Exploitation minière artisanale, sécurité alimentaire, nutrition et Moyens d’existence
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La littérature sur les déterminants du conflit dans l’Est du Congo est abondante. Point n’est besoin de revenir sur les causes de ce complexe conflit dans cette note.
Diverses ONG internationales, des experts des Nations Unis et des journalistes ont depuis 1996, mis en évidence les liens entre le conflit et l’exploitation minière. Dans son rapport de juillet 2009 (« Face à un fusil, que peut-on faire ? ») Global Witness a suffisamment démontré comment la militarisation de l’exploitation minière contribue à perpétuer le conflit dans l’Est de la RD Congo.

Néanmoins, l’on note que face à la pression de la communauté internationale, notamment les arrestations des leaders de certains groupes armés, les milices ont perdu leurs soutiens financiers extérieurs. Par conséquent, pour continuer la guerre, les groupes armés doivent trouver des sources de financement internes.
De ce fait, le contrôle des sites miniers est devenu au cours de ces deux dernières années un enjeu majeur du conflit.
Les principales forces armées en présence s’organisent et se battent pour s’assurer l’accès et l’exploitation des nombreux gisements de minerais des provinces du Maniema, Sud et Nord Kivu.
Dans cette course à l’enrichissement, les populations civiles congolaises paient le prix fort. Mains nues et sans armes, elles sont utilisées comme travailleurs journaliers ou même esclaves pour extraire et transporter les minerais. Elles n’ont pas de choix. Le chômage est une réalité quotidienne. L’agriculture soumise à de nombreuses contraintes génère de faibles revenus. L’effondrement de l’état renforce les problèmes de protection. L’accès aux services sociaux de base (eau, santé, éducation) est une quête perpétuelle.
Pour échapper à ces difficultés, les ménages migrent vers les sites miniers. De toute évidence, l’augmentation rapide de la population dans ces centres miniers a un impact sur la sécurité alimentaire, la nutrition et les moyens d’existence.

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Publié le 29 septembre 2011
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Exploitation minière artisanale, sécurité alimentaire & nutrition et Moyens d’existence Pinga- Walikale - Lubutu - IteberoDR Congo – décembre 2010FAO-IEDA-DIOBASS-PAM-PNUD-UNICEF-CARITAS Par Ollo SibIntroduction La littérature sur les déterminants du conflit dans l’Est du Congo est abondante. Point n’est besoin de revenir sur les causes de ce complexe conflit dans cette note.Diverses ONG internationales, des experts des Nations Unis et des journalistes ont depuis 1996, mis en évidence les liens entre le conflit et l’exploitation minière. Dans son rapport de juillet 2009 (« Face à un fusil, que peut-on faire ? ») Global Witness a suffisamment démontré comment la militarisation de l’exploitation minière contribue à perpétuer le conflit dans l’Est de la RD Congo.  Néanmoins, l’on note que face à la pression de la communauté internationale, notamment les arrestations des leaders de certains groupes armés, les milices ont perdu leurs soutiens financiers extérieurs. Par conséquent, pour continuer la guerre, les groupes armés doivent trouver des sources de financement internes. De ce fait, le contrôle des sites miniers est devenu au cours de ces deux dernières années un enjeu majeur du conflit. Les principales forces armées en présence s’organisent et se battent pour s’assurer l’accès et l’exploitation des nombreux gisements de minerais des provinces du Maniema, Sud et Nord Kivu. Dans cette course à l’enrichissement, les populations civiles congolaises paient le prix fort. Mains nues et sans armes, elles sont utilisées comme travailleurs journaliers ou même esclaves pour extraire et transporter les minerais. Elles n’ont pas de choix. Le chômage est une réalité quotidienne. L’agriculture soumise à de nombreuses contraintes génère de faibles revenus. L’effondrement de l’état renforce les problèmes de protection. L’accès aux services sociaux de base (eau, santé, éducation) est une quête perpétuelle. Pour échapper à ces difficultés, les ménages migrent vers les sites miniers. De toute évidence, l’augmentation rapide de la population dans ces centres miniers a un impact sur la sécurité alimentaire, la nutrition et les moyens d’existence. Les points ci-dessus montrent bien l’existence d’une dynamique propre aux zones minières, qui mérite d’être cernée. Cette note tentera principalement d’élucider la relation complexe mines-sécurité alimentaire et nutrition. 1Pour y parvenir, des missions d’évaluations conjointes sont organisées. Elles visent à comprendre les liens entre l’exploitation minière, la sécurité alimentaire et la nutrition. De manière plus spécifique, ces évaluations visent à :·Rendre disponible une analyse multisectorielle sur la problématique de l’exploitation artisanale des minerais·Comprendre les causes de l’insécurité alimentaire et la dégradation de la situation nutritionnelle des ménages dans ces zones ·Analyser et mettre en évidence les moyens d’existence à même de favoriser la réinsertion socio-économique de certains intervenants dans la chaîne d’exploitation artisanale de minerais et la réinsertion socio-économique des ex-combattants Pour atteindre ces objectifs, des focus group ont été organisés dans les villages avec des groupes socio-économiques, des femmes, des hommes, des leaders communautaires, des acteurs de santé et les services des mines. Ces discussions de groupes sont suivies d’observations directes et consultations des documents disponibles.  