05/2000 L EUROPE OCCITANE Par Robert Lafont* Le titre va ...
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05/2000 L'EUROPE OCCITANE Par Robert Lafont* Le titre va ...

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05/2000. L'EUROPE OCCITANE. Par Robert Lafont*. Le titre va surprendre: cet adjectif tombé on ne sait d'où, accolé au nom d'un continent ou d'une ...

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Langue Français

Extrait

05/2000
L'EUROPE OCCITANE
Par Rober
t
L
a
f
o
n
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*
Le titre va surprendre: ce
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jectif tombé on ne sai
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ù, accolé au nom
d'un continen
t
ou d'une construction politique en cours, qu'en faire ?
Recevan
t
le Prix Charlemagne, Bill Clinton vien
t
de citer l'Écosse, le
Pays de Galles, l'Irlande du Nord, la Catalogne, la Lombardie, le Piémont,
la Silésie, parmi ces pays sous les États-Nations que la dévolution a déjà
chargés ou va charger nouvellemen
t
d
es responsabilités majeures de la vie
publique. Il n'a pas parlé de l'Occitanie. Il ne peu
t
t
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s
a
v
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i
r. Il
connaî
t
l
es problèmes chauds de l'heure e
t
l
es ba
t
t
a
n
ts de la compétition
économique. Il n'a pas la vue d'une grande e
t
p
r
o
f
o
n
de articulation du
Continent, dans l'espace e
t
d
a
ns les siècles. Peu de personnes l'ont. Il
n'es
t
p
as de bon ton de dire l'avoir. E
t
p
o
u
r
t
a
n
t
.
C'étai
t
au trou noir de la dernière guerre européenne, sous l'Occupant
nazi, en 1942. À Marseille, une jeune juive qui brûlai
t
d
'
i
dée civique et
d'ardeur morale (elle devai
t
en mourir bientôt), l'avait, elle, comprise et
apprise en lisan
t
un admirable poème du XIIIe siècle, la Chanson de la
Croisade albigeoise. Dans la destruction de la civilisation d'oc par
l'alliance de la couronne française e
t
de l'Église romaine, Simone Weil, qui
signe Émile Novis, voi
t
un fai
t
essentiel autour duquel l'histoire tourne.
La force s'installe là où émergeai
t
le droit, une humanisation de la vie
sociale, un message spirituel son
t
r
e
f
o
u
l
és par les armes e
t
l
es bûchers.
"En ce cas comme en
plusieurs autres, l'espri
t
r
e
s
te frappé de stupeur en
comparan
t
la richesse, la complexité, la valeur de ce qui a péri avec les
mobiles e
t
le léxanisme de la destruction".
Elle devine les suites déplorables de ce
t
a
v
è
n
e
m
e
n
t
de l'Éta
t
"à la
française": une suite ininterrompue d'aventure militaires e
t
de répressions
internes, qui culmine dans l'éblouissemen
t
quand Versailles efface le
massacre des paysans bretons e
t
l
es Fêtes de l'Île Enchantée célèbren
t
d
a
n
s
le faste don
t
p
r
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f
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t
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n
t
L
ulli e
t
M
olière, la conquête sauvage de la
Franche-Comté. Un demi millénaire, où l'Europe se me
t
à ce
t
te école...
Potsdam imite Versailles e
t
l
es Prussiens d'un pas de charge français
parten
t
à l'assau
t
d
es antiques constructions fédérales d'Empire.
Simone Weil, la Juive humaniste travaillée de message christique, a déjà en
1940 osé aller au noeud inavouable du problème. Au chauvinisme français qui
se moule dans l'antifascisme, elle oppose que le totalitarisme germain est
l'achèvemen
t
m
ê
me du proje
t
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'
É
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a
t, conçu e
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ré en France (
1
).
Une autre date d'histoire. Complétons Simone Weil. 1789: une Nation naî
t
s
u
r
contra
t
c
i
v
ique, qui proclame les droits universels de l'Homme. L'État
change de principe, de contenu, de légitimité. Mais il ne change pas de
forme. La Nation succède aux nations, mais l'Éta
t
d
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g
