Tintin versus Freud
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Publié le 07 septembre 2014
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Langue Français

Extrait

La bonne distance

©William FOIX

Jean-Marie APOSTOLIDÈS, Dans la peau de Tintin, Impressions Nouvelles, Bruxelles, septembre 2010.

Usant de la psychanalyse, l’auteur nous entraîne dans l’intimité du créateur du petit reporter.
Son objectif n’est pas la lune mais la compréhension du mythe de Tintin.

Après Les Métamorphoses de Tintin (1984) et Tintin et le mythe du surenfant
(2003), Jean-Marie Apostolidès, herméneute consacré, couche à
nouveau Tintin sur le divan, et décrypte le mythe, de Georges Remi à
Hergé. Étoffé, abondant et dépassant le cadre de la biographie, cet
essai propose des mises en perspective audacieuses.

Georges Remi

Le Père

L’enfant de la petite bourgeoisie bruxelloise découvre l’illustration avec le scoutisme et libère les
frustrations inhérentes à l’enfance dans la pratique du dessin. En 1925, Boy-Scout, le mensuel de la
troupe présente les Aventures de Totor, C.P. des Hannetons, le précurseur de Tintin.

erDans la monarchie belge d’Albert 1 , le jeune Remi rencontre l’abbé Wallez. Du haut de son mètre
quatre vint dix, Wallez le hisse vers de nouveaux horizons. En tant que directeur du quotidien
catholique d’inspiration maurrassienne Le Vingtième Siècle, le religieux lui confie la direction du
supplément jeunesse en novembre 1928.

Le 10 janvier 1929 débute les aventures du premier super héraut, Tintin chez les Soviets. Tout droit sorti
de l’esprit de ce père de substitution, le prêtre conçoit ce nouveau personnage comme le Christ jeune.
Un catéchisme en image adapté à la jeunesse belge. Blanc, la peau lisse de l’adolescence, immortel,
l’androgynie proposée par Apostolidès relève également du noviciat graphique de Remi.

D’ailleurs, l’auteur rappelle la fragilité du dessinateur entre 1929 et 1932, période pendant laquelle il
envisage Tintin comme un CDD et produit à côté pour gagner sa vie. En effet, son appartenance à la
petite bourgeoisie lui barre les noces avec Milou Van Cutsem. De Milou, l’amour contrarié à Milou le
cabot, dont le lien avec Tintin constitue le socle des premières aventures, on passe de Remi à Hergé.

La Femme

Durant quelques années, Georges Remi courtise Germaine Kieckens, la secrétaire de l’abbé. Dans les
faits, celui qui signe dorénavant Hergé aime une femme qui idolâtre son patron. Apostolidès travaille ici
sur le carnet privé de l’illustrateur et déroule le fil de la relation entre les deux employés de l’abbé
Wallez. Par le biais du dessin des aventures de Tintin, Hergé s’impose sentimentalement auprès de
Germaine, mariée en 1932.

L’union maritale, abordée sous la forme de la gémellité, trouve quelques résonances dans la création des
ouvrages. Signant parfois Hergée, Germaine propose des noms pittoresques travaillés à partir du
marollien, un dialecte bruxellois. Gémellité évidemment représentée par les Dupond(t), le père et
l’oncle de Hergé, que l’auteur transforme en surmoi de Tintin. Ce rapport fraternel, jumeau ou non,
passe judicieusement par l’analyse d’une série annexe à Tintin, les aventures de Jo et Zette, qui permet la
compréhension du processus créatif de Hergé. Bien que pertinente, la fin de cette séquence affaiblit
l’ensemble devant la trop grande suite de questions.

À partir de l’Ile noire (1938), Hergé renégocie ses droits d’auteur afin de se défaire de l’emprise de La bonne distance 2

Wallez. D’après Apostolidès, il utilise ce moyen pour s’investir directement dans son personnage afin
d’en développer la psychologie.

Hergé

Tintin est le seul, le héros, qui sont les autres ? Intervient d’abord Rastapopoulos, caricature du
capitaliste et du franc-maçon, vilipendé par la clique à Wallez après la crise de 1929. Comme le
remarque l’auteur, Rastapopoulos et Wallez sont les deux figures de l’autorité dans l’entourage du
dessinateur. En fait, Hergé se sent de plus en plus fort, il n’est plus le petit Remi, ni même Hergé, il se
prend maintenant pour Tintin lui-même.

