La guerre au Kurdistan turc - Les équipes spéciales (Özel tim)
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La version originale de cet article (avec illustrations et liens) est parue sur le blog susam-sokak.fr le 27 mai 2013. URL : http://www.susam-sokak.fr/article-esquisse-n-39-la-guerre-les-equipes-speciales-oz el-tim-118080292.html Il fait suite à « La guerre au Kurdistan turc : Une décennie particulière, 1992-1999 » disponible également sur susam-sokak.fr ou sur Youscribe En 1992, les opérations de guerre contre Sırnak et d'autres lieux, ainsi que l'assassinat de Musa Anter, ont attiré l'attention sur ce qu'on ne savait alors pas trop comment nommer : « organisation soutenue par le gouvernement », « équipes spéciales » ou « commandos spéciaux de la police » voire « escadrons de la mort » exerçant un « terrorisme d'Etat » (rapport Avesbury, rapport FIHD). Quatre ans après la destruction de Sırnak, c'est le scandale dit de Susurluk (novembre 1996) qui a mis en lumière les liens entre les « équipes spéciales » (özel tim), les mafias et l'extrême-droite. Particulièrement depuis cette époque, ces équipes spéciales ont été la cible de tous les opposants à la guerre, des pacifistes, des démocrates. Elles étaient de plus en plus dénoncées comme un des principaux obstacles à la paix par les quotidiens de centre gauche comme Cumhuriyet, Yeni Yüzyıl et Radikal, et même par Milliyet ou Hürriyet, pourtant très conformistes.

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Publié le 28 mai 2013
Nombre de lectures 53
Langue Français

