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Description

BENOÎT Je ne sais bas bourquoi, mais avant de bartir, j’ai ressenti le esoin de basser l’asbirateur. J’avais mis mon manteau, mes affaires étaient brêtes, mais soudain mes doigts se sont arrêtés sur la boignée de la borte. Je suis resté immoile, et, sans combrendre bourquoi, je me suis mis à regarder la moquette. Elle était barsemée de betites beluches, noires, qui se détachaient ien sur le eige. Je le sentis, c’était ça qui me mettait mal à l’aise. Morte. Elle était morte. Noires, les beluches se détachaient, dehors il bleuvait, et elle, elle n’était blus là, elle n’existait blus, c’était terminé. Plus jamais elle ne bourrait voir ces beluches, noires, qui sur la moquette eige se détachaient, elles et les beluches abbartenaient maintenant à deux mondes différents. Morte. Elle était morte. Je me rébétais ces mots, héété, comme j’avais lu que les gens faisaient quand quelqu’un mourait. Pour l’instant je n’arrivais bas à faire autre chose que rébéter ces mots, berdu dans un air vide, et froid, qui avait soudain investi l’esbace autour de moi. Morte. Et morte à Calais. Pourquoi maintenant ? Pourquoi là-as ? Pourquoi avait-elle choisi brécisément ce lieu, et ce moment, bour en finir avec sa vie ? Nous n’étions blus vraiment en contact. Nous ne nous écrivions blus vraiment, blus très souvent. Quelque chose s’était déjà distendu avant son débart, certes.

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Publié le 16 juin 2015
Nombre de lectures 5
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Extrait

