ONU - OCHA / IRIN  Corps meurtris, rêves brisés. Chapitre 13, 2005
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Bemguema en Sierra Leone, en 2002. Une jeune fille, suivie par des femmes de son village, passe devant un groupe de soldats de l’armée nationale qui prennent leur pause pendant l’entraînement. La guerre en Sierra Leone est devenue tristement célèbre pour le degré d’atrocités commises contre les civils par des gangs de jeunes hommes et de garçons, souvent sous l’emprise de la drogue ou de l'alcool. Les gangs, liés aux différentes milices ou factions rebelles, ont violé, mutilé et assassiné des milliers de civils. Photo : Jan Dago La violence sexuelle en temps de guerre En 1993, le Centre d’enregistrement des crimes de guerre et des génocides de Zenica, en Bosnie-Herzégovine, 1avait recensé 40 000 cas de viol de guerre. Sur un échantillon de Rwandaises sondées en 1999, 39 pour cent avaient déclaré avoir été violées pendant le génocide de 1994 et 72 pour cent avaient confié qu’elles 2connaissaient une victime de viol. De 23 200 à 45 600 Albanaises-Kosovars environ auraient été violées entre 3août 1998 et août 1999, au plus fort du conflit avec la Serbie. En 2003, sur un échantillon aléatoire de 388 Libériennes réfugiées dans des camps en Sierra Leone, 74 pour cent avaient déclaré avoir subi des sévices sexuels avant d’être déplacées de leurs terres, au Libéria. 4Cinquante-cinq pour cent d’entre elles avaient subi des violences sexuelles au cours de leur déplacement.

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Publié le 25 septembre 2014
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Langue Français
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Extrait

