûtements et de guérisons, avec cette science fabuleuse visant la ré-
habilitation de l’homme sur le plan divin.
En cela, Lucifer est vu comme un dieu civilisateur, même si, comme pour
le Zarathoustra de Nietzshe, sa bonté parait terrible aux yeux des
hommes qui expliquent le monde à partir de valeurs différentes.
La science luciférienne remonte à la nuit des temps, elle existait avant
même que n’apparaissent les notions de Bien et de Mal; il est donc par-
fois difficile de la déceler à travers ses actions, car elles ne correspondent
pas aux normes morales de notre civilisation construite sur deux millé-
naires de philosophie chrétienne.
Pour Eliphas Levi, « le Lucifer de la Kabbale n’est pas un ange maudit et
foudroyé, c’est l’ange qui éclaire et qui régénère en brûlant; il est aux
anges de paix ce que la comète est aux paisibles étoiles des constellations
du printemps ». (Dogme et rituels de haute magie).
Cette nouvelle conception de Lucifer ange de lumière fut mise en valeur
par les romantiques du XIXe siècle, séduits par la malédiction pesant sur
« l’antique foudroyé ». Rien de bien sérieux dans cette réhabilitation lit-
téraire, son seul but étant l’effet esthétique, la recherche d’une émotion
inhabituelle.
Il n’en fut pas de même avec certains cénacles de haute magie dont le
travail secret n’a jamais rompu avec les anciennes pratiques de la magie
rouge fondée sur une ancienne rituelle immuable: le rite des tris S, ou
sexe, sang et souffle. Déjà, l’Ancien Testament affirmait: « L’âme de la
chair est dans le sang. » (Lévitique)
Cette croyance est la base de la science luciférienne qui agit sur l’ âme
6par les « corps » intermédiaires que sont le sang, l’énergie sexuelle entiè-
rement cérébralisée (en cela proche du tantrisme) et le souffle qui permet
l’action juste du Verbe, la parole, l’incantation, le son sous ses aspects les
plus divers.
Eliphas Levi, même en parlant de Lucifer comme d’un ange de lumière,
n’en demeure pas moins un « mage blanc » fortement influencé par les
dogmes judéo-chrétiens. Il se refuse à participer aux ultimes expériences
qui remettraient en question les bases mêmes de la civilisation. Sa pru-
dence donne à son enseignement un caractère ambigu, une « couleur
morale » qui distingue encore l’Occulte aujourd’hui..
Au XXe siècle, Lucifer est donc un mage noir ayant fait un pacte
d’alliance avec les puissances des ténèbres, ou bien un paranoïaque dont
la personnalité s’explique cliniquement.
Voilà bien le double visage de la nouvelle Inquisition. Aucun ouvrage à
ce jour n’a tenté une véritable réhabilitation de cette science, car l’homme
désirant transgresser les valeurs qui lui sont imposées a peur de se re-
trouver inévitablement face à ses juges… Ainsi entretient-on la culpabi-
lité, ce vieux démon créé de toutes pièces par les religions humanistes.
Il existe, encore aujourd’hui, une subversion occulte qui essaye par tous
les moyens de rabaisser le luciférisme au rang d’une déviation sata-
nique. Il suffit pourtant d’étudier les textes des civilisations tradition-
nelles pour comprendre que la chute des anges rebelles, genèse du luci-
férisme, représente en vérité la venue des instructeurs apportant à
l’homme le savoir initiatique, que Lucifer n’est pas le dieu du mal oppo-
sé au dieu de la Bible, mais bien un principe divin que l’on retrouve dans
toutes les traditions. Que ce soit à travers le culte du serpent El Hayyat
chez les adorateurs d’Ibis, le Lucifer de l’Islam, ou dans le combat my-
thologique du Mahasoura, le hindou luttant pour pénétrer dans
le temps humain, c’est toujours la même vision du feu instructeur tombé
du ciel pour que l’homme puisse s’éveiller à sa propre divinité.
La Mythologie n’effraye pas, car elle met en scène des combats de dieux
qui ne sont pour nous qu’une succession d’allégories à déchiffrer: La ter-
reur vient lorsque l’homme recrée ces combats divins au cœur du rituel,
lorsqu’il fait descendre dans le cercle consacré tout le pouvoir arraché
aux mondes supérieurs. Le mage luciférien est le médiateur entre les
7hauts principes occultes et le plan terrestre. Il se tient debout au centre
du rite à la manière d’un paratonnerre qui canalise la foudre. Il se
modifie lui-même au cours de ses expériences qui n’ont, en vérité, qu’un
but: faire du simple pratiquant un « porteur de foudre ». En cela, il est
parfois difficile de distinguer dans le nombre des adeptes lucifériens la
part de l’ascèse authentique, aussi terrible soit-elle, et la part des motiva-
tions personnelles, de déviations simplement humaines. Gilles de Rais,
par exemple, a-t-il atteint, le jour de son exécution, le degré promis à
tous les martyrs lucifériens? Son étrange alchimie du sexe et du sang a-t-
elle abouti à autre chose qu’à l’anéantissement de son âme? Et, plus près
de nous, Charles Manson, ce Raspoutine californien, n’est-il qu’un «
jouisseur psychique » ou bien son action dépend-elle de principes supé-
rieurs? On peut trouver dans les rituels de la « Famille » Manson toute
une gamme mal comprise et mal interprétée des pratiques lucifériennes:
psychodrames de l’esprit, rites de la pendaison, pouvoirs du sang (La
fonction du sang est celle d’un véhicule d’énergie vitale).
D’autres sectes continuent aujourd’hui l’expérience de la magie rouge, et
leurs rituels parfois complexes, n’en ressemblent pas moins aux anciens
rites noirs de Babylone. Comme dans l’Égypte de Mendès, le bouc re-
trouve sa fonction privilégiée, et le blasphème et l’envoûtement parti-
cipent au même dépassement de la personnalité, à la même transforma-
tion de l’homme en divinité.
Alors que tous les textes judéo-chrétiens annoncent, à la fin des temps, la
mise au fers de Satan pour mille ans, les prophéties égyptiennes pré-
disent que, lorsque viendra le dernier jour de la terre, Lucifer ne sera pas
entraîné dans le chaos: « Il reviendra ce long serpent qui survivra lorsque
toute l’humanité sera retournée à la fange. » Vision lumineuse du dieu
civilisateur Lucifer, le rédempteur surgissant vainqueur sur les ruines du
bien et du mal.
8Chapitre 2
ADEPTES & MARTYRS
Kirk, le pasteur luciférien
Il existe en Écosse, dans le vieux cimetière d’Aberfoyle, une tombe pas
comme les autres: celle du révérend Kirk, dont la mort énigmatique, sur-
venue en 1692, prouve peut-être la proximité d’un monde terrifiant qu’il
nous est difficile de concevoir.
Pour les habitants d’A