Le dragon hittite Illuyankas et le géant Typhôeus - article ; n°2 ; vol.136, pg 319-330
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1992 - Volume 136 - Numéro 2 - Pages 319-330
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 46
Langue Français

Extrait

Monsieur Calvert Watkins
Le dragon hittite Illuyankas et le géant Typhôeus
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 136e année, N. 2, 1992. pp. 319-
330.
Citer ce document / Cite this document :
Watkins Calvert. Le dragon hittite Illuyankas et le géant Typhôeus. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 136e année, N. 2, 1992. pp. 319-330.
doi : 10.3406/crai.1992.15099
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1992_num_136_2_15099COMMUNICATION
LE DRAGON HITTITE ILLUYANKAS
ET LE GÉANT GREC TYPHÔEUS,
PAR M. CALVERT WATKINS, CORRESPONDANT ÉTRANGER DE L'ACADÉMIE
II existe en Grèce un mythe du monstre Typhôeus ou Typhon,
menaçant la souveraineté de Zeus et finalement précipité par Zeus
dans le Tartare. Il existe en Anatolie un mythe du serpent Illuyankas,
adversaire des dieux, finalement tué par le Dieu de l'Orage. Dès
que le texte hittite a été connu, il est devenu évident que le mythe
avait été diffusé d' Anatolie en Grèce, même sans qu'on sût encore
clairement quand et comment s'est faite cette diffusion. La première
comparaison systématique date de soixante ans et est due à Walter
Porzig1. Je renvoie pour l'essentiel à Walter Burkert2 et à
M. L. West3. Parmi les nombreux érudits qui se sont intéressés à
la question4, je signalerai Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant5
qui nous ont donné une analyse détaillée, pleine de vues pénétrantes,
des diverses versions du mythe en Grèce, dans le contexte d'union
avec la métis et de conquête de la souveraineté ; ils attirent l'atten
tion sur le motif de la ruse dans les versions tardives, notamment
celles d'Apollodore et d'Oppien ; ils soulignent à la fois, un peu para
doxalement, la dette de ces versions envers les mythes anatoliens
et leur essentiel hellénisme (p. 120).
Définir les modalités de cette parenté met en jeu des problèmes
de méthode. Si, récemment, W. Burkert se contente d'écrire6 « il y
a des parallèles hittites détaillés, donc on peut penser à un emprunt
1. Kleinas. Forsch. 1, 1930, 379-386.
2. Structure and History in Greek Mythology and Ritual (Berkeley 1979), 8.
3. Hesiod Theogony (Oxford 1966), 20 ff., 106-107 et commentaire à 820 ff.
4. Noter Albin Lesky, « Hethitische Texte und griechischer Mythos », Anz. d. ôst. Akad.
d. Wiss. (Wien 1950), 237-260 =Gesammelte Schriften (1966), 356-371 ; le même, Geschichte
der griechischen Literatur (Bern 1956/571, 19632), passim ; Alfred Heubeck, « Mythologische
Vorstellungen des alten Orients im archaischen Griechentum », Gymnasium (1955), 508-525 ;
Joseph Fontenrose, Python (Berkeley 1959, 1980), 70 s. et passim ; Francis Vian, « Le
mythe de Typhée et le problème de ses origines orientales », dans Éléments orientaux dans
la religion grecque ancienne (Paris 1960), 17-37 ; Peter Walcot, Hesiod and the Near East
(Cardiff 1966) ; A. Bernabé, « Hetitas y aqueos. Aspectos recientes de una vieja polémica »,
Estudios clâsicos 28 (90), 1986, 134 ff. ; le même, « Un mito etiolôgico sobre el Tauro
(CTH 16) en Nonno (Dion. 1.408 s.)», Aula Orientalis 6, 1988, 5-10.
5. Les ruses de l'intelligence2 (Paris, 1978), 90 s. 115-125.
6. Greek Religion (Cambridge MA 1985, trad. de 1977), 123 et n. 31, cf. 127 et n. 21. 320 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
à l'Asie Mineure », en revanche Gregory Nagy7, sans nier la valeur
des rapprochements orientaux, met en garde contre le risque d'une
similitude purement typologique — dilemme classique de la méthode
comparative. Nous allons voir dans ce qui suit comment l'étude
détaillée de l'expression verbale — l'équivalent en mythologie du « fait
singulier » de Meillet — peut éviter ce danger et revendiquer pour
l'Anatolie l'origine du mythe grec.
