Jérusalem, pierre d achoppement du projet sécuritaire travailliste - article ; n°1 ; vol.9, pg 44-50
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Jérusalem, pierre d'achoppement du projet sécuritaire travailliste - article ; n°1 ; vol.9, pg 44-50

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Description

Critique internationale - Année 2000 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 44-50
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

u sommet de Camp David, les négo-
ciateurs israéliens et palestiniens sont sor-
tis les mains vides. Pourtant, en ce mois de
juillet 2000, les deux parties avaient grand besoin de résultats. Le processus de paix
amorcé en 1993 est malade de son insupportable lenteur. Yasser Arafat ne peut plus
miser sur l’« ambiguïté constructive » d’arrangements provisoires. La marche vers
un avenir inconnu n’est tenable que si elle est rythmée par des progrès réguliers
donnant à la société palestinienne confiance et espoir. Les piètres résultats de l’au-
tonomie minent le crédit des dirigeants. Quant à Ehoud Barak, le dossier palesti-
nien était le seul qui lui restait pour faire ses preuves, après la perte de son pari sur
le volet syrien et les effets ambigus du retrait précipité des troupes israéliennes de
la zone qu’elles occupaient au Liban.
Les discussions ont buté sur l’épineux sujet de Jérusalem. Barak a estimé qu’il
ne pouvait aller plus loin concernant le partage d’une souveraineté aménagée sur
la capitale de l’État hébreu. Arafat n’a pas voulu renoncer à revendiquer Jérusalem
comme capitale de l’État palestinien. On connaît la valeur symbolique et reli-
gieuse que revêt la Ville sainte autant pour les Juifs que pour les Arabes chrétiens
et musulmans, l’attachement de chacune des populations à ce lieu, la sensibilité des
opinions publiques concernant son devenir. Mais l’incapacité des protagonistes à
surmonter leurs divergences ne tient-elle qu’à cela ? Sans nier le poids considérable
de l’affect, on est en droit de se demander s’il n’y a pas là d’autres enjeux, relevant
davantage d’une doctrine sécuritaire
1
.
La difficulté à partager la souveraineté sur la capitale d’Israël ne tient-elle pas à
ce qu’un tel partage rendrait impossible – ou du moins très compliqué – le projet
de séparation entre les populations cher aux élites travaillistes ? Face au défi démo-
graphique, politique et sécuritaire que représentait la population palestinienne des
territoires occupés, Yitzhak Rabin puis Ehoud Barak ont à l’évidence considéré
qu’il était temps de mettre en place une entité palestinienne souveraine, associée à
un territoire et donc à des frontières. Concéder la majeure partie de la Cisjordanie
et la bande de Gaza aux Palestiniens permettrait de définir des limites claires et donc
Jérusalem, pierre
d’achoppement
du projet sécuritaire
travailliste
par Laetitia Bucaille
Contre-jour
d
d’empêcher ou de réduire au minimum leur passage sur le sol de l’État hébreu. Mais
que faire de Jérusalem ? Il faut savoir que la ville connaît une séparation de fait. Si
ses habitants palestiniens pénètrent dans la partie Ouest pour y travailler ou y faire
des achats, l’immense majorité des Israéliens ne franchissent jamais la rue qui les
sépare des quartiers arabes : ils estiment cela dangereux ou en tout cas inutile. La
plupart de ceux qui vont néanmoins prier au Mur des Lamentations empruntent un
trajet qui évite autant que possible ces quartiers. Livrer la partie Est aux autorités
palestiniennes ne serait donc pas un bien grand sacrifice, et présenterait au surplus
l’avantage de débarrasser les Israéliens d’une charge difficile, celle d’administrer des
populations hostiles. Oui, mais (puisque nul ne songe à édifier au milieu de la ville
un mur ou un grillage) comment le faire sans ouvrir l’ensemble d’Israël aux
Palestiniens, ce qui est précisément la chose que l’on veut éviter ?
