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Description
Sujets
Informations
Publié par | Collection Paulette |
Nombre de lectures | 60 |
EAN13 | 9782374532899 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Réseaux, désirs et illusions
Ghada
Collection Corail
À Pablo, celui qui réveille en moi tous mes fantasmes.
Je suis un chasseur. Mes proies sont les femmes solitaires. Celles qui cherchent un mot d’amour, une caresse, un regard attentionné. Des femmes seules qui souffrent et sont prêtes à se donner tout entières pourvu qu’elles se sentent remarquées, comprises et surtout aimées. Des femmes qui chantent leur souffrance sous forme de poèmes d’amour, et dont la peine s’affiche dans les mots amers qu’elles emploient dans leurs statuts sur les réseaux sociaux. Parce que c’est mon terrain de chasse.
Ma stratégie est simple. Tous les soirs à partir de minuit jusqu’au lever du soleil, l’œil aux aguets devant mon ordinateur, je parcours les pages Facebook, tel un guépard posté dans un arbre qui regarde la savane à la recherche d’une proie éloignée du troupeau. J’explore le terrain. Je traque les femmes populaires, celles qui ont une panoplie d’amis, beaucoup d’admirateurs. J’analyse leurs profils, leurs préférences, leurs intérêts, les films, les chansons qu’elles aiment, et surtout j’étudie leurs statuts. Les ordinaires m’ennuient. Celles qui cherchent un mari sont tout de suite mises à l’écart, éliminées. J’aime le challenge, moi. Et puis le cœur me manque. Elles tombent trop facilement dans le piège. Je cherche surtout des femmes intelligentes, raffinées, celles qui ont été déçues, de préférence divorcées. Je choisis des cas, des femmes à problèmes, celles qui sont prêtes à tout essayer, qui cherchent un confort dans la relation. Celles qui sont aptes à la corruption et qui me donnent le plaisir de la poursuite. Celles qui cherchent un homme idéal, franc, poète, charmant, délicat, attentionné, qui sort de l’ordinaire quoi ! Et moi, je réponds à tous ces critères de recherche. Je n’ai aucun défaut. Je suis le rêve de toutes les femmes. Le Rêve, je le dis et le répète. Dans la réalité, ce Casanova n’existe pas, c’est un personnage de roman.
Ne sois pas leurré par les circonstances, ni par mon parcours, la modestie est une vertu qui te servira à vivre autant que tu veux, à vivre les aventures dont tu rêvais.
Avec mon expérience, j’arrive à détecter celles qui sont libres. J’en dresse un profil, esquisse un caractère à partir de mes observations et crée un dossier pour chacune d’elles. J’en traque plusieurs en même temps pour n’en choisir qu’une seule par la suite. Les autres, je les garde en réserve, elles auront un rôle à jouer plus tard. Le choix de mes fans est essentiel pour stimuler la prochaine victime. La jalousie est une arme que je déploie pour attiser son désir, et l’amener vers moi. Je suis le trophée qu’elle gagnera, elle doit concourir pour m’avoir. Mon plan est infaillible. Je ne me vante pas, mais il faut raconter les choses telles qu’elles sont, et pour une fois. Le temps presse.
Je les choisis donc avec précaution, les suis et j’attends. Ce métier exige surtout de la patience et du temps. Ne jamais ébranler les étapes du stratagème est la règle d’or.
Une fois que je me décide, la victime est placée sous une vigilante observation. Chacun de ses statuts est étudié. J’attends les commentaires de ses amis, les siens, puis je poste une réponse réfléchie. La réponse qu’elle attendait. À force de vivre dans la peau de la victime, avec le temps, j’arrive même à deviner sa pensée.
But atteint. Mon art réside dans la verve poétique, spontanée et éloquente, que j’alimente avec des lectures. Je lis beaucoup. Je suis un intellectuel caméléon. Je dois répondre à tous les profils. La femme ordinaire, femme au foyer, la coquette, la voilée, la libertine, la révoltée, la sexiste, la poète, la peintre… Quand la victime réplique, j’analyse sa réponse, mais je la fais attendre. L’attente m’excite, comme le corps d’une femme nue étendue sur un divan et qui s’offre à moi. Et je sais qu’elle brûle en attendant que je riposte. Pour qu’elle tombe dans le piège, il faut la provoquer. Je prépare mes mots avec précaution, j’anticipe et ne laisse rien au hasard. Les femmes adorent les mots d’amour et la flatterie. Même les plus arrogantes, mes préférées. J’ai du plaisir à les rabaisser, avec délicatesse, à les humilier, pour assouvir le désir originel de tout homme, de l’homme primitif, dieu et maître des corps des femmes de sa caverne. La posséder corps et âme, la dominer, la rendre dépendante de moi, l’émanciper, la réconcilier avec ses fantasmes les plus osés, c’est là ma mission.
Ce jeu dure quelques jours. Ensuite, et pour tester si l’hameçon a pris, j’écris un statut et j’attends son « Like ». S’il apparaît tout de suite après, je sais que je figure parmi sa liste d’amis à suivre. Alors je lui fais entendre ce qu’elle aime entendre. Ou bien, mes statuts sont provocants, la menant à réfléchir, mais sans agressivité. Surtout garder la délicatesse du gentleman. Je commente aussi les statuts de ses amis. Mes commentaires sont légers, ils font rire et sont à la fois recherchés. Je suis sympathique. Ce sont elles qui me le disent. Mon sens de l’humour est une qualité essentielle dans ce genre de « métier », je l’utilise afin de ne pas l’effrayer. Je suis aussi féministe, et là, c’est du vrai. Les discussions que je mène, les articles sur la violence conjugale que je partage, et surtout mon adhésion à des ONG féministes me tiennent à cœur. Ces deux qualités m’ouvrent la voie. Cette étape, la première, il faut la travailler minutieusement, il n’est pas question que je commette une seule erreur. Tout ce qui apparaît sur ma page doit faire l’objet d’une recherche soignée ! La patience est la clé de la réussite de ma manœuvre.
Vient l’étape où elle me contacte en privé. Je ne fais jamais le premier pas, jamais. Les femmes bavardent entre elles, font étalage de leurs relations, elle pourrait donc me compromettre aux yeux des autres, et dire que j’ai couru après elle.