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n
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re e
t
r
e
t
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r
ne à
l'Ancien Régime. Il y faudra peu d'années e
t
un traumatisme corse, qui fait
passer la famille Bonaparte de la défense d'une patrie que Paoli vien
t
d
e
faire entrer dans les temps modernes aux commandements militaires chez
l'ennemi. La République devien
t
l
'
E
m
p
i
r
e. L'Europe es
t
un champ de
massacres.
Tou
t
cela aujourd'hui verse au passé, avec la suite: la Grande
avant-dernière de 1914-1918 e
t
l
'immense de 1939-1945, où la France périt,
puis se restaure pour dix-sep
t
années de guerres coloniales, e
t
ne cesse de
confondre son message fondateur avec un vertige de puissance, de plus en
plus dérisoire.
Voici que nous construisons l'Europe. Correction: les États-Nations ont
construit, de Rome à Amsterdam, un marché où ils on
t
t
o
u
t
a
b
a
n
d
onné de leur
substance économique, y compris leur monnaie nationale, tou
t
en préservant
leur souveraineté, qui les fai
t
m
a
î
t
r
es absolus d'un territoire e
t
s
e
u
l
s
arbitres de la vie publique. Un monstre d'histoire. Parmi les plus entêtés,
il y a naturellemen
t
la France, qui, ayan
t
o
u
v
e
r
t
le feu, entend bien tirer
les dernières cartouches. En toute innocence perverse. Ce qu'un Ministre de
l'Intérieur es
t
capable de dire de l'Europe e
t
de l'Allemagne "éternelle"
devan
t
le danger d'un desserremen
t
du corse
t
d
o
n
t
il tien
t
l
es lacets!
Une philosophie délacée de l'histoire devrai
t
apprendre aux citoyens
français deux vérités enfouies dans leur passé.
La vérité d'un principe: une Nation fondée sur l'adhésion civique e
t
l
e
s
droits de l'Homme ne se justifie que du renouvellemen
t
de l'adhésion e
t
d
e
la mise à jour des droits. E
t
s
ur ce sujet, les "minoritaires", Basques,
Bretons ou Corses, qui on
t
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té pris au contra
t
e
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p
a
yé d'adhésion, en
saven
t
s
ur la France autan
t
que les "souverainistes" qui se disen
t
jacobins,
mais ne son
t
que césaristes. E
t
o
n
t
a
u
t
a
n
t
de droi
t
s
ur elle. Y compris
celui d'en faire une Europe en dévolution.
La vérité d'une charnière double des temps. Au XIIIe siècle, la France
s'inventai
t
c
l
ô
t
u
r
e, sur les ruines d'une Europe que la "question occitane"
définissai
t
a
u
t
r
e
m
e
n
t: comme un carrefour d'échanges, une gare de triage des
cultures. L'Europe signifie, inéluctablement, aujourd'hui la déclôturation,
externe e
t
i
n
t
e
r
n
e, de la forteresse étatique, e
t
la Nation démocratique se
rejustifie de ce dépassement. Tel es
t
le temps que nous vivons. On peu
t
e
n
retarder l'échéance. On ne pourra l'interdire. Il fau
t
se faire une raison:
raison humaine e
t
n
on raison d'État. L'"Europe occitane" es
t
de retour,
juste après ce fond de barbarie que l'étatisme a a
t
t
e
i
n
t
a
ux Balkans, e
t
qui
étai
t
v
r
aimen
t
u
ne fin des temps. Il ne fau
t
c
r
a
i
n
d
re ni le scandale ni le
prétendu ridicule de le dire.
E
t
t
a
n
t
p
is si d'aucuns trouven
t
que le Présiden
t
a
m
é
r
icain es
t
b
i
en mal
venu de se mêler de nos affaires européennes. Ne discutons pas de ses
intentions e
t
de ses arrière-pensées. Ils son
t
a
ussi mal venus, eux, de
s'enfermer dans des frontières d'un autre âge.
(
1
) - Cf. le livre récen
t
de Domenic
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C
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n
c
i
a
n
i, L'Intelligence e
t
l
'
A
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o
u
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,
(Beauchesne, 2000), p.32.
* - auteur de La Révolution régionaliste e
t
S
ur la France (Gallimard, 1967
e
t
1968), Nous, Peuple européen (Kimé, 1991 ), La Nation , l'État, les
Régions ( Berg International, 1993), coauteur (avec B. Étienne e
t
H
.
Giordan) de Le Temps du Pluriel (L'Aube, 1999).
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