Lettre de Manuel Valls, ministre de l intérieur, à François Hollande, président de la République, en date du 25 juillet 2013.
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Lettre de Manuel Valls, ministre de l'intérieur, à François Hollande, président de la République, en date du 25 juillet 2013.

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Publié le 13 août 2013
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Langue Français

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Lettre de Manuel Valls, ministre de l'intérieur, à François Hollande, président
de la République, en date du 25 juillet 2013.

"J'attire votre attention sur les désaccords mis en lumière par le travail interministériel qui s'est
engagé récemment autour du projet de réforme pénale présenté par le ministère de la justice.
Ainsi, et même si nous saluons un rapprochement des points de vue concernant notamment la
nécessité d'engager très rapidement des réformes organisationnelles, indispensables à la crédibilité
de notre politique de lutte contre la récidive, la quasi-totalité des dispositions de ce texte a fait
l'objet de discussions, voire d'oppositions du ministère de l'intérieur, qui a toutefois tenu
àproposer des alternatives.
Cependant, tant pour des raisons de méthode que de fond, l'écart entre nosanalyses demeure trop
important et appelle une clarification de nos orientations politiques.
Ainsi, compte tenu de la sensibilité de ce sujet et des enjeux entourant la réforme pénale, je souhaite
à ce stade que nous définissions collectivement les principes directeurs de cette réforme autant que
les modalités de son déploiement.
 1. Des désaccords sur la méthode
Mon cabinet a été destinataire d'un avant-projet de loi pénale vendredi 12 juillet.Quatre réunions
interministérielles ont été organisées, entre le vendredi 19 juillet et jeudi 25 juillet, pour une saisine
du conseil d'Etat début août.
Je dois souligner le bref délai dans lequel est conduite la réflexion sur un projet de loi,
techniquement dense et politiquement sensible, tant au sein de notre propre majorité que vis-à-vis
de l'opposition. Cette brièveté du temps d'échanges, d'expertises conjointes et de débats pose
notamment problème en ce qui concerne l'étude d'impact reçue tardivement. Or, celle-ci est
essentielle à l'analyse des orientations de ce texte.
En outre, ce projet de loi repose sur un socle de légitimité fragile, la conférence de consensus. Pour
riche et plurielle qu'elle soit, la somme de connaissances accumulées ne reflète pas tous les courants
de pensée et de recherche. En outre, les conclusions du "jury" de consensus ont fait l'objet de fortes
réserves au sein même de la magistrature. Enfin et surtout, je rappelle quele consensus de la société
civile n'était qu'une aide à la construction d'un compromis politique, d'abord avec notre majorité,
ensuite, et sans doute plus difficilement, avec la représentation nationale.
 2. Des désaccords sur le fond
- Ce projet de loi part d'un premier postulat que je ne peux intégralement partager : la surpopulation
carcérale s'expliquerait exclusivement par le recours "par défaut" à l'emprisonnement, et par l'effet
des peines planchers. Pour mémoire, nous disposons de 57 235 places de prison (pour plus de 68 500 détenus). La
construction de 6 500 places supplémentaires est prévue. L'Espagne compte presque 76 000 places
de prison pour une population d'un peu moins de 50 millions d'habitants, le Royaume-Uni, environ
96 200 pour une population identique à la nôtre.
Dès lors, nous ne pouvons totalement ignorer la question du dimensionnement du
parc immobilier pénitentiaire et de son corollaire, la recherche d'une architecturepénitentiaire et de
modes de privation de liberté adaptés à notre siècle, toujours héritiers des conceptions du
eXIX siècle, dans un contexte budgétaire très contraint.
- Ce texte avance un second postulat que je partage (l'efficacité de la prévention de la récidive passe
par l'individualisation de la sanction, et par des politiques d'insertion et de probation
améliorées) mais sur lequel je diverge quant à la façon d'atteindre l'objectif poursuivi.
En effet, je ne partage pas l'affirmation selon laquelle "les évolutions législatives constituent le socle