Au cours des discussions avec les femmes, les mères ont été séparées des grand-mères et des belles sœurs. Chaque groupe de discussion comptait au plus 10 personnes représentant les différentes strates de la communauté. Les discussions ont suivi un plan préétabli et non structuré. Nonobstant, elles ont été centrées sur les mines, la sécurité alimentaire, la nutrition et les moyens d’existence. Un spécialiste de chaque organisation1 a conduit les entretiens séparément. Une mise en commun a été organisée chaque soir pour faire une analyse croisée des informations collectées. En raison des contraintes d’accès, le nombre de villages évalué n’a pas été pas prédéterminé. Les équipes se sont adaptées à chaque contexte et déterminer les villages sur la base des informations sécuritaires disponibles, de l’accessibilité physique et des conseils des informateurs clés. Production agricole/ animale & démographieLes discussions de groupe indiquent l’inexistence d’une agriculture à proprement parler dans les zones minières (carrés miniers et centres de négoces). Les carrés miniers sont des centres de consommation, les 1  FAO, PAM, PNUD, IEDA, Caritas, DIOBASS, Unicef, Secours Catholique
centres de négoces des lieux de transit et de détente. Les centres de production sont parfois situés à des dizaines voire des centaines des kilomètres de centres de consommation. A titre d’exemple, le centre de négoces de Ndjingala est approvisionné en farine de manioc et en riz par l’axe Lubutu et la localité de Nyasi, en haricot à partir de Goma et de l’axe Goma (Masisi). Seule l’huile de palme est produite localement. Les produits manufacturés proviennent de Goma et Kisangani. Le centre d’Itebero s’approvisionne en riz, farine de manioc, Arachide et concombre à partir des villages d’Isangi, Mpango et Musenge ; la banane à partir de Nyasi. Tous ces villages sont relativement distants d’Itebero.L’on note que moins de 10% des actifs pratiquent effectivement l’agriculture dans la zone de santé de Pinga. Par contre à Lubutu, les discussions de groupe indiquent qu’un ménage sur trois cultive régulièrement un champ. En raison de la végétation forestière, la chasse est répandue dans toutes les zones évaluées par la mission (Pinga, Lubutu, Walikale, Itebero) et la vente de ses produits joue un rôle important dans le revenu des ménages. Les discussions de groupe indiquent que le riz et le manioc sont les principales spéculations agricoles cultivées dans ces zones. L’on y rencontre surtout des associations manioc-céréales sur quelques mètres carrés (5 à 20 m²). Dans les zones de santé Pinga et Itébero, l’on associe le maïs au manioc tandis que dans le territoire de Lubutu, le riz est la principale céréale cultivée. Dans toutes les zones évaluées, la production maraîchère est insignifiante, voire inexistante. Le chou et l’oignon et l’aubergine seraient les spéculations maraîchères préférées. Pour toutes ces activités agricoles et pastorales, la main-d’œuvre agricole est principalement féminine. Les hommes préfèrent migrer vers les centres miniers ou mener des activités relativement mieux rémunérés. Tableau : Calendrier agricole zone de santé de agniPJFMAMJJASONDHaricotS1R2R1S2ManiocSRRizSRRarachideS1R2R1S2MaïsRS S1 = semis grande saison agricole   ; R1 = Récolte  grande saison agricole  ; S2 = semis petite saison  agricole   ; R2 = Récolte petite saison agricole   ; A l’image de la zone de santé de Pinga, la production agricole est relativement bien repartie sur toute l’année dans les villages visités. 2Toutefois, les discussions de groupe ont indiqué que dans la réalité, les paysans ne pratiquent qu’un seul cycle cultural. A Lubutu, les semis (riz, maïs) ont lieu en mars-avril et les récoltes commencent à partir de septembre. Cette situation contraste avec les conditions agro-climatiques qui favorisent une production agricole toute l’année. Pour les paysans, le manque d’accès aux semences améliorées à cycle court serait la principale contrainte à la réalisation de deux cycles agricoles par an. L’inspecteur agricole de Lubutu parle avec nostalgie de l’encadrement des paysans dans la zone avant l’indépendance. Il évoque aussi certaines mesures ponctuelles, au niveau du territoire, interdisant l’évacuation des produits agricoles vers les centres miniers pour éviter la carence des produits alimentaires. Le calendrier agricole indique que les enquêtes nutritionnelles de juillet 10 (Pinga) et octobre 10 (Lubutu) ont eu lieu pendant des périodes de récolte. De ce fait, la période de soudure ne saurait expliquée la dégradation de la situation nutritionnelle observée. Par ailleurs, d’après les statistiques de l’inspection de l’agriculture du Nord Kivu, dont dépendent Pinga et Itebero, les productions de cossettes de manioc, de patate douce, de pomme de terre, de maïs et de sorgho ont connu des hausses respectives de 32%, 10%, 21%, 11% et 21% entre 2009 et 2010. Par conséquent, ces augmentations de la production contribuent à améliorer la disponibilité alimentaire. Globalement, les tubercules et les céréales ont connu une hausse respectivement de 11% et 8% tandis que la production légumière a chuté de 2%. Cette structure de la production indique une consommation alimentaire dominée par les aliments énergétiques au détriment des aliments de protection et protéiniques. Tableau 2: Evolution de la production agricole (Tonnes) Nord Kivu 2006-2010, Inspection Provinciale de l'Agriculturecultures20062007200820092010Manic cossette 214 216 223 265 349 sèche600745247240226dPoautactee 71 57073 00073 72976 12083 732Pomme de terre47 09545 28543 96540 19548 591Haricot85 40080 42579 43486 94584 596Soja 3 5853 0273 8144 1504 533Maïs 46 50045 47940 38344 58549 584Sorgho 25 65321 99416 64719 46523 644Le tableau 2 indique que les productions des principales cultures ont régulièrement augmenté entre 2006 et 2010. Seule la production de sorgho (produit marginal dans la consommation alimentaire) a baissé,