BENOÎT
Je ne sais pas pourquoi, mais avant de partir, j’ai ressenti le besoin de passer l’aspirateur.
J’avais mis mon manteau, mes affaires étaient prêtes, mais soudain mes doigts se sont arrêtés
sur la poignée de la porte. Je suis resté immobile, et, sans comprendre pourquoi, je me suis mis
à regarder la moquette. Elle était parsemée de petites peluches, noires, qui se détachaient bien
sur le beige. Je le sentis, c’était ça qui me mettait mal à l’aise. Morte. Elle était morte. Noires, les
peluches se détachaient, dehors il pleuvait, et elle, elle n’était plus là, elle n’existait plus, c’était
terminé. Plus jamais elle ne pourrait voir ces peluches, noires, qui sur la moquette beige se
détachaient, elles et les peluches appartenaient maintenant à deux mondes différents.
Morte. Elle était morte. Je me répétais ces mots, hébété, comme j’avais lu que les gens
faisaient quand quelqu’un mourait. Pour l’instant je n’arrivais pas à faire autre chose que répéter
ces mots, perdu dans un air vide, et froid, qui avait soudain investi l’espace autour de moi.
Morte. Et morte à Calais. Pourquoi maintenant ? Pourquoi là-bas ? Pourquoi avait-elle choisi
précisément ce lieu, et ce moment, pour en finir avec sa vie ? Nous n’étions plus vraiment en
contact. Nous ne nous écrivions plus vraiment, plus très souvent. Quelque chose s’était déjà
distendu avant son départ, certes. Mais c’est là-bas, une fois qu’elle partit vivre à Calais, que
notre amitié s’est vraiment effondrée. Des coups de téléphone de plus en plus rares, des lettres
de plus en plus expéditives, du type de celles qu’on s’envoie en vacances, le temps qui
s’écoulait plus vite, et quand j’ai reçu ce coup de téléphone de sa mère il y a quelques jours, cela
faisait déjà quelques mois que nous nous étions perdus de vue. Je ne cherche pas à me
demander le poids de ce silence, s’il a eu son importance, ou peut-être si, non, je ne me le
demande pas, je ne crois pas. Ce que j’éprouve, c’est une sorte de discordance. Un ami qui
meurt, c’est une chose. Mais quand c’est quelqu’un qui n’est plus un ami, quand l’amitié
n’existait plus vraiment, quand justement elle venait de se terminer ? Si elle était morte il y a
deux ans, c’aurait été plus simple – deuil et souffrance, larmes, c’était une situation beaucoup
plus claire. Mais là ? Deuil et non-deuil coexistent en moi. Ou comme si sa mort était un second
deuil, un deuil violent, brutal, qui venait se surajouter inutilement au premier deuil qu’avait été la
fin de notre amitié.Et Calais… Calais. Cette ville ne m’évoque rien. Tout ce que j’en connais, ce sont quelques
images générales, et aussi ce qu’elle a pu me décrire dans ses quelques lettres. C’est tout.
Qu’est-ce qui a pu se passer là-bas ? Le lieu de la mort a son importance, je crois que ça n’est
pas innocent que ce soit à Calais qu’elle ait décidé d’en finir : toutes les choses qui arrivent dans
la vie sont intimement liées aux endroits où elles se produisent. On ne meurt pas à Calais
comme on meurt à Marseille. Tout s’est passé là-bas, et c’est ça aussi qui me met mal à l’aise :
que cette mort se soit produite si loin de moi, dans un quelque part que je ne connais pas, que je
ne m’imagine pas – dont je n’ai aucune image. Je veux comprendre. Ou peut-être tout
simplement v o i r – oui, il y a quelque chose de morbide dans cette démarche d’aller à Calais. Et
quelque chose de bizarre, aussi, dans le fait d’y aller avec Marlene, cette amie allemande qu’elle
avait, que je ne connais si peu, que je n’ai rencontrée qu’une, ou deux fois… Que je ne connais
pas. Et à qui je n’ai rien à dire. Cette Allemande si allemande, si digne dans sa dignité
allemande, arrogante… Oui, c’est bizarre. Quand à l’enterrement elle m’a dit que elle aussi elle
voulait aller là-bas, comme moi, pour v o i r, pour regarder, sans vraiment savoir pourquoi en fait,
j’ai dit oui tout de suite, sans réfléchir. Pourquoi ? Peut-être parce que cela me rassurait que je
ne sois pas le seul à éprouver ces sentiments… étranges, cette pulsion morbide, ou… je ne sais
pas. Mais aussi sûrement parce que, si elle ne me l’avait pas proposé, je crois que je n’aurais
jamais eu le courage d’y aller, finalement.
Je l’ai retrouvée au café, le lundi matin, devant la gare du Nord. Un lundi matin pluvieux,
calaisien.MARLENE
J’ai devant moi un cendrier en forme de coquillage.
Une mouche somnolente volette au-dessus de quelques miettes de sucre qui se dissolvent
dans une petite flaque de café. Cette mouche n’a rien à faire là, à cette époque de l’année. On a
dû la réveiller par erreur de son long sommeil. Je la regarde poursuivre son vol fragile en
direction de la vitre.
Nous sommes en janvier, et bien qu’il soit déjà 8 heures, pas une lumière dehors. Paris est
sous la pluie. Une pluie qui tombe légère et continuelle, qui gagne lentement les doigts de pied.
Une femme aux cheveux gris passe devant moi sur le trottoir. Ses vieilles jambes percluses
sont fourrées dans des chaussures marron. Ses chevilles sont gonflées, épaisses, aussi larges
que le reste de la jambe. Elle se mouche d’une main, tandis que l’autre tient un parapluie. Mais
la main est trop gourde, son nez trempé glisse sous ses doigts, elle ne parvient pas à l’attraper
correctement et, toute à son affaire, laisse pendre son parapluie sur le côté, laissant ainsi
apparaître un fichu en plastique à pois blancs, d’où tombent quelques gouttes. Elle trompette
dans son mouchoir humide, le glisse dans la manche de son manteau et continue sa route.Le ciel est si gris qu’on se demande si le jour va finir par se lever. Je fais signe au garçon.
J’allume une cigarette, mais finalement je l’écrase après deux bouffées. Il est encore trop tôt
pour moi, trop tôt pour fumer ce tabac français. Ce tabac qu’elle fumait, qu’autrefois nous avions
fumé ensemble. Ce tabac dont elle m’apportait toujours un paquet quand elle me rendait visite,
ou que sinon elle m’envoyait par la poste en Allemagne. Cette odeur, si particulière, qu’on
retrouvait jusque dans son haleine, ses vêtements. Il y avait aussi ce parfum qu’elle portait, ce
parfum un peu désagréable que – si je devais le décrire plus précisément – je décrirais comme
froid. Je ne sais pas ce que c’était que ce parfum, mais je suppose que ça devait être quelque
chose d’un peu populaire, d’un peu bon marché. C’était une odeur qu’à l’époque on sentait
partout, dans la rue, dans le train. Au début il me faisait penser à elle. Mais comme une
personne sur cinq sentait ce parfum, j’ai fini peu à peu par m’habituer à cette association, et
finalement un jour j’ai cessé de penser que c’était s o n parfum que les gens portaient. J’ai oublié
que ça venait d’elle. C’était devenu une odeur banale. Quelque chose qu’on rencontre partout et
qui s’impose à vous, qui vous pénètre et vous dérange.
Comme cette odeur poisseuse et poussiéreuse du métro de Berlin, qui s’insinue malgré vous
dans votre nez, plus poussiéreuse encore quand on cherche à la chasser en fumant une
cigarette.
Maintenant elle est morte, et je me souviens qu’un jour ce parfum me faisait penser à elle.Il ne faut pas que je rate mon train.BENOÎT
Nous marchions dans un parc, c’était à Dijon je crois. En novembre, ou peut-être à la fin
d’octobre, je ne sais plus. C’était quand tout devient plus dur et froid, que la tristesse s’installe.
Nous avions des gants, une écharpe, nous marchions. Elle portait ce long gilet gris qui lui
descendait jusqu’aux genoux, ce gilet qu’elle portait par tous les temps, par-dessus le T-shirt en
été, par-dessus les couches de pulls l’hiver, et dont les poches étaient toujours gonflées de vieux
Kleenex roulés en boule. Je n’ai jamais compris comment, parmi toutes ces choses, elle trouvait
encore de la place pour les mains. Cela faisait quelques mois que nous nous connaissions, déjà,
était-ce avant ou après l’histoire avec Hervé ?, je ne sais plus, j’ai oublié – et, de toute façon,
comme je suis tout seul maintenant, je ne

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