Théorie et pratique de la séparation
Étant donné les réalités de la géographie physique et humaine, le projet de sépa-
ration spatiale entre les populations paraît une gageure. Mais Ehoud Barak, lors-
qu’il a été élu, a remis à l’ordre du jour cette idée, qui implique un contrôle serré
des déplacements de Palestiniens
2
. Remarquons au passage que le ministre en
charge des négociations jusqu’à Camp David était Shlomo Ben Ami, à l’époque
ministre de la Sécurité intérieure. Sa présence était jugée nécessaire pour veiller
à l’élaboration d’un dispositif sûr.
Le projet de séparation repose sur l’idée qu’il est impossible, ou du moins trop
difficile, pour les deux populations, de se côtoyer. Il s’agirait d’une solution prag-
matique face à une animosité tenace. C’est écarter d’un revers de main la question
délicate de la réconciliation. D’ailleurs, Barak aurait refusé à Camp David d’évo-
quer une quelconque responsabilité de l’État hébreu dans le sort des réfugiés, se
limitant à faire part de sa compassion. Pourtant l’esprit de paix progresserait si chaque
partie reconnaissait la souffrance de l’autre et acceptait d’en porter une part de
responsabilité. Du côté palestinien, on tend à considérer la relation en termes
d’oppresseur et de victime. Nombreux sont les habitants des territoires occupés qui
voudraient se débarrasser d’un complexe d’infériorité vis-à-vis de la puissance
occupante et qui revendiquent la sortie d’un rapport de domination. Mais ils ne
saisissent pas que, malgré leur force militaire, les Israéliens se sentent en situation
d’insécurité et craignent pour l’avenir de leur pays. Du côté israélien, si l’émergence
des nouveaux historiens est venue conforter la position d’une extrême gauche
affirmant l’injustice commise par Israël à l’égard des Palestiniens, cette attitude
demeure extrêmement minoritaire et est rejetée par les décideurs politiques et
militaires. Aux yeux de ces derniers, la réconciliation, ou ce qu’on présenterait
plutôt comme l’amitié entre les peuples, viendra au terme d’une période de calme :
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des rapports de bon voisinage pourraient, à plus ou moins longue échéance, prendre
le relais d’une paix froide. La séparation ne serait pas une fin en soi, mais une
étape nécessaire.
La fermeture des frontières vise ainsi à assurer la tranquillité des Israéliens en fai-
sant disparaître les Palestiniens de leur paysage immédiat. D’ailleurs, si les Israéliens,
dans leur majorité, ont cessé de s’opposer à la formation d’un État palestinien, c’est
qu’ils considèrent cette évolution comme le moyen le plus sûr d’éviter le contact.
Concrètement, il s’agit de limiter et d’encadrer de manière très précise le pas-
sage des Palestiniens sur le sol de l’État hébreu. Les responsables militaires consi-
dèrent que c’est là le moyen le plus efficace de parer à une attaque terroriste. Pour
comprendre cette logique, il faut prendre en compte le profond sentiment d’in-
sécurité des Israéliens. Les vagues d’attentats suicides qui ont endeuillé Israël
depuis 1994 ont traumatisé l’opinion publique et ont renforcé l’idée selon laquelle
la paix exigeait une mise à distance. Les hommes politiques ont bien compris que
leurs chances d’accéder ou de rester au pouvoir dépendaient de leur capacité à pré-
server leurs concitoyens des éventuels actes de violence palestiniens. Mais il n’est
pas sûr que la fermeture des frontières ait un impact réel. Un jeune prêt à mourir
avec sa charge explosive reculerait-il devant le risque banal de franchir illégalement
la ligne verte – une pratique fort courante aujourd’hui ? Au printemps 1996, à la
suite d’attentats, les autorités israéliennes avaient imposé un bouclage total des terri-
toires palestiniens, ce qui n’a pas empêché un groupe islamiste de poursuivre ses
attaques au coeur des villes. La fermeture des frontières est une mesure technique
conçue comme une solution à un problème politique. Alors qu’inversement la
résolution de la question palestinienne serait sans doute un gage de réduction de
la violence politique. D’ores et déjà, le processus de paix amorcé en 1993 permet
l’échange d’informations et la coordination entre services de renseignement israé-
liens et palestiniens, qui se révèlent les meilleurs moyens d’éviter l’attentat.