passant de 25 653 tonnes à 23 644 tonnes entre 2006 et 2010. Ces progressions significatives de la production agricole sont limitées par l’imprécision des itinéraires techniques, le manque de formation et l’accès limité aux facteurs de production (intrants agricoles, capital). Aussi, les discussions avec les communautés indiquent-elles que les pillages des récoltes et des biens se sont généralisés dans tous les villages d’approvisionnement des centres miniers. Entre 50 et 70% des récoltes sont emportés de force par les hommes en armes. La présence dans les villages des jeunes en provenance des carrés miniers (dont certains ont eu à manier les armes dans le passé au sein des groupes armés) est facteur potentiel d’insécurité. Tableau 3: Productions agricoles dans le territoire de Lubutu- Inspection territoriale de l'Agriculture20082009Diff(ér%e)nce Cultures(ToPrnonde.s )(Shuap). (ToPrnonde.s )(Shuap).P(rKogd). (Shuap). ziRpaddy1293516169250613580194%121%Manioc2574516169322213580125%121%Arachide2625874919356450-26%-26%Banane11464585306312250167%167%Niébé987658332256450227%-2%Le tableau 3 indique une hausse marquée de la production agricole sur le territoire de Lubutu sur les deux dernières années. De même, l’on note que la superficie emblavée par spéculation a significativement augmenté. De ce fait, la disponibilité alimentaire s’est renforcée dans ce territoire. Toutefois, ce même tableau indique une baisse de la production d’arachide de 26%. Par conséquent, la hausse susmentionnée de la production agricole touche principalement des aliments glucidiques au détriment des aliments de protection et protéiniques. Par ailleurs, l’activité minière apparaît également comme un facteur limitant de la production locale. En effet, les discussions de groupe dans les villages ont indiqué l’existence de mines souterraines, à ciel ouvert, et d’exploitation des placers. Ces trois modes d’exploitation minière un impact négatif très marqué sur la production agricole et l’environnement. Le décapage des terres lors de la prospection accentue l’érosion. Par ailleurs, l’exploitation à ciel ouvert conduit à une exploitation abusive des bois et au brûlage des forêts. De plus, elle occasionne un déplacement massif de la végétation. Il en résulte une déforestation rapide et des terres incultes. Les perturbations de la pluviométrie ne facilitent pas le calage des cycles agricoles. A Lubutu, 3les paysans ont particulièrement évoqué les retards et déficits de pluie comme une contrainte importante à la production agricole.Par ailleurs, l’exploitation de l’Or, notamment à Pinga et Itebero se fait essentiellement dans les lits des cours d’eau. Cette exploitation des placers a certainement un impact négatif sur les eaux de surfaces. Les discussions ont indiqué qu’une forte proportion de la population à Itebero consomme ces eaux de surface.Les discussions avec les informateurs clés indiquent les rivières l’Osso et Mwesso sont régulièrement polluées par cette méthode d’exploitation. D’où, les prises de poissons auraient baissé de moitié depuis 1996 dans la rivière Lubutu. Par conséquent, la consommation de protéines animales est faible et l’on note une consommation alimentaire pauvre et peu diversifiée. En dépit des contraintes liées à la production agricole, la disponibilité alimentaire n’a pas été durablement affectée dans toutes les zones évaluées. Par conséquent, la dégradation de la situation nutritionnelle ne saurait être recherchée uniquement dans l’insuffisance de la production agricole. Les statistiques démographiques des zones évaluées informent d’une augmentation rapide de la population. En effet, la population a augmenté de 4% à Pinga contre 3% pour le territoire de Lubutu, entre 2009 et 2010. Ces augmentations touchent particulièrement la tranche d’âge 0 à 15 ans. La forte proportion de la population dépendante pourrait affecter l’accès à la nourriture chez les ménages. Par ailleurs, dans bien des cas, l’enclavement géographique, du fait du mauvais état des routes ou de l’insécurité réduit fortement la circulation des hommes et des produits alimentaires. Par exemple dans la zone de santé de Pinga, trois aires de santé sur quatre ne sont pas accessibles. Il faut mettre quatre heures de route (en voiture) pour aller de Kalembe à Pinga (39 Km) ! L’accès au marché se fait sous escorte de la Monusco pour les populations de Pinga. Et Bisié n’est accessible qu’à pieds ou à vélo. Itebero est difficilement accessible par véhicule à partir de Walikale en raison du mauvais état des routes et des ponts.Autrement dit, la majorité de la population de ces zones de santé n’accèdent pas aux facteurs améliorants, notamment aux services sociaux de base et à l’assistance humanitaire. Aucun système de crédit n’existe. L’installation des institutions de micro-finance est à encourager dans les centres de négoces pour favoriser l’épargne et l’investissement. Certains exploitants artisanaux de minerais rencontrés à d’Itebero regrettent avoir dilapidé leurs ressources.
