L économie mondiale à la fin du siècle - article ; n°1 ; vol.1, pg 21-49
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Description

Revue française d'économie - Année 1986 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 21-49
Keynes et Schumpeter ont eu une vision en apparence contraire de l'avenir des économies mixtes. Ils s'accordent à reconnaître à ce système une capacité de croissance économique considérable et récusent l'équilibre sta-tionnaire classique. La véritable question est dans la capacité des économies occidentales à concilier leur développement économique et leur stabilité politique, à assurer un partage équitable du revenu qui ne brise pas les mécanismes intrinsèques du capitalisme.
Keynes and Schumpeter hold apparently conflicting views about the future of the mixed economy. They recognized the large potential for economic growth of this system and hence rejected the idea of a stationary state. The main point is in the capability of western economies to reconcile economic expansion and political stability and to provide a fair income distribution which does not interfere with the intrinsic capitalistic mechanism.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Paul A. Samuelson
L'économie mondiale à la fin du siècle
In: Revue française d'économie. Volume 1 N°1, 1986. pp. 21-49.
Résumé
Keynes et Schumpeter ont eu une vision en apparence contraire de l'avenir des économies mixtes. Ils s'accordent à reconnaître
à ce système une capacité de croissance économique considérable et récusent l'équilibre sta-tionnaire classique. La véritable
question est dans la des économies occidentales à concilier leur développement économique et leur stabilité politique, à
assurer un partage équitable du revenu qui ne brise pas les mécanismes intrinsèques du capitalisme.
Abstract
Keynes and Schumpeter hold apparently conflicting views about the future of the mixed economy. They recognized the large
potential for economic growth of this system and hence rejected the idea of a stationary state. The main point is in the capability
of western economies to reconcile economic expansion and political stability and to provide a fair income distribution which does
not interfere with the intrinsic capitalistic mechanism.
Citer ce document / Cite this document :
A. Samuelson Paul. L'économie mondiale à la fin du siècle. In: Revue française d'économie. Volume 1 N°1, 1986. pp. 21-49.
doi : 10.3406/rfeco.1986.1104
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1986_num_1_1_1104Paul A.
SAMUELSON
^ШШЕЕШШЕШЕШШШШШШ^Ш (prix Nobel)
L'économie mondiale
à la fin du siècle
rospective
« Ceux qui en ont la capacité agissent. Les autres enseignent »,
écrivait George Bernard Shaw. Les cyniques d'aujourd'hui
disent : « Ceux qui sont capables d'extrapoler font des prévi
sions économétriques. Les autres deviennent futurologues. » Paul A. Samuelson 22
Dès lors, de façon liminaire, accordons-nous sur le
fait qu'aucun homme de science n'est en mesure de discerner
le futur avec précision. La vraisemblance du pronostic, le
degré d'intérêt et de pertinence du propos, voilà ce qui distin
gue le savant de l'amateur. Et cependant, l'histoire nous
enseigne que la fortune sourit plus souvent aux bouffons
qu'aux savants. C'est qu'il se trouve autant de bouffons que
de chevaux sur lesquels parier, si bien qu'après coup l'un de
ces bouffons est nécessairement gagnant. On ne pourra donc
se fier qu'à la vraisemblance à priori de son modèle pour juger
de la qualité d'un prophète.
Quinze années séparent 1986 du XXIe siècle. A qui
dois-je m'en remettre pour éclairer ce chemin à parcourir ? Je
n'ai pas d'intimité particulière avec Nostradamus. Il n'y a rien
non plus chez Adam Smith, David Ricardo, ou même Robert
Malthus qui puisse m'être de quelque utilité. Le monde n'a
pas rendez-vous avec l'équilibre stationnaire des classiques où
la population est juste assez nombreuse pour vivre sur les
salaires minimum de subsistance.
La vision de Karl Marx peut-elle me guider ? Comme
Marx écrivait il y a plus d'un siècle, il n'est guère équitable de
le condamner au motif que ses paradigmes seraient obsolètes.
Mais force est de constater cependant que les lois d'évolution
du système capitaliste, telles qu'elles ont été consignées dans
les annales de l'histoire économique depuis la publication en
1867 du Capital, ne sont pas celles que Marx avait énoncées.