Sortir des territoires occupés exige un permis délivré pour une durée limitée (entre
une semaine et trois mois) par les autorités israéliennes. Mais la situation peut
varier selon les individus : quelques centaines de Palestiniens appartenant aux
cercles proches de l’Autorité (militaires, élites politiques ou économiques) dispo-
sent d’une carte VIP et jouissent d’une véritable liberté de mouvement. Elle varie
aussi selon les lieux. Des barrages de l’armée israélienne sont installés sur le pour-
tour de la Cisjordanie : ce sont de simples points de contrôle, où l’on vérifie les
papiers d’identité et les autorisations de sortie. Les habitants de Gaza, eux, sont
soumis à des procédures longues et minutieuses comportant une fouille. Le point
de passage d’Erez n’a cessé de subir des aménagements depuis 1993 pour prendre
progressivement des allures de poste frontière. Les Palestiniens employés en Israël
sont contraints de traverser à pied le
no man’s land
qui sépare le barrage tenu par
la police palestinienne du point de contrôle israélien, et de franchir des portillons
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grillagés, tandis que les hommes d’affaires et les VIP transitent par un bureau ;
certains d’entre eux sont même autorisés à rester au volant de leur véhicule. Pour
se rendre à Jérusalem, y compris dans ses quartiers arabes, les habitants de la
Cisjordanie et de Gaza sont soumis aux mêmes conditions que pour l’entrée en terri-
toire israélien : en 1997, ils n’étaient que 4 % à pouvoir le faire
3
.
Outre que ce système étale au grand jour les inégalités entre Palestiniens, l’Auto-
rité palestinienne, par le rôle d’interface qu’elle assure, participe à la gestion du dispo-
sitif de relégation à l’encontre de sa propre population : nouveau facteur de division.
Ces sévères restrictions à la circulation des Palestiniens nuisent à leurs activités
économiques. Le choix sécuritaire israélien implique notamment, en toute logique,
une inspection des produits en provenance des territoires palestiniens. Les entre-
preneurs de Cisjordanie utilisent des camions à plaque israélienne (en faisant
affaire avec un Palestinien résidant à Jérusalem ou, beaucoup plus rarement, avec
un Arabe israélien) pour transporter leurs marchandises vers ou
via
Israël, aussi leurs
véhicules ne sont-ils fouillés qu’exceptionnellement. En revanche, les mouve-
ments en provenance de Gaza sont régis par des règles très strictes et concentrés
en des points de passage peu nombreux. L’inspection est systématique et les
méthodes de contrôle sont de plus en plus sophistiquées et normalisées. Rénové
en 1999, le principal point de passage entre Gaza et Israël matérialise la volonté
israélienne de disjonction. Un grand mur marque la limite entre territoires pales-
tinien et israélien. Les ouvertures qui y sont pratiquées sont munies de scanners
permettant l’inspection. Cet équipement moderne est censé, en accélérant le
contrôle, améliorer quelque peu la compétitivité des entrepreneurs palestiniens.
En revanche, le point de passage est désormais confié à l’Israeli Airport and Port
Authority, entreprise privée placée sous la tutelle du ministère des Transports.
Les investissements réalisés, l’entretien des machines ainsi que l’emploi d’un per-
sonnel de quatre-vingt-dix salariés exigent la collecte de ressources. Aussi les pro-
ducteurs palestiniens payent-ils à chaque passage d’un camion transportant leurs
marchandises quittant Gaza pour Israël ou la Cisjordanie
4
: le secteur privé pales-
tinien participe désormais au financement de la sécurité des citoyens israéliens.
Pourquoi des régimes si différents ? Certes, cette discrimination à l’encontre de
Gaza creuse l’écart entre les deux portions de territoire et induit une différenciation
dans le rapport de pouvoir qui lie l’Autorité palestinienne à ses administrés. Mais
ce bénéfice – si c’en est un – pour les Israéliens n’est pas la raison qu’ils invoquent
eux-mêmes. Les décideurs mentionnent d’abord la dangerosité de Gaza, ce qui n’est
guère convaincant car, comme le montre la biographie des kamikazes, les candi-
dats aux actions terroristes se recrutent tout autant en Cisjordanie. Le deuxième
argument paraît plus conforme aux réalités : s’il a été facile de soumettre Gaza aux
conditions de la séparation (l’étroite bande de terre est ceinte d’un grillage, les entrées
et sorties sont pratiquement concentrées en un seul point et entièrement contrôlées
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par les autorités israéliennes), appliquer ces mêmes conditions à la Cisjordanie
relèverait de l’exploit technique. Tout d’abord parce que celle-ci s’étend sur 6 000 kilo-
mètres carrés. Ensuite parce qu’y vivent disséminés 150 000 colons, qu’il n’est pas
question de soumettre au même régime que les résidents arabes de la zone.