Le mythe d'Illuyankas en hittite est maintenant disponible dans
une nouvelle édition de Gary Beckman8 qui surpasse les précé
dentes. Beckman renonce en particulier à la notion, qui remonte à
Goetze9, selon laquelle les deux versions du mythe sont respect
ivement « l'ancienne » et la nouvelle, point de vue qui a fourvoyé
plusieurs philologues, notamment Burkert. Beckman a aussi montré
que MUSiiiUyankas n'est pas un nom propre mais simplement le terme
hittite pour 'serpent', comme ahi en Inde et azi en Iran.
Les sources grecques sur le mythe de Typhon se répartissent natu
rellement en trois catégories : épique, cinquième siècle et hellénis
tique10. Dans cet article, nous désignerons les deux premières
comme anciennes et la dernière comme tardive. Les versions tardives
et leurs parallèles hittites ont déjà suscité de nombreuses études au
cours du dernier quart de siècle, notamment de la part de F. Vian,
et je ne les mentionnerai qu'en passant. Ce sont les sources anciennes
qui vont retenir notre attention.
Dans cette enquête, nous nous guiderons sur la diction des textes
et sur les formules : par la formule on atteint à l'essence même du
rite et du mythe.
Si l'histoire de la royauté céleste dans la mythologie hittite et la
chanson d'Ullikummi sont d'origine hourrite, en hittite le mythe
d'Illuyankas et de la mise à mort du dragon est purement anatolien.
En fait, comme je l'ai démontré à partir de la formule particulière
avec la racine *g*hen- 'tuer', elle a été héritée en hittite directement
de l'indo-européen11. Le dénouement de la première et de la seconde
narration du mythe est (§12) MUHlluyankan kuenta 'il tua le ser
pent' (§26) wsiiiuyankan Ù DXJMU-SU kuenta 'il tua le serpent
et son propre fils'. Cf. âhann âhim> erceçvé xt Fopyova, etc.
7. Greek Mythology and Poetics (Cornell 1990), 81.
8. Journ. Ane. Near East Soc. 14, 1981, 10-25.
9. ANET 125-6 (Princeton, 1955).
10. Épique : Iliade 2.781-783, Hésiode, Théog. 304-307, 820-868, Hymne hom. à Apol.
(Pyth.) 300-340, et cf. Stésichore fr. 62 PMG. — Cinquième siècle : Pindare, P. 1.20-28,
O. 4.6-7, frs. 92-93, et Eschyle, Prom. 353-374, Sept. 493, 511. - Hellénistique : [Apollo-
dore] 1.39-44, Oppien Haï. 3.15-25, et Nonnos, Dion., livres 1, 2.
11. « How to kill a dragon in Indo-European », Studies in Memory of Warren Cowgill
(1929-1985), éd. C. Watkins (Berlin 1987) 270-299. LE DRAGON ILLUYANKAS ET LE GÉANT TYPHÔEUS 321
La victoire provisoire du serpent sur le Dieu de l'Orage dans la
seconde narration du mythe est également un motif hérité de l'indo-
européen, comme le prouve la récurrence des formules verbales conte
nant la racine Herh?- « surmonter, vaincre » en avestique, exactement
parallèles à celles de la narration hittite. (§3, §21) nu-za MuMlluyankds
tarahta 'le serpent vainquit le Dieu de l'Orage' (§25)
tarahhuwan dais '(le Dieu de l'Orage) était sur le
point de vaincre le serpent'12. Cf. Fravartin Yasht (13.77) : yat
titarat arjrô mainiius dàhïm dsahe vaqhâiis 'Quand l'Esprit Malfai
sant était sur le point de vaincre la création de la Bonne Vérité',
(13.78) ta Hé tauruuaiiatatn tbaesâ agrahe mainiisus druuatô 'Ces
deux vainquirent les hostilités de l'Esprit Malfaisant trompeur'13.
On doit se demander quelle est la nature des preuves en ce qui
concerne toute ancienne diffusion hypothétique du mythe de Typhée
d'Anaiolie en Grèce. Premièrement, il est clair d'après les preuves
internes des noms géographiques que Typhée/Typhon est associé à
l'Asie Mineure du Sud, dans la tradition pré-homérique qui l'a