Bemguema en Sierra Leone, en 2002. Une jeune fille, suivie par des femmes de
son village, passe devant un groupe de soldats de l’armée nationale qui prennent
leur pause pendant l’entraînement. La guerre en Sierra Leone est devenue
tristement célèbre pour le degré d’atrocités commises contre les civils par des
gangs de jeunes hommes et de garçons, souvent sous l’emprise de la drogue ou
de l'alcool. Les gangs, liés aux différentes milices ou factions rebelles, ont violé,
mutilé et assassiné des milliers de civils.
Photo : Jan DagoLa violence sexuelle en temps de guerre
En 1993, le Centre d’enregistrement des crimes de guerre et des génocides de Zenica, en Bosnie-Herzégovine,
1avait recensé 40 000 cas de viol de guerre. Sur un échantillon de Rwandaises sondées en 1999, 39 pour cent
avaient déclaré avoir été violées pendant le génocide de 1994 et 72 pour cent avaient confié qu’elles
2connaissaient une victime de viol. De 23 200 à 45 600 Albanaises-Kosovars environ auraient été violées entre
3août 1998 et août 1999, au plus fort du conflit avec la Serbie.
En 2003, sur un échantillon aléatoire de 388 Libériennes réfugiées dans des camps en Sierra Leone, 74 pour
cent avaient déclaré avoir subi des sévices sexuels avant d’être déplacées de leurs terres, au Libéria.
4Cinquante-cinq pour cent d’entre elles avaient subi des violences sexuelles au cours de leur déplacement. À
Cartaghène, sur un échantillon de 410 déplacées internes colombiennes sondées en 2003, 8 pour cent avaient
révélé avoir subi une quelconque forme de violence sexuelle avant d’être déplacées, et 11 pour cent avaient
5déclaré avoir subi des sévices depuis leur déplacement.
Le visage changeant de la guerre
milliers de femmes bengalis ont été violées par des soldats pakistanais pendant la
8Les données, de plus en plus nombreuses, recueillies sur les guerres de ces dix guerre de sécession du Bangladesh, en 1971.
dernières années sont enfin en train de mettre au jour « l’un des grands silences de
l’Histoire » : les violences et les tortures sexuelles infligées aux civiles, femmes et Malgré ce lourd passé de violences sexuelles infligées aux femmes et aux filles par les
6filles, en périodes de conflits armés. Récemment encore, les preuves de ce hommes en temps de guerre, les statistiques produites ces 10 dernières années sont
phénomène — tout comme le phénomène lui-même — avaient été globalement véritablement troublantes : il semble en effet que ce phénomène soit devenu
ignorées par les historiens, les politiques et la communauté internationale dans son particulièrement courant. D’aucuns pourraient objecter que les données actuelles
ensemble. Pourtant, cette question n’est guère récente. Les vainqueurs disposent d’un reflètent, non pas une augmentation considérable du nombre des victimes dans
permis de « violer et piller » les vaincus qui remonte aux guerres menées par les l’absolu, mais simplement un intérêt international accru pour cette question —
7soldats de la Grèce antique, l’armée romaine et les Hébreux. Au seul siècle dernier, intérêt en partie suscité par la couverture médiatique des atrocités sexuelles commises
des femmes juives ont été violées par des cosaques au cours des pogroms de 1919, en au cours des conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda et peut-être plus encore par les
Russie ; l’armée japonaise s’est livrée au trafic de milliers de « femmes de réconfort » campagnes de sensibilisation intensives menées depuis des décennies par les
originaires des quatre coins de l’Asie, qu’elle a réduites à l’esclavage sexuel pendant la défenseurs de la cause des femmes dans le monde. Néanmoins, il existe une
Deuxième Guerre mondiale ; plus de 100 000 femmes ont été violées dans la région explication plus probable : la nature de la guerre est en pleine évolution, et cette
de Berlin immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale ; et des centaines de évolution est telle qu’elle expose les femmes et les filles à un danger croissant.
La violence sexuelle en temps de guerre 181
Chapitre 13Depuis la deuxième moitié du siècle dernier, les conflits essentiellement limités aux Dans bien des cas, les femmes n’ont tout simplement aucune autorité institutionnelle
combats militaires entre armées nationales ont été en grande partie supplantés par ni aucune organisation vers laquelle se tourner pour faire part de leurs expériences
des guerres civiles et des conflits régionaux qui opposent différentes communautés malheureuses. Même lorsque de tels services existent, l’impunité généralisée dont
en fonction de critères raciaux, religieux ou ethniques. Dès lors, les populations jouissent les auteurs de violences sexuelles liées à la guerre amène de nombreuses
civiles sont massivement persécutées. Entre 1989 et Si troublantes soient-elles, les statistiques actuelles dissimulent probablement plus
1997, quelque 103 conflits armés ont été
9 qu’elles ne révèlent la véritable ampleur de la violence sexuelle à l’égard desdéclenchés dans 69 pays. Ces conflits récents
auraient fait pas moins de 75 pour cent de victimes femmes et des filles en période de conflit armé.
civiles, un contraste frappant par rapport aux 5 pour
10cent estimés depuis le début du siècle dernier. Bien que, globalement, les conflits victimes à penser, avec raison, qu’elles n’obtiendront pas justice en déclarant leur
fassent encore davantage de morts chez les hommes que chez les femmes, les femmes victimisation ; dès lors, la notification leur paraît inutile. Fait notable, dans une étude
11et les filles subissent les nombreuses conséquences débilitantes de la guerre. À tel réalisée en 2001 à Timor-Leste (Timor oriental), seules 7 pour cent des sondées
point, révèle le Secrétaire général des Nations unies dans un rapport publié en 2002, victimes de violence physique ou sexuelle pendant la crise de 1999 avaient jamais
15que « les femmes et les enfants sont ciblés de manière disproportionnée » et « déclaré les sévices subis aux autorités locales. Lors d’une enquête effectuée au
12constituent la majorité des victimes » des conflits armés contemporains. Rwanda, seules 6 pour cent des personnes interrogées ayant été violées pendant le
16 génocide avaient cherché à obtenir un traitement médical.
Ce que dissimulent les données actuelles
Les statistiques actuelles, loin de refléter la nature des crimes, ne révèlent pas non
Si troublantes soient-elles, les statistiques actuelles dissimulent probablement plus plus l’atrocité des violences auxquelles ont été exposées les femmes et les filles, ni la
qu’elles ne révèlent la véritable ampleur de la violence sexuelle à l’égard des femmes terreur que celles-ci doivent endurer lorsque leurs corps deviennent les armes de la
et des filles en période de conflit armé. Pour diverses raisons, les données relatives guerre. Seuls les récits personnels illustrent cela — des récits qu’une majorité de la
aux viols de guerre sont extrêmement difficiles à recueillir — comme l’attestent les population mondiale n’entendra probablement jamais.
disparités parfois spectaculaires entre les différentes estimations réalisées, quel que
soit le pays : en Bosnie, par exemple, les statistiques vont de 14 000 à 50 000, et au Trois récits personnels 13Rwanda, de 15 700 à un demi-million. Ces écarts sont parfois le reflet d’intérêts
politiques, lorsqu’un gouvernement ou un groupe armé cherche à minimiser l’ampleur Depuis l’année 1996, qui a marqué le début des hostilités entre diverses factions
des crimes commis par ses membres, tandis que d’autres s’efforcent de les souligner. armées dans la région est de la République démocratique du Congo (RDC), les
Pourtant, même lorsque les recherches sont entreprises par des groupes de défense atrocités infligées aux femmes sont si horribles et massives que ces violences ont été
17des droits de la personne ou d’autres groupes non alignés, obtenir une représentation familièrement baptisées « guerre dans la guerre » ou « guerre contre les femmes. »
juste de l’étendue de la violence sexuelle est loin d’être aisé

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