Port du voile intégral - décision de la CEDH
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La CEDH déclare que l'interdiction de porter une tenue destinée à dissimuler son visage dans
l’espace public en France n’est pas contraire à la Convention.

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Publié le 01 juillet 2014
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Langue Français

Extrait

du Greffier de la Cour
CEDH 191 (2014)
01.07.2014
L’interdiction de porter une tenue destinée à dissimuler son visage dans
l’espace public en France n’est pas contraire à la Convention
1Dans son arrêt de Grande Chambre, définitif , rendu ce jour dans l’affaire S.A.S. c. France (requête
on 43835/11), la Cour européenne des droits de l’homme dit notamment :
à la majorité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale)
et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de
religion) de la Convention européenne des droits de l’homme;
à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné
avec l’article 8 ou avec l’article 9.
L’affaire concerne une Française de confession musulmane qui se plaint de ne pouvoir porter
publiquement le voile intégral suite à l’entrée en vigueur, le 11 avril 2011, d’une loi interdisant de
odissimuler son visage dans l’espace public (loi n 2010-1192 du 11 octobre 2010).
La Cour a souligné que la préservation des conditions du « vivre ensemble » était un objectif légitime
à la restriction contestée et que, notamment au regard de l’ample marge d’appréciation dont l’Etat
disposait sur cette question de politique générale suscitant de profondes divergences, l’interdiction
posée par la loi du 11 octobre 2010 n’était pas contraire à la Convention.
Principaux faits
La requérante est une ressortissante française née en 1990 et résidant en France. Musulmane
pratiquante, elle déclare porter la burqa et le niqab afin d’être en accord avec sa foi, sa culture et ses
convictions personnelles. Elle précise que la burqa est un habit qui couvre entièrement le corps et
inclut un tissu à mailles au niveau du visage, et que le niqab est un voile couvrant le visage à
l’exception des yeux. Elle souligne également que ni son mari ni aucun autre membre de sa famille
n’exercent de pression sur elle pour qu’elle s’habille ainsi. Elle ajoute qu’elle porte le niqab en public
et en privé, mais pas de façon systématique. En effet, elle accepte de ne pas le porter en certaines
circonstances mais souhaite pouvoir le porter quand tel est son choix. Elle déclare enfin que son
objectif n’est pas de créer un désagrément pour autrui mais d’être en accord avec elle-même.
Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant en particulier les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 9 (droit à la
liberté de pensée, de conscience et de religion) et 10 (liberté d’expression), la requérante se plaint
de ne pouvoir porter publiquement le voile intégral. Enfin, sous l’angle de l’article 14 (interdiction de
la discrimination), elle se plaint du fait que cette interdiction génère une discrimination fondée sur le
sexe, la religion et l’origine ethnique au détriment des femmes qui, comme elle, portent le voile
intégral.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 11 avril 2011. Le
28 mai 2013, la chambre à laquelle l’affaire avait été confiée s’est dessaisie au profit de la Grande
Chambre. Une audience de Grande Chambre s’est déroulée en public au Palais des droits de
l’homme à Strasbourg le 27 novembre 2013. Le gouvernement belge, le Centre des droits de de l’Université de Gand ainsi que les organisations non gouvernementales Amnesty
1 Les arrêts de Grande Chambre sont définitifs (article 44 de la Convention). Tous les arrêts définitifs sont transmis au
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille l’exécution. Pour plus d’informations sur la procédure
d’exécution, consulter le site internet : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/executioninternational, ARTICLE 19, Liberty et Open Society Justice Initiative ont été autorisés à intervenir dans
la procédure écrite en tant que tiers intervenants (article 36 § 2 de la Convention).
L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre de 17 juges, composée en l’occurrence de :
Dean Spielmann (Luxembourg), président,