Haddock

Le crabe aux pinces d’or, marquant l’arrivée de Haddock, parait dans Le Soir jeunesse, en octobre 1940, puis
dans Le Soir lui-même. Apostolidès avance un choix professionnel plutôt que des convictions
politiques. Le capitaine signifie l’entrée en guerre. Le petit reporter est affublé d’un ivrogne geignard,
fantasque, et tellement réaliste. L’étoile mystérieuse (1942) marque la victoire de Hergé sur ses anciennes
phobies, illustrées par l’araignée monstrueuse, symbole de la folie, relative à la mère, elle-même
significative de l’enfance grise. Tintin serait donc plus fort.

Le crabe comme l’étoile sont publiés durant la Seconde Guerre mondiale, dans un journal sous censure
allemande. Le Soir volé lui permet de développer son activité. Sans pour autant collaborer, Hergé
privilégie son travail, sa famille et la Belgique.

1‘Ennuyé’ à la libération , il reçoit l’appui de Raymond Leblanc, un résistant désirant créer le « journal de
Tintin ». Outre ses déboires civiques, l’emprisonnement de son mentor et le décès de sa mère après un
an d’internement tirent le dessinateur de sa pseudo-torpeur. Par contre, s’il échappe à l’incarcération,
Hergé est désormais prisonnier de Tintin. Malgré une continuité professionnelle au sortir de la guerre,
l’artiste entre en dépression.

Tryphon

Avec Objectif lune (1953) et On a marché sur la Lune (1954), Tournesol a le premier rôle. À l’instar du
maître au sein de ses nouveaux studios, Tryphon dirige la plus grande entreprise de Tintin. Dorénavant
stabilisé graphiquement, le personnage à la houppette n’entraîne plus l’action, il participe activement,
protégé derrière une neutralité nouvelle.

Après l’aventure spatiale, l’affaire Tournesol (1956) et Coke en stock (1958) participent à la solidification du
mythe. Les studios Hergé façonnent Tintin. Tintin au Tibet (1960), qui faillit s’intituler le museau de la
Vache, motive à nouveau l’artiste, à moins que ce ne soit la présence de Fanny Vlamynck, coloriste
engagée au Studio depuis 1955. Apostolidès voit dans cette aventure enneigée la transposition du
rapport fraternel. Paul Remi devient Tchang et les efforts de Tintin (il verse des larmes !) pour arracher
le jeune chinois des griffes du Migou renvoient à l’indifférence de Hergé pour son frère durant les
quatre années que ce dernier passa en oflag durant le conflit.

Moulinsart

Depuis 1949, les Remi vivent dans la grande maison de Céroux-Mousty ; l’après guerre a laissé des
traces y compris au sein du couple. Conçue comme une échappatoire, la demeure se révèle un véritable
cauchemar. Si Hergé dirige les studios éponymes sans problème, c’est Germaine qui décide à la maison,
servant ainsi de modèle pour le rôle titre dans les Bijoux de la Castafiore (1963). Cet épisode marque le

1. Pour une meilleure compréhension de cette période, relire Hergé, de P. Assouline, Plon, 1996.
La bonne distance 3

sommet du style Hergé, avec le Nous composé du trio de célibataires sans enfants, accompagné de la
bouillonnante diva et les Autres. Moulinsart sublime Céroux-Mousty.

L’image d’Hergé

L’hérgéographie

Dès le Secret de la Licorne (1943), se met en place la trinité reporter, marin et savant, sur laquelle repose
vraisemblablement le succès de la saga. Les trois fils imaginaires du chevalier François de Hadoque
efigurent le héros du XX siècle : l’homme complet.

Le monde de Tintin (1959-Pol Vandromme) initie la tintinologie. Tintin et moi (1972-Numa Sadoul) installe
Hergé sur un piédestal. L’intérêt de M. Serres pour les Bijoux (1970) oint Tintin. À Bruxelles, Vol 714
(1968) et les picaros (1976) affirment la prise en main des studios sur le père fondateur, lequel épouse
Fanny en 1977. Hergé vieillit et Tintin fatigue.

Apostolidès nous entraîne alors sur la piste métaphysique de l&#

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