La vie rêvée des gens
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Tant qu’à suivre une campagne électorale, autant s’inspirer d’un écrivain comme Norman Mailer, qui suivit pour le magazine Esquire la convention démocrate au cours de laquelle J. F. Kennedy fut investi candidat. Il en rapporta un long reportage intitulé « Superman débarque au supermarché »

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Publié le 16 avril 2012
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Langue Français

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La vie rêvée des gens
Posté le 16 avril 2012 par Place au Peuple dans
LE MEILLEUR DU WEB
,
S'INFORMER
l'auteur :
Place au Peuple
Site officiel de la campagne du Front de gauche, www.placeaupeuple2012.fr agrège non
seulement les productions des élus, des militants, des sympathisants, mais aussi plus
largement des citoyen-ne-s qui tiennent des sites d'information ou des blogs.
Tant qu’à suivre une campagne électorale, autant s’inspirer d’un écrivain comme
Norman Mailer
, qui suivit pour le magazine
Esquire
la convention démocrate au cours
de laquelle J. F. Kennedy fut investi candidat. Il en rapporta un long reportage intitulé
« Superman débarque au supermarché ».
Par Christian Salmon pour le M
.
Mailer, à la différence de bien de ses collègues, ne dédaignait pas la politique. Il la considérait
en artiste et en anthropologue, comme une source d’émerveillement. Les premiers mots de
son reportage ne laissent aucun doute sur le style et le sens de son approche. « La convention
a commencé par un mystère et s’est terminée par un autre mystère. » Indifférent aux intrigues
politiques qui sont le lot des congrès politiques, Mailer s’interrogeait sur la double vie que
menaient ses concitoyens depuis la première guerre mondiale, déchirés entre « la vie politique
réelle, concrète, fondée sur les faits, et incroyablement ennuyeuse… et l’histoire souterraine
des désirs romantiques, solitaires, inexploités, cette concentration d’extase et de violence qui
constitue la vie rêvée des Américains ». Situation que Mailer condensait dans une formule :
« Les mystères sont irrités par les faits. » C’est en peu de mots l’exact diagnostic qui convient
à notre situation politique.
La sorcellerie néolibérale qui prétend, contre toute évidence, que la richesse, loin de se
partager, ruisselle du haut vers le bas, est démasquée par l’explosion des inégalités. Le spectre
du chômage de masse et de la récession se répand en Europe comme dans les années 1930, à
cette différence près que, lors de la crise de 1929, c’étaient les banquiers qui se suicidaient
alors qu’aujourd’hui ce sont les salariés, les chômeurs, les retraités, comme on l’a vu cette
semaine en Grèce… N’avons- nous pas depuis trop longtemps laissé dénoncer la solidarité
sous prétexte d’un assistanat coupable, incriminer l’égalité au nom d’une méritocratie
hypocrite, culpabiliser l’hospitalité par crainte du péril migratoire ? N’a-t-on pas construit des
murs depuis une vingtaine d’années entre travailleurs et chômeurs, Français et étrangers,
actifs et retraités, « insiders » et « outsiders » ? N’a-t-on pas encore pendant cette campagne
entendu bafouer les prétendues « valeurs » de la République au profit d’idéaux comme travail,
famille, autorité que personne, jusque-là, n’avait eu l’idée d’inscrire au fronton des mairies ?
Au cours de cette campagne « ennuyeuse et fondée sur les faits », la vie rêvée des gens a
soudain fait irruption ; le peuple, cette entité mystérieuse aux contours flous, s’est remis à
parler. Il est descendu dans les rues, sur les places. On découvrit à cette occasion qu’il était en
colère, mais qu’il était aussi porteur, selon les mots mêmes de Norman Mailer, « d’une
histoire souterraine constituée de désirs inexploités, refoulés » et qui s’exprimait d’une
manière incroyablement romantique dans les meetings bondés du candidat du Front de
gauche. Il est allé jusqu’à acclamer les mots désuets de « partage », de « solidarité » et même
d’ »amour », avec d’autant plus de détermination qu’ils avaient été défigurés par le discours
politique depuis trente ans ou détournés par la machine à rêve néolibérale. C’est à
l’émergence d’une langue nouvelle qu’on repère un changement social. Le droit de nommer
les choses autrement, d’abattre les murs rhétoriques, d’enrichir la langue commune. Le
linguiste russe M. Bakhtine, auteur d’un livre fameux sur Rabelais, affirmait qu’une certaine
« carnavalisation des consciences précédait toujours les grands revirements ».
Comme la convention démocrate de 1960, la campagne électorale 2012 a commencé par un
mystère, la chute de DSK, et se termine par un autre mystère, que les commentateurs ont
baptisé faute de mieux « phénomène » et que je qualifierai pour ma part de magie, la magie
Mélenchon. Une magie qui n’a rien de surnaturel mais qui relève plutôt de l’alchimie qui fait
qu’un ensemble de causes irrationnelles trouvent à un moment donné, sans que rien n’y
prépare, une expression politique adéquate, c’est-à-dire une syntaxe et un récit dans lequel
une majorité se reconnaît. C’est cela la politique. Et nous n’avons pas d’autre raison de
l’aimer.
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