Josep Casadevall (Andorre),
Guido Raimondi (Italie),
Ineta Ziemele (Lettonie),
Mark Villiger (Liechtenstein),
Boštjan M. Zupančič (Slovénie),
Elisabeth Steiner (Autriche),
Khanlar Hajiyev (Azerbaïdjan),
Mirjana Lazarova Trajkovska (« L’ex-République Yougoslave de Macédoine »),
Ledi Bianku (Albanie),
Ganna Yudkivska (Ukraine),
Angelika Nußberger (Allemagne),
Erik Møse (Norvège),
André Potocki (France),
Paul Lemmens (Belgique),
Helena Jäderblom (Suède),
Aleš Pejchal (République tchèque),
ainsi que de Erik Fribergh, greffier.
Décision de la Cour
Le Gouvernement met en cause la qualité de victime de la requérante, au motif notamment
qu’aucune mesure individuelle n’a été prise contre elle en application de la loi du 11 octobre 2010.
La Cour rejette cette exception préliminaire. Elle rappelle qu’un particulier peut soutenir qu’une loi
viole ses droits s’il est obligé de changer de comportement sous peine de poursuites ou s’il fait partie
d’une catégorie de personnes risquant de subir directement les effets de la législation critiquée. La
2présente requête ne constitue donc pas une actio popularis . La Cour rejette également les
exceptions préliminaires du Gouvernement concernant le non-épuisement des voies de recours
internes et l’abus de droit.
La Cour déclare par ailleurs irrecevables les griefs de la requérante relatifs aux articles 3 (interdiction
des traitements inhumains ou dégradants) et 11 (liberté de réunion et d’association), pris isolément
et combinés avec l’article 14 (interdiction de la discrimination).
Articles 8 et 9
La Cour examine les griefs de la requérante sous l’angle de l’article 8 et de l’article 9, en mettant
l’accent sur ce dernier. En effet, si les choix relatifs à l’apparence relèvent de l’expression de la
personnalité de chacun, et donc de la vie privée, la requérante se plaint de ne pouvoir porter dans
l’espace public une tenue que sa pratique de sa religion lui dicte de revêtir, posant donc avant tout
une question sur le terrain de la liberté de manifester sa religion ou ses convictions.
La Cour constate qu’il y a une « ingérence permanente » dans l’exercice des droits que la requérante
tire des articles 8 et 9, cette dernière étant confrontée à un dilemme : soit elle se plie à l’interdiction
contestée et renonce à se vêtir comme son approche de sa religion le lui dicte, soit elle ne s’y plie
pas et s’expose à des sanctions pénales. La Cour note ensuite que cette restriction est prévue par la
loi du 11 octobre 2010.
2 Action par laquelle un particulier conteste dans l'abstrait le droit ou la pratique juridique d'un État, dans l’intérêt collectif.
2La Cour admet que l’ingérence poursuit deux des buts légitimes énumérés dans les articles 8 et 9 : la
« sécurité » ou la « sûreté » publiques, et la « protection des droits et libertés d’autrui ».
S’agissant de la « sécurité » ou la « sûreté » publiques, la Cour note en effet que le législateur
entendait avec la loi en question répondre à la nécessité d’identifier les individus pour prévenir les
atteintes à la sécurité des personnes et des biens et lutter contre la fraude identitaire. Elle juge
cependant que l’interdiction litigieuse n’est pas « nécessaire dans une société démocratique » pour
atteindre ce but. En effet, selon la Cour, vu son impact sur les droits des femmes qui souhaitent
porter le voile intégral pour des raisons religieuses, une interdiction absolue de porter dans l’espace
public une tenue destinée à dissimuler son visage ne peut passer pour proportionnée qu’en
présence d’un contexte révélant une menace générale contre la sécurité publique. Or le
Gouvernement ne démontre pas que l’interdiction que pose la loi du 11 octobre 2010 s’inscrit dans
un tel contexte. Quant aux femmes concernées, elles se trouvent obligées de renoncer totalement à
un élément de leur identité qu’elles jugent important ainsi qu’à la manière de manifester leur
religion ou leurs convictions, alors que l’objectif évoqué par le Gouvernement serait atteint par une
simple obligation de montrer leur visage et de s’identifier lorsqu’un risque pour la sécurité des
personnes et des biens est caractérisé ou que des circonstances particulières conduisent à
soupçonner une fraude identitaire.
Au titre de la « protection

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