Extrait

La version originale de cet article (avec illustrations et liens) est parue sur le
blog susam-sokak.fr le 27 mai 2013.
URL :
http://www.susam-sokak.fr/article-esquisse-n-39-la-guerre-lesequipes-speciales-ozel-tim-118080292.html
Il fait suite à « La guerre au Kurdistan turc : Une décennie particulière,
1992-1999 » disponible également sur susam-sokak.fr ou sur Youscribe
En 1992, les opérations de guerre contre Sırnak et d'autres lieux,
ainsi que l'assassinat de Musa Anter, ont attiré l'attention sur ce qu'on ne
savait alors pas trop comment nommer : « organisation soutenue par le
gouvernement », « équipes spéciales » ou « commandos spéciaux de la
police » voire « escadrons de la mort » exerçant un « terrorisme d'Etat »
(rapport Avesbury, rapport FIHD). Quatre ans après la destruction de
Sırnak, c'est le scandale dit de Susurluk (novembre 1996) qui a mis en
lumière les liens entre les « équipes spéciales » (özel tim), les mafias et
l'extrême-droite.
Particulièrement depuis cette époque, ces équipes spéciales ont été
la cible de tous les opposants à la guerre, des pacifistes, des démocrates.
Elles étaient de plus en plus dénoncées comme un des principaux obstacles
à la paix par les quotidiens de centre gauche comme Cumhuriyet, Yeni
Yüzyıl et Radikal, et même par Milliyet ou Hürriyet, pourtant très
conformistes. Car les özel tim sont en fait des bandes qui, comme le souligne
Hamit Bozarslan, vont jusqu'à s'approprier les pouvoirs étatiques dans les
villes et les régions qu'elles contrôlent, taxant la population et imposant,
comme la mafia, une « protection » rétribuée. Beaucoup d’exécutions
extrajudiciaires sont commises par des membres de ces unités prétendument
« anti-terroristes » qui font régner leur propre terreur.
Dès le début de 1996, la polémique sur les équipes spéciales était
vive. En effet, à cette époque, le PKK avait tenté de porter la guerre dans la
région de Sıvas, très périphérique par rapport au Kurdistan, et l'Etat avait
confié un grand rôle aux özel tim dans les opérations de contre-offensive.
Mais le scandale de Susurluk, déclenché par hasard le 3 novembre 1996,
quelques mois après l'accession au pouvoir de la coalition Refahyol, a
contribué à la révélation du mode de gestion de la guerre et de l'utilisation
des mafias dans les opérations de répression. Les gouvernements successifs,
l'Etat ont dû défendre la guerre et les équipes spéciales, ce qui a donné lieu,
à la fin de 1996, à quelques opérations de communication.
Les hommes des équipes spéciales sont des fiers-à-bras qui, dans
la presse, apparaissent systématiquement en tenue de combat, souvent en
gilet pare-balles, coiffés d'un béret. La plupart portent la moustache
tombante des Loups gris, qui fait presque partie de l’uniforme ; c'est chose
d'autant plus frappante que toute pilosité faciale est interdite dans l’armée
régulière.
Hamit Bozarslan nous explique pourquoi : la droite radicale,
écritil dans La Question kurde, a fourni les premiers éléments de ces équipes. Le
1MHP avait très tôt réclamé la mobilisation de sa base, et commencé vers
1990-1992 à inquiéter les Kurdes dans les villes de l'ouest ; les bandes de
Loups gris étaient chargées de les menacer et de s'opposer à leur 2installation . Tel est le socle politique du recrutement des équipes
spéciales, qui ont poursuivi, sur le terrain des opérations, les objectifs de
l'extrême-droite ultra-nationaliste, militariste et raciste. Pour cette raison,
ils sont prisés par les journalistes de Türkiye : « Ces hommes ne
3renonceront jamais à donner leur vie pour la sécurité de la nation » .
Le cadre administratif de ces troupes paramilitaires a été créé en
1983. Elles relèvent d'une branche de l'administration de la police, la
Direction de l’ordre public (Asayis Dairesi), et d'un commandement
particulier, la Division des opérations spéciales (Özel Harekat Daire
Baskanlıgı, ÖHDB) qui dépend elle-même de la Direction générale de la
Sécurité et des services du premier ministre. Ainsi, formellement, les
membres des équipes spéciales sont des policiers et non des militaires. En
raison de l'intensification de la guerre au sud-est, le corps a été réorganisé
en 1993, sous l’appellation de « Direction des sections d’opérations
spéciales » (Özel Harekât Sube Müdürlügü) qui veille à l’organisation, à
l’équipement et à la formation des équipes ; au plus fort des affrontements,
elle comportait des branches dans 48 départements (notamment dans le
sud-est et les grandes métropoles)
Dans ce cadre nouveau, le premier commandant de l'institution a
été Ibrahim Sahin, haut fonctionnaire spécialiste de la lutte anti-guérilla,
formé en Allemagne et aux États-Unis ; ses liens avec la mafia
d'extrêmedroite étaient connus et ont été confirmés lors du scandale de Susurluk. Son
patron, à la direction générale de la Sûreté, était Mehmet Agar, lui aussi
mêlé au scandale de Susurluk et à ce titre condamné à la prison en 2011. Ils
4représentaient un milieu étroitement lié au parti DYP .
Les hommes des équipes spéciales sont des volontaires
généralement issus de l'Ecole supérieure de police, sélectionnés pour leur
discipline, leur sang-froid, leurs qualités physiques. On choisit de
préférence ceux qui ont fait leur service militaire dans les commandos, sur
le terrain des affrontements : ce ne sont pas des amateurs. On leur fait subir
une instruction de trois mois, durant laquelle on les perfectionne au
maniement des armes et des explosifs, au combat en montagne mais aussi
en lieu clos. Les équipes spéciales ont compté jusqu'à 6 000 hommes.
L’arme la plus couramment utilisée est le fusil d’assaut américain M 16.
Après le scandale de Susurluk, alors que le pays était dans la
deuxième décennie de guerre, les critiques contre les özel tim provenaient
de milieux très larges. La population ne se contentait plus du discours
officiel ni de celui des va-t-en-guerre. A l'automne 1996, certains partis, des
ONG, des fondations de la société civile publiaient des rapports sur la
recherche d'une solution pacifique. Par exemple, trois députés d'origine
kurde de l'ANAP avaient réuni à Diyarbakır les représentants de 44 ONG et,
le 12 novembre, ils présentaient un rapport à la présidence du parti. Ce texte
dénonçait les multiples exécutions extra-judiciaires souvent imputables aux
équipes spéciales ; l'essentiel du problème, concluait-il, vient de ces équipes
5et des « protecteurs de villages » .
En revanche, le quotidien Türkiye, en tant qu'organe
d'extrêmedroite, était et est toujours resté du côté de l'armée, des troupes
paramilitaires, de la guerre, des valeurs guerrières et n'a jamais eu un mot
contre les milices et leur manière de régner sur un territoire. Ahmet
Kabaklı, l'un des chroniqueurs les prestigieux du journal, voyait en elles la
6protection la plus efficace contre l' « ennemi intérieur » . Périodiquement, Türkiye a publié des reportages sur les unités d’élite, toujours dans le but de
les louer et les défendre. Le reporter Hasan Yılmaz s'en est fait une
spécialité. En août 1996, il avait déjà produit une série sur les commandos
intitulée « Les lions turcs ». C'est peut-être en raison même du scandale de
Susurluk qu'il réitère quelques mois plus tard.

Un plaidoyer pro domo

Le 21 novembre 1996, dans le cadre de cette nouvelle série, Hasan
Yılmaz s'entretient avec Behçet Oktay, chef des forces spéciales pour la
7région de Diyarbakır de 1994 à 1997, promu ensuite à la tête de l'ÖHDB .
Le titre de la série est en rouge, couleur qui, en Turquie et surtout
dans ce contexte, évoque le drapeau, la nation, voire « le sang versé qui a
donné sa couleur au drapeau », comme le proclament les manuels
d'histoire. En haut à gauche

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