Le manque d’accès à ces facteurs améliorants, du fait de l’enclavement, réduit de toute évidence l’accès à la nourriture de façon régulière et suffisante. De ce fait, cette situation pourrait contribuer à la dégradation de la situation alimentaire et nutritionnelle des strates fragiles de la population (25% de celle-ci). Le manque d’accès et la mauvaise qualité de la nourriture consommée pourraient bien affecter les situations alimentaire et nutritionnelle. La pâte de manioc accompagnée de feuilles de manioc (costume complet) est l’aliment de base aussi bien à Pinga, Lubutu, Walikale et Itebero. Le gibier est consommé, mais son prix est élevé. Le problème de son traitement et de sa conservation se pose. Le petit élevage est destiné à la résolution des problèmes sociaux (dot, mariage, frais scolaire, …)Consommation alimentaire, accès aux services sociaux de base & nutritionLes discussions de groupe indiquent que l’alimentation est dominée par des aliments énergétiques. Les consommations d’aliments de protection (légumes) et de protéines aliments sont faibles. L’apport alimentaire n’est pas défini en rapport avec les besoins spécifique de l’individu. Les femmes enceintes et allaitantes mangent essentiellement du fufu. Elles sont submergées par les travaux domestiques, notamment les travaux champêtres. A Lubutu, les femmes partent au champ tôt le matin et ne reviennent que le soir autour de 17 heures. Juste après sevrage, les enfants mangent « le Fufu » associé aux feuilles de manioc comme les adultes. Mais, cette pratique alimentaire n’est pas spécifique aux zones évaluées. Les discussions de groupe indiquent que moins de la moitié des personnes mangent de la viande (ou du poisson). La consommation de manioc est prépondérante. Très souvent, le repas de base est constitué de « Fufu » associé aux feuilles de manioc et à l’huile de palme. D’où l’on note une alimentation pauvre et peu diversifiée.Dans ces zones enclavées où l’approvisionnement est difficile, toutes les personnes n’ont pas accès au sel de cuisine ! Dans bien des cas, les discussions de groupe indiquent que l’alcool est mieux consommé que le lait. A Pinga, le « Kangala » ou la bière à base de la sève du palmier à huile fermentée est régulièrement consommée par les enfants ! A Lubutu, il a été rapporté une forte consommation du «Lutuku» (alcool traditionnel), du «Libondo» et de la Primus. Les discussions de groupe ont indiqué que trois mères sur quatre ne sont pas instruites. Elles sont mères très jeunes (autour de 15 ans !). Les naissances sont relativement bien espacées (2 ans en moyenne).4Les femmes sont soumises à des tabous alimentaires et à la polygamie. Par exemple à Pinga, la belle-fille ne peut partager le même poulet avec son beau-père. Ou encore, la viande et les légumes, quand les quantités sont insuffisantes, seront réservés exclusivement au père de famille. A Lubutu, les femmes enceintes ne peuvent manger d’œufs. Ces exemples montrent que les femmes et les enfants sont parfois privés de sources de protéines indispensables au maintien d’un état nutritionnel stable. Par ailleurs, trois hommes sur quatre sont polygames. Par conséquent, le risque d’absence prolongé d’au moins un des parents est élevé. Les chocs émotionnels subis peuvent conduire à l’anorexie et donc à la dégradation du statut nutritionnel des enfants. Le phénomène d’abandon des enfants est amplifié par les migrations des deux parents vers les sites miniers. De fait, les grand-mères se retrouvent parfois avec plusieurs petits enfants à charge. A Pinga, deux grand-mères sur trois ont affirmé avoir au moins un petit enfant à charge. Le principe de l’allaitement maternel est accepté des mères. Mais, le colostrum n’est pas systématiquement donné à tous les nouveaux nés. En fait, les mères indiquent que la première mise aux seins peut intervenir qu’au bout de deux jours après l’accouchement. En attendant la montée laiteuse, le nouveau-né est nourri à l’eau sucré et aux infusions à base d’épluchures d’ananas !Les discussions avec les femmes allaitantes indiquent que les fréquences de tétée sont irrégulières et insuffisantes. Elles sont inférieures à la norme de huit fois par jour. De ce fait, l’on peut affirmer que le principe de l’allaitement maternel exclusif n’est pas appliqué. A Ndjingala, seuls 4 femmes sur 178 ont adopté l’allaitement maternel exclusif sur trois mois !Par exemple, à Lubutu, les enfants tètent en moyenne trois fois par jour quand les mères sont occupées aux travaux champêtres. De même, l’on a noté au cours de la longue marche de Kalembe à Pinga autour de l’escorte MONUSCO (36 km, 7 heures à pieds), les mères ne sont pas arrêtées pour faire téter les enfants. Par ailleurs, particulièrement à Pinga, deux mères sur trois affirment manquer de lait en raison d’abord de la faim, ensuite des travaux difficiles. Par exemple, à Lubutu un mois après l’accouchement, les femmes commencent les travaux champêtres. Par conséquent, le sevrage intervient précocement, parfois à 3 mois ! Pour faire face au manque de lait, les femmes allaitantes recourent à des modes d’alimentation inadéquats pour les nourrissons, comme le «Njiba».