La troisième raison est d’ordre politique. Dresser une barrière entre les espaces
israélien et palestinien équivaut à définir une frontière et du même coup à préciser
les contours de la souveraineté palestinienne. Or, s’il existe en Israël un large
consensus pour se défaire de Gaza, la question du devenir de la Cisjordanie divise
la classe politique et l’opinion publique.
Séparation et statut final des territoires palestiniens
Dans la perspective de la formalisation d’un statut final concernant l’entité pales-
tinienne, comment va évoluer la pratique de la séparation entre populations ? On
peut imaginer trois scénarios.
Le premier est sans doute le moins probable à court et moyen terme : dans un
souci d’harmonisation de ses stratégies, et dans un contexte de détente, l’État
hébreu allégerait le dispositif imposé à la population de la bande de Gaza. Même
si les craintes s’estompaient, les investissements consentis jusqu’ici pour garantir
un point de passage sûr et la logique entrepreneuriale de sa gestion privatisée
constitueraient des freins supplémentaires au démantèlement du système.
La deuxième possibilité est de laisser plus ou moins les choses en l’état, en
s’accommodant de l’incohérence et de l’opacité actuelles. Mais cet immobilisme
risquerait de radicaliser la société palestinienne.
Le dernier scénario irait dans le sens d’une rationalisation et d’un perfection-
nement du projet de séparation. Il s’agirait de renforcer le contrôle sur les mou-
vements palestiniens en provenance de Cisjordanie, de faire de la ligne verte une
frontière étanche aux déplacements non autorisés, ce qu’elle n’est pas. Pour cer-
tains, ce dessein implique l’édification de barrières physiques, qui ne paraît guère
réaliste ; pour d’autres, il s’agirait de mettre en place et de faire fonctionner un dispo-
sitif technique sophistiqué (radars, etc...) de surveillance des frontières. Cela sup-
poserait également d’installer des points de contrôle fixes afin d’organiser le pas-
sage des personnes et des marchandises. L’Israeli Airport and Port Authority
s’affirme préparée à assumer cette fonction. Les routes de contournement des
agglomérations arabes construites en Cisjordanie à l’intention des colons contri-
bueraient au confinement de chacune des sociétés.
Une telle dissociation se heurterait à toutes sortes de difficultés concrètes, tant
l’enchevêtrement des espaces et des liens économiques est fort aujourd’hui. Mais
les gouvernants israéliens ont tendance à croire à la toute-puissance de la techno-
logie. L’idée avancée par Ehoud Barak de construire un pont, celle de Shimon
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Pérès en faveur du creusement d’un tunnel afin de relier la Cisjordanie et la bande
de Gaza illustrent leur confiance dans le recours à des procédés techniques pour
se débarrasser de fâcheuses contraintes géographiques et politiques.
Reste la question de Jérusalem. Si les négociateurs israéliens acceptent de céder
une part de souveraineté sur la ville, quelle solution adopter en ce qui concerne l’ac-
cès à celle-ci des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza ? S’il y a un État palesti-
nien ayant autorité sur les quartiers arabes de Jérusalem, la logique voudrait que
tout citoyen de cet État ait accès à toute partie de son territoire. Mais si les Cis-
jordaniens et les Gazaouites peuvent entrer librement à Jérusalem, alors tous les
efforts de l’État hébreu pour assurer sa sécurité au moyen d’une séparation stricte
entre les populations sont réduits à néant. Or des concessions israéliennes sur
Jérusalem, enjeu à la fois symbolique, religieux et national aux yeux de la popula-
tion, ne seraient acceptables pour cette dernière qu’en échange d’un sentiment de
sécurité accru.