de la réforme". Au contraire, le socle d'une réforme qui vise "de façon raisonnée et dépassionnée" à
"un changement de paradigme du droit pénal", à "faciliter la réinsertion et prévenir ainsi la récidive,
à désengorger lesprisons et à fluidifier le fonctionnement de la chaîne pénale" réside d'abord dans la
transformation profonde des structures porteuses de ce changement, c'est-à-dire des parquets, qui
déterminent le volume et la nature de la production judiciaire, et de la direction de l'administration
pénitentiaire, qui doit valoriser dans son organisation même le "milieu ouvert".
C'est la raison pour laquelle nous avons alerté, dès le mois de février, sur les dangers d'une stratégie
qui faisait de la loi pénale un vecteur de communication politique, au risque de provoquer un débat
passionné et irrationnel, reproduisant en cela les méthodes de l'ancien gouvernement, alors mêmes
que nous les dénonçons.
Pour nous, l'acte 1 de la réforme pénale, pour améliorer la lutte contre la récidive, était et demeure,
d'une part, la transformation du fonctionnement des parquets, réclamée depuis notre arrivée par
des organisations syndicales de magistrats et de policiers très représentatives, par les conférences de
procureurs de la République et procureurs généraux ; d'autre part, la réforme de la filière de
probation, réclamée et préparée depuis plusieurs mois par la direction de l'administration
pénitentiaire.
L'acte 2 de la réforme, une fois ancré de façon quasi irréversible dans le paysage institutionnel ce
changement de paradigme, était la réforme de la loi pénale, consécration du travail de fond
préalablement entrepris.
- Enfin, ce projet de loi repose sur un troisième postulat ; la pertinence detraiter de la récidive en
général, à charge pour le juge d'individualiser, alors que je soutiens, partant de la réalité
criminologique, que nous devonstraiter dans la loi plus finement des récidivistes, qui obligent, pour
certains, à une exigence accrue de prévisibilité et de fermeté de la loi pénale.
Il faut, en effet, souligner que les prévenus qui comparaissent devant la juridiction pénale ont déjà
fait l'objet de plusieurs mises en garde préalables à leur comparution, voire de plusieurs gardes à vue. Ils sont multi-réitérants et inscrits dans des parcours délinquants, certes de plus ou moins
grande gravité, mais en tout cas durablement.
L'enquête récemment réalisée par l'ONDRP [Observatoire national de la délinquance et des réponses
pénales] en atteste : sur un échantillon de 1 508 personnes, mises en causes pour 11 784 infractions
de types "crimes et délits non routiers" ayant eu lieu entre 2009 et 2010 à Paris ou la petite
couronne : 54% ont été mises en cause pour 5 ou 6 infractions principales, soit 37% des 11 784
infractions, socle de l'échantillon ; 18% ont été mises en cause pour 10 infractions principales, soit
35% du socle de l'échantillon ; 32% des personnes avaient au plus 15 ans à la date des faits, dont
53,3% mises en cause pour 7 infractions principales ou plus et 21,4% pour 10 infractions principales
ou plus.
Je comprends donc les réflexions des responsables des parquets, de la police et de la gendarmerie,
rencontrés lors de mes déplacements en ZSP [zones de sécurité prioritaire], sui soulignent
l'inefficacité de nos pratiques actuelles de probation autant que l'inadéquation des modes de
traitement de la délinquance.
Nous devons intégrer ce constat dans la réflexion que nous conduisons sur la réforme pénale. C'est
dans cet esprit que j'ai argumenté l'intégralité des contre-propositions qui figurent en annexe de la
présente note. J'insiste, en outre, sur la nécessité de construire la "soutenabilité" politique de ce
texte en référence aux réformes de fond sur lesquelles nous avons conjointement et récemment
communiqué en conseil des ministres, la garde des sceaux et moi-même.
Une telle perspective est en cohérence avec les réformes de structures que j'ai entreprises au sein de
mon ministère et qui répondent très largement aux demandes de la magistrature : abandon de la
"politique du chiffre" pour mieux appréhender les parcours et les profils délinquants, remise à pl

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