Le « Njiba » est une bouillie à base de farine de banane plantain. Cette dernière est récoltée immature, épluchée et mélangée à un ferment. Ce dernier est obtenu à partir des déchets de farine banane. Après l’ajout du ferment, les bananes épluchées sont séchées au soleil et à l’air libre. Il se pose aussi au cours de ce traitement un problème hygiène. Par la suite, une mouture est obtenue en pillant les bananes desséchées au mortier. Cette mouture est généralement conservée dans un sachet plastique, avec risque d’être rongé par les rats. Pour la fabrication de la bouillie, la mère mélangera cette farine, préparée dans des conditions septiques, avec de l’eau bouillie. La solution est malaxée, puis la mère y rajoute du sucre (quand il est disponible !). Par ailleurs, les discussions de groupe ont aussi révélé que les mères désaltèrent également les enfants de moins de six mois avec le bouillon du « Bukoko ». Le «Bukoko» est un champignon qui pousse sur les troncs d’arbres tombés. On en trouve facilement dans la forêt. Les mères collectent les champignons en les détachant du tronc d’arbres. Après nettoyage, elles y ajoutent de l’eau et portent le tout à ébullition. Puis, elles filtrent le bouillon. Le filtrat obtenu est refroidi et donné à l’enfant. Selon les mères, ce filtrat rafraîchirait la gorge du nourrisson « chauffée » par le lait maternel. Ces deux exemples sur les pratiques alimentaires confirment les problèmes comportementaux associés à la mauvaise situation nutritionnelle des enfants à Pinga. Ces problèmes viennent en partie du faible niveau d’instruction des mères et du manque d’information (de sensibilisation) sur les valeurs nutritives des différents aliments. Par ailleurs, l’accès aux soins de santé est réduit pour la population des zones évaluées. En effet, les discussions de groupe indiquent que le manque d’argent est la principale contrainte à l’accès aux soins de santé. Une simple consultation et un accouchement coûtent respectivement trois et cinq dollars US. Il faut débourser 100 à 150 dollars pour une césarienne. Ces coûts sont hors de portée des ménages dont le revenu annuel plafonne autour de 100 dollars US. Le médecin Directeur de l’hôpital de Pinga fait état d’un nombre élevé de cas de césariennes par rapport à d’autres hôpitaux où il a eu à prester avant.De fait, les centres de santé enregistrent une faible fréquentation alors que le paludisme, les infections respiratoires aigües et les maladies hydriques (diarrhées) sont fréquents dans ces zones. Par exemple, les registres de l’hôpital général de Pinga indiquent que les diarrhées (29%) est la 5principale pathologie associée à la malnutrition chez des enfants admis dans l’UNTI suivie des infections respiratoires (17%) et du paludisme (9%). La diarrhée est la première cause de décès. Les discussions de groupe révèlent que la diarrhée est principalement due de la consommation d’eau non potable et au manque d’hygiène. D’ailleurs, des maladies comme la gale sont associées à la malnutrition dans le registre de l’UNTI de l’hôpital générale de Pinga. L’infirmier titulaire du CSR d’Itebero fait état de 5 nouveaux cas graves transférés mensuellement à l’hôpital de Walikale.Les facteurs comportementaux et l’accès réduit aux soins de santé seraient prépondérants dans la dégradation actuelle de la situation nutritionnelle dans les zones évaluées. Dans le territoire de Lubutu, l’accès à l’eau potable est fortement limité pour les populations. Les discussions de groupe indiquent que moins d’un ménage sur quatre accède à l’eau potable. Des sources d’eau existent, mais elles ne sont pas aménagées. La même situation est observée à Itebero, où l’accès à l’eau potable est la première priorité des ménages.L’utilisation d’eau impropre est à l’origine de nombreuses maladies hydriques et des infections de post-partum chez les femmes qui viennent d’accoucher. Les discussions avec les prestataires de santé indiquent que la diarrhée est la principale pathologie associée à la malnutrition dans le territoire de Lubutu et dans la zone de santé d’Itébero.Par ailleurs, les discussions de groupe font état d’une épidémie de rougeole en 2007, principalement dans l’aire de Lukala à Pinga d’où proviendraient actuellement beaucoup d’enfants malnutris. Des cas périodiques de rougeole ont été aussi signalés à Obokote (en territoire de Lubutu) où sévit la malnutrition. Sur l’ensemble des zones visitées, la couverture vaccinale est relativement bonne. Elle est de 85% pour Pinga et légèrement supérieur à 90% pour le territoire de Lubutu et la zone de santé d’Itebero. Toutefois, à Pinga, les statistiques fournies par la zone de santé indiquent qu’un quart des aires (Oinga, Mutongo, Misau, Mpeti) santé ont un taux de vaccination inférieur à 60%. L’accès particulièrement réduit aux services sociaux de base, notamment à l’eau potable et aux soins de santé est à considérer dans l’analyse de la dégradation de la situation nutritionnelle dans les zones évaluées.  Tableau 4: Admissions et décès- UNTI de Walikale- Hôpital général Walikale-2010MoisJFMAMJJASON
UNTI2130343230292891221523Décès11205324221Tableau 5: Nombre d'enfants malnutris référés par la zone de santé d'Obokote- territoire de Lubutu-0102MoisJFMAMJJASONSévère302862203240922843203Modér665766356706811441532380éTableau 6: Nombre d'admission dans l'UNTI et UNTA Hopital général de Pinga-2010MoisJFMAMJJASONUNTI3162983116668270936768UNTA27142679113719070986071A Pinga, le tableau 6 indique une rapide augmentation des admissions dans les unités nutritionnelles thérapeutiques (UNTI et UNTA). Certains enfants venus des communautés ne transitent pas par les UNS, ils sont directement admis dans les UNTA ou UNTI. De ce fait, le dépistage au niveau des communautés par les relais communautaires est inefficace. Par ailleurs, l’on note que les admissions ont sensiblement augmenté à partir respectivement de juillet et septembre de cette année à Pinga (Walikale) et Obokote (Lubutu). Dans les deux