À l’inverse, si le transfert de la gestion des zones arabes de Jérusalem à l’entité
palestinienne ne s’accompagne pas de l’acquisition pour tous ses citoyens du droit
d’y circuler, le compromis négocié par Yasser Arafat serait interprété par la popu-
lation comme une capitulation. Les autorités palestiniennes pourraient être elles-
mêmes chargées – partiellement – de contrôler l’accès de leurs administrés à la ville,
de la même façon qu’Israël s’est départi de missions de sécurité en les confiant aux
appareils militaires de Cisjordanie et de Gaza lors de la création de l’autonomie
palestinienne.
A
u-delà des interrogations soulevées par des problèmes particuliers (le statut de
Jérusalem) ou des questions techniques (quels procédés adopter ?), se pose la
question de la signification et des implications concrètes du projet de séparation.
Les Israéliens seraient peu affectés par cette mise à distance. Même si cette
dernière devait avoir des répercussions économiques, la rupture ou le relâche-
ment des liens avec les Palestiniens aurait globalement un impact faible – ou du
moins limité dans le temps – sur les performances d’un pays bien inséré dans les
échanges internationaux. En revanche, pour les Palestiniens, le coût de la sépara-
tion est élevé. Tant que l’économie, à la fois du point de vue des infrastructures et
de celui des échanges, demeure dépendante d’Israël, le contrôle strict sur les mou-
vements handicape la population des territoires occupés. Les commerçants pales-
tiniens utilisent les ports et l’aéroport israélien comme points de transit et ont
recours, dans la majorité des cas, à des intermédiaires israéliens pour vendre ou
acheter à l’étranger. Israël représente près de 80 % des exportations et 90 % des
importations de la Cisjordanie et de Gaza. La perte de temps qu’implique l’ins-
pection de leurs produits pèse sur la compétitivité des entrepreneurs palestiniens.
De surcroît, ceux-ci sont désormais contraints d’acquitter le prix de ce « service ».
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Le coût de la séparation pourrait être partiellement amorti si l’entité palestinienne
contrôlait elle-même ses frontières avec l’extérieur. À l’heure actuelle, Israël a
conservé la souveraineté sur les limites territoriales qui séparent la Cisjordanie de
la Jordanie d’une part, la bande de Gaza de l’Égypte d’autre part. Toutefois l’ouver-
ture sur les deux voisins arabes, si elle a lieu, ne suffirait pas à combler les insuffi-
sances d’infrastructure de l’entité palestinienne, ni à la dégager de son enclavement
et de sa dépendance.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de la séparation débouche sur un système com-
plexe et bureaucratique. Ce dispositif tatillon porte en lui les germes du mar-
chandage et de la corruption, dont fait son profit une poignée d’Israéliens et de Pales-
tiniens. Les restrictions au déplacement des personnes sont une contrainte dont
la gestion peut se transformer en ressource : l’exemple le plus clair en est fourni
par le marché noir des permis de travail. Les exigences de sécurité fournissent
sans cesse de nouvelles opportunités économiques, qui alimentent des réseaux
israélo-palestiniens prospères : on y retrouve des Palestiniens proches de l’Auto-
rité et des militaires israéliens à la retraite reconvertis dans les affaires et disposant
d’excellents contacts avec les milieux économiques et politiques de la sécurité.
1. Abraham Rabinovich rappelait d’ailleurs opportunément, à l’occasion de l’échec de Camp David, que c’est un comité de
l’armée qui, dès 1967, avait préconisé, pour des raisons de stratégie militaire, l’annexion de la partie Est de Jérusalem. « The
truth about Jerusalem. It’s partly holy but mostly not »,
International Herald Tribune
, 31 juillet 2000.
2. Pour des raisons symétriques, la droite est opposée à l’idée de séparation, précisément parce que celle-ci implique la création
de frontières susceptibles de se transformer, à terme, en frontières politiques avec une entité souveraine. Benyamin
Netanyahou avait d’ailleurs, dès son arrivée au pouvoir, augmenté les quotas de Palestiniens autorisés à se rendre en Israël.
3. C’est le chiffre qu’avance Sara Roy dans « The Palestinian economy after Oslo »,
Current History
, janvier 1998, p. 21.
4. Il leur en coûte entre 500 et 750 francs français selon la taille du véhicule.
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