Les évolutions passées du produit réel et de la répartition
entre salaires et revenus de la propriété ne peuvent non plus
être déduites des paradigmes marxistes de la plus-value et de
la composition organique du capital. Mais si le Marx de la
science économique ne mérite guère une bonne note, celui de
la politique, au contraire, doit être salué : un tiers au
moins de l'humanité vit dans un régime socialiste, alors que
nulle part n'existe de système fondé sur un laisser-faire à la
manière du XIXe siècle. Pas même en Suisse ou à Chicago. Paul A. Samuelson 23
Nombreux sont les prophètes appelés : Henry
Adams, Oswald Spengler, Léon Trotski et Pitrim Sorokine,
Arnold Toynbee, John Maynard Keynes, Friedrich Hayek,
Joseph Schumpeter, Herman Kahn, le Club de Rome. Mais
s'il y a beaucoup d'appelés, les élus sont rares aux yeux de
l'historien qui sanctionne les résultats.
Keynes à la conquête de la pauvreté
Toutes les prophéties ne sont pas également absurdes.
Comme le magistrat Oliver Wendell Holmes aurait pu le dire,
on tire davantage de profit du cynisme de Joseph Schumpeter
que du mysticisme d'Arnold Toynbee. Quarante ans après le
cauchemar, décrit par Friedrich Hayek, de l'Etat-providence
conduisant impitoyablement à un totalitarisme fossoyeur des
libertés, les Scandinaves jouissent d'une liberté sans pareille.
Et, à l'inverse — la logique de la route de la servitude en serait-
elle ébranlée — , le Chili ou Singapour, qui bénéficient d'un
libéralisme de marché maximal, subissent une dictature polit
ique qui abolit les droits du citoyen.
Je voudrais ici retenir particulièrement la vision du
futur de deux grands économistes : John Maynard Keynes et
Joseph Schumpeter. Tous deux naissent en 1883, l'année
même de la mort de Karl Marx. Tous deux meurent peu
après la seconde guerre mondiale.
Keynes fut le plus optimiste des deux. En 1930,
juste avant la Crise, il écrit un essai remarquable intitulé Eco
nomie Possibilities for our Grand children. Il s'intéresse aux cent
années à venir — la période même sur laquelle porte mon
attention. Keynes pense qu'au début du XXIe siècle, le stock de
capital aura doublé, redoublé et doublé encore. Comme il le
souligne lui-même, il n'y a rien d'extraordinaire à cela, si ce
n'est la lente sédimentation de l'augmentation des intérêts 24 Paul A. Samuelson
composés à raison de 2 % par an. Д prévoit que l'innovation
technologique, les bienfaits de la science et la rationalisation
des méthodes mises à la disposition des ingénieurs et des chefs
d'entreprise viendront renforcer l'accumulation du capital.
Sous réserve d'un contrôle volontaire de l'expansion démog
raphique, cela vaudra aux pays développés une multiplica
tion par 4 à 8 du niveau de vie.
Ainsi, trente ans avant Galbraith, Keynes prédit le
dépassement du problème de la rareté économique. Quarante
ans avant la sociobiologie d'Edward O. Wilson, il affirme que
l'espèce humaine est sortie du modèle darwinien de lutte sau
vage pour la vie. Néanmoins, il s'inquiète : une fois que les
machines nous auront délivrés de l'obligation de nous battre
pour le pain quotidien, nos muscles ne s'amolliront-ils pas ?
L'ennui ne nous conduira-t-il pas à la dépression nerveuse ?
Anémie, névrose, drogues douces et dures dans les banlieues
huppées — tout s'accorde parfaitement avec l'horoscope
keynésien.
De fait, Keynes a correctement décrit par avance ce
miraculeux progrès dont a effectivement bénéficié l'économie
mixte en ce troisième quart du XXe siècle. J'ai comparé ses cal
culs, faits sur le dos d'une enveloppe, et les travaux élaborés
de Simon Kuznets et Colin Clark : il est remarquable de
noter combien Keynes fut heureux dans ses extrapolations.
Mais seuls les contes de fées s'achèvent sur un :
«... et ils furent à jamais heureux et eurent beaucoup
d'enfants. » De même que Karl Marx clôt son histoire de l'his
toire par une société sans classes où l'État aurait dépéri et où
les ressources seraient spontanément gérées de façon rationn
elle, de même Keynes conclut-il sa vision par une sorte
d'utopie à la suédoise. Une très philanthropique Banque
d'Angleterre y assure l'articulation bénéfique de l'accélérateur
et du multiplicateur afin que l'élite de Bloomsbury puisse
s'adonner le jour à la création artistique et s'abandonner la
nuit aux délices de l'amitié. Paul A. Samuelson 25
Les schémas schizophréniques
de Schumpeter
pouvait-on Sans doute croire en 1965, à la vraisemblance sous le charme de la de perspective J. F. Kennedy, keyné-
sienne du développement économique. En 1986, avec, encore
vivace en mémoire, la déception

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