zones de santé, l’analyse indique que le pic de la malnutrition coïncide avec la période des récoltes. Ce paradoxe met en évidence la mauvaise utilisation des récoltes par les communautés avec la tendance à vendre le gros de la production dans les carrés miniers.En effet, pendant la période de moisson, une grande part de la production céréalière est vendue pour faire face à des besoins divers. Les discussions de groupe révèlent que, très souvent, ces importantes ventes servent au remboursement de crédit contracté auprès des commerçants. Dans le territoire de Lubutu, un paysan échangera de façon anticipée toute sa production pour acquérir un vélo, un pagne, etc. Une fois toute la production céréalière vendue, les communautés perdent une opportunité importante de diversifier leur alimentation. Le manioc continuera à être la base de l’alimentation. Par ailleurs, les discussions de groupe ont montré que cette année en particulier, des retards et déficits de pluie ont été enregistrés dans le territoire de Lubutu. Les paysans estiment avoir perdu une part relativement importante de leur production céréalière. 6L’augmentation rapide des cas de malnutrition sévère même en période de récolte indique un phénomène chronique comparé à la malnutrition transitoire ou saisonnière. Déjà en 2008, le taux de malnutrition aigüe globale était de 17,1% (Coopi, 2008) pour la zone de santé de Pinga. De plus, à Pinga, les cas diagnostiqués au cours cette année par l’hôpital de référence sont atteints principalement de Kwashiorkor (37%) ou de Marasme (37%). De même dans le territoire de Lubutu, une large majorité des enfants sont atteints de Kwashiorkor. A Itebero, les statistiques disponibles auprès de la zone de santé indiquent que deux enfants sur trois malnutris diagnostiqués souffrent de Kwashiorkor.Les discussions avec les grands-mères indiquent que la malnutrition a toujours existé dans les zones évaluées. A Obokote, la malnutrition est connue sous le nom de « Osako» par les grands-mères. Les habitudes alimentaires, liées elles-mêmes à la culture, sont un facteur important de la malnutrition chez les mères à Pinga et Itebero. De même à Lubtu, les tabous alimentaires concourent à une répartition inégale des aliments entre les individus d’un même ménage. Par exemple, les meilleurs parts sont réservés aux hommes au détriment des femmes et des enfants.Ces habitudes alimentaires et les autres problèmes comportementaux précédemment exposés confirment le caractère chronique de la malnutrition dans les zones évaluées. Les registres de l’hôpital général de Pinga indiquent que 95 enfants sur 510 naissances enregistrés cette année ont un poids à la naissance inférieur à 2,5 Kg. Par conséquent, l’on déduit que les mères elles mêmes auraient souffert de malnutrition. Les difficultés de dépistage rapide au sein des communautés ont une incidence important sur la mortalité. En effet, les statistiques fournies par l’hôpital général de Pinga indiquent un taux de mortalité de 6% (toute l’année 2010) chez les enfants malnutris sévères avec complication venus directement des communautés contre 3% pour ceux dépistés précocement. Autrement dit, le dépistage précoce multiplie par deux les chances de survie de l’enfant. De même, seuls 14% des enfants dépistés tardivement guérissent contre 85% des malnutris qui transitent par l’UNS ou l’UNTA avant d’être transférés dans une UNTI. Le taux de rechute élevé évoqué par les intervenants indique que les causes de la malnutrition sont ancrées au sein des communautés. De plus, il traduit un
manque de suivi après le déchargement des enfants du centre nutritionnel. De toute évidence, la prise en charge de la malnutrition est inefficace. Le taux de rechute élevé dans toutes ces zones de santé confirme les difficultés liées à la prise en charge et un suivi inefficace.A Pinga, cette prise en charge est limitée aussi bien dans le temps que dans l’espace. Seuls 8 aires de santé sur 22 sont appuyées. De même, dans le territoire de Lubutu qui compte deux zones de santé (Lubutu et Otoboko) et 29 aires de santé, la prise en charge couvre 15 aires santé sur 18 dans la zone de santé de Lubutu. Par contre, l’on note une absence totale d’acteurs dans la jeune zone de santé d’Otoboke qui compte 11 aires de santé. De plus, la grande majorité des UNS ne sont pas fonctionnelles en territoire de Lubutu.Dans la zone de santé d’Itebero, seuls trois UNS sur 10 reçoivent des activités nutritionnelles. Dans les zones de santé de Pinga et Itebero, l’enclavement de certaines aires de santé réduit la couverture de prise en charge des enfants malnutris. Par exemple, Il n’y a aucune route qui relie Pinga centre à toute la partie Nord et Sud Ouest de la zone de santé. Cependant, dans le territoire de Lubutu, les discussions avec les acteurs clés indiquent un bon accès à presque toutes les aires de santé. Une coordination suffisante des acteurs humanitaires présents à Pinga et Itebero dans ce secteur est urgente. De même à Lubutu, le nombre limité d’acteurs réduit la portée des interventions dans ce vaste territoire. Activités minières, sources de revenu et accès à la nourritureLes discussions de groupe révèlent que l’exploitation minière est la première source de revenu, elle est suivie d’agriculture (vente d’huile de palme ou du riz) et du petit commerce. Seuls les hommes sont effectivement engagés dans le travail dans les mines. Les femmes pratiquent principalement l’agriculture, l’extraction et la vente de l’huile de palme. Le petit commerce est pratiqué sans distinction de sexe. Par ailleurs, les discussions de groupe ont indiqué que la chasse constitue également une autre source de revenu. Les produits de chasse (pratiquée uniquement par les hommes) sont vendus sur les marchés locaux par les femmes. A Pinga, la pratique de chasse est associée à la fabrication artisanale de fusil. Les discussions de groupe indiquent que ces sources de revenu ne sont pas stables. Bien que l’Or coûte 40 7dollars américains le gramme à Pinga, la ressource s’épuise progressivement. Un creuseur de bauxite gagnerait 210 dollars américains par jour contre 20 pour celui qui assure le transport de la carrière vers les centres de négoce(le transporteur). Les populations autochtones ont régulièrement mentionné la forte militarisation des sites d’orpaillage. D’après le service des mines de Walikale, trois quarts des sites seraient sous contrôle direct d’hommes en armes. Par conséquent, l’accès des carrés miniers par les populations s’est fortement réduit. Lorsque celles-ci y accèdent, elles travaillent plus pour le compte des hommes en armes. Les discussions de groupe indiquent que de grands villages s’étaient formés autour des principaux sites miniers, notamment Bisié (Walikale), Kasumba (Pinga) Suite aux opérations militaires lancées par l’armée gouvernementale contre les groupes armés, certains de ces villages auraient été détruits. Ces destructions de campements d’orpailleurs se seraient intensifiées avec l’interdiction formelle des activités minières illégales par le gouvernement. D’où la migration (déplacement) d’une partie des orpailleurs vers certains villages. Les effectifs réels des personnes touchées sont difficiles à obtenir. Personne n’a fait d’enregistrement systématique. De plus, les effectifs de la population de ces campements ne sont pas bien connus. En fait, les nombreux mouvements de va-et-vient des personnes autour des sites miniers ne favorisent pas leur recensement. Cependant, les discussions de groupe révèlent qu’un grand nombre de ces orpailleurs rodent encore autour des sites miniers en espérant que la mesure sera levée (d’ici janvier dit-on). Pour l’heure, ils vivent principalement des travaux journaliers agricoles et non agricoles. Une journée de travail rapporterait 1000 Francs congolais.Par ailleurs, certains d’entre eux essaient de se reconvertir à l’agriculture. Mais comme le faisait remarquer un chef de localité, on est orpailleur de père en fils. Par conséquent, la reconversion est très difficile. Ces nouveaux paysans manquent surtout d’intrants agricoles et de formation sur les techniques agricoles.Pourtant, si l’interdiction perdurait, il faudrait bien réoccuper ces jeunes pour éviter qu’ils ne se tournent vers les groupes armés. Ces derniers sont nombreux autour des sites miniers fortement militarisés.Les discussions de groupe indiquent que l’activité minière génère un revenu journalier 6 fois supérieur à la vente quotidienne d’huile de palme (environ 30 dollars américains). D’où des termes de l’échange à priori défavorables aux agriculteurs.
Toutefois, pris dans le temps (un palmier à huile a une durée de vie économique de 25 ans), la culture de palmier à huile est une source de revenu plus durable. Mais pour l’heure, le faible progrès technique (variétés sauvages dont la multiplication est assurée par les rongeurs !) de cette filière réduit fortement les gains pour les populations. L’orientation des anciens orpailleurs vers de telles filières agricoles serait une approche souhaitable. Les discussions avec les commerçants indiquent qu’avec l’instabilité des revenus, l’argent ne circule régulièrement pas dans les zones évaluées. D’où des ménages s’endettent auprès des commerçants. A Lubutu en particulier, pour faire face au manque d’argent, les paysans vendent de grande quantité de leurs récoltesproductions de riz, souvent anticipativement (avant la récolte) à des commerçants usuriers. Contre un vélo (de 100 dollars américain), ils cèdent la récolte de toute une saison culturale (800 kg équivalent à 260 dollars américains). Les termes de ces échanges sont évidemment défavorables aux ménages ruraux. De plus, cette vente excessive de la production prive les producteurs d’une source de nourriture importante d’autant plus que les céréales (riz) et les animaux d’élevage sont vendus au détriment du manioc (gardé pour la consommation).Par ailleurs, l’absence de structures de micro -finance et de systèmes (formels ou informels) de crédit renforcent la rareté de l’argent. Les activités pouvant favoriser la circulation de la monnaie telles que l’HIMO sont à encourager.Le manque d’argent ne permet pas d’accéder facilement aux services sociaux de base et à des aliments non produits localement (œufs, lait, sucre, sel). Pourtant, la consommation de tels aliments est nécessaire pour améliorer la sécurité alimentaire dans les zones évaluées. Mais, au cours des discussions des groupes, il a été demandé aux interviewés s’ils diversifieraient davantage leur alimentation avec plus d’argent, seuls un tiers des personnes ont répondu par l’affirmatif. De ce fait, les habitudes prédomineraient sur le revenu dans l’amélioration des régimes alimentaires des personnes interviewées.Face aux difficultés d’accès à la nourriture des ménages développent diverses stratégies de survie. Activités minières, stratégies de survie et sécurité alimentaireLes discussions de groupe indiquent l’application de stratégies alimentaires et non alimentaires pour mitiger l’impact des chocs alimentaires au sein des ménages. 8Les réductions de la qualité et des fréquences des repas sont les stratégies les plus courantes. Elles visent à réduire les dépenses alimentaires au profit de dépenses non alimentaires comme l’achat de vêtements ou de produits cosmétiques éclaircissants. De telles stratégies posent de toute évidence la question de l’adéquation de la nourriture consommée par rapport aux besoins spécifiques des individus des ménages interviewés. Une mère préférait s’acheter des produits cosmétiques au détriment d’aliments nourrissants pour ces enfants. Par ailleurs, en rapport avec l’activité minière, les discussions de groupe indiquent une forte propension à la migration. Les exploitants miniers proviennent de différents coins du territoire de Walikale, de Lubutu, de Kisangani, du Sud Kivu et de l’axe Walikale-Goma. Des navettes s’observent entre les centres de négoces et les lieux d’origine. Cette migration peut être perçue comme une stratégie de survie employée pour améliorer les revenus non agricoles des populations. Par ailleurs, les discussions de groupe indiquent qu’un nombre important de filles-mères abandonnent leurs enfants et regagnent les sites miniers. Là, elles se prostituent ou pratiquent la stratégie du « survival sexe ». Ces stratégies ont un impact néfaste sur la santé. Les discussions avec les prestataires de santé à Lubutu (carrefour et centre minier) révèlent que les Infections Sexuellement Transmissibles (IST) sont courantes, notamment chez les femmes.De ce fait, les enfants nés de ces femmes souffriraient de diverses infections. Leur fragilité les expose naturellement à la malnutrition avec des complications médicales.Face au manque de revenu du fait de la fermeture des sites miniers, les ménages recourent à la consommation d’aliments peu préférés. Cette stratégie affecterait leur sécurité alimentaire. De plus, la consommation exclusive de manioc expliquerait les cas de Kwashiorkor enregistrés dans les centres de santé de Ndingala. En effet, les discussions avec les prestataires de santé indiquent que 80% des enfants admis actuellement dans les centres de prise en charge nutritionnelle viendraient des anciens sites miniers. Les discussions avec les creuseurs communément appelés « Hiboux » indiquent que la vente des biens de valeur est une stratégie courante employée dans les sites miniers. Quand les gains sont faibles, les bijoux et autres biens précieux sont facilement échangés contre de la nourriture ou même de l’alcool. L’alcoolisme, la consommation de stupéfiants (chanvre indien,) et de drogues dures sont des pratiques courantes dans les sites miniers. Leurs consommations viseraient à accroître la force de travail. Mais dans la réalité, les drogues et autres
substances hallucinatoires servent à certains barons Les revenus du travail séchangent généralement du trafic à maintenir leur contrôle sur les creuseurs. contre la farine de manioc. Hélas, des morts par overdose ont été signalés Une journée de travail dans une mine permet pendant les discussions de groupe. dacheter 1138 unités de cossettes de manioc contre seulement 6 unités pour le travail agricole journalier. En débit de l’attrait qu’a les sites miniers sur les jeunes, la vie dans les carrières nest pas un long De ce fait, les termes de léchange sont largement fleuve tranquille. favorables aux creuseurs. Doù lon note labandon de l’agriculture au détriment des activités minières.Les discussions de groupe indiquent que certains jeunes incapables de descendre dans les « trous » La vente de lhuile de palme permet dacheter des recourent au travail agricole journalier pour le compte cossettes de manioc. Par conséquent, une unité de certains commerçants ou restaurateurs installés dhuile de palme vendue achète 4 unités de cossettes dans les sites miniers et partiellement convertis à de manioc. Doù lon note des termes de léchange lagriculture. favorables aux producteurs dhuile de palme. Cette source de revenu étant saisonnière, cette Mais, laugmentation relativement importante des prix catégorie de jeunes senrôle rapidement dans les des produits agricoles locaux à Pinga traduit des groupes armés. Ces derniers sont généralement difficultés dapprovisionnement de certains marchés responsables des pillages de toutes formes. locaux.  A Pinga, leur présence constitue lobstacle majeur à En effet, les discussions avec les commerçants laccès au marché (à expliciter).indiquent que certains circuits dapprovisionnement ont été détruits du fait de guerres successives.Marchés des produits agricoles & activités minièresPar conséquent, l’on note que les marchés sont peu achalandés même en cette période de récolte. Par La production agricole étant marginale dans les sites exemple, le marché bihebdomadaire de Pinga ne dure miniers, les aliments consommés sont achetés sur le à peine quune demi-journée. marché. Par conséquent, le revenu est le principal déterminant de laccès et à la nourriture. Les discussions avec les commerçants indiquent quils viennent de villages très proches du marché. Tableau 7: Evolution des prix de quelques produits L’insécurité sur les routes ne favorise pas de long alimentaires - marché de Pinga-2010déplacement.Prix  moyen Par conséquent, l’offre des produits alimentaires est (Francs Différence (%)limitée tandis que la demande est soutenue par Congolal’augmentation rapide de la population (naissances, is)placements forcés, migrations, arrivée de militaires DenréesUnité20092010FARDC, etc.). Viande Kg3500400014%Sel Kg3003000%Les discussions de groupe ont montré que les centres Soja Kg120012000%miniers sont les principaux débouchés commerciaux Fretin Kg66680020%pour les agriculteurs. En fait, les marchés locaux de Poisson Pinga, Lubutu, Djingala, Itebero sont très peu salé Kg230025009%achalandés du fait que les produits «importés» sont Huile de prioritairement destinés aux carrés miniers, ils palmeL55569425%transitent tout simplement par ces localités. Les Riz Kg750100033%véritables marchés sont les carrés miniers.Sucre Kg1400160014%A Lubutu, une grande majorité des ménages vendent Cossette de maniocKg12016638%entre 75% et 100% de leur production de riz dans les Arachide Kg750100033%centres miniers. Haricot Kg1000800-20%La vente excessive de ces aliments réduit les Le tableau 6 indique les prix ont augmenté de 15% sur possibilités de diversification de la consommation le marché de Pinga en une année. alimentaire des ménages.  Ndingala est le principal centre de négoce des Les aliments de base, notamment les cossettes de minerais le long de laxe Walikale  Lubutu. Connecté manioc et lhuile de palme ont connu des hausses à Bisié, ce marché de Ndjingala constitue le principal respectives de 38% et 25% entre décembre 09 et débouché pour les produits agricoles en provenance décembre 10. de Lubutu,  Walikale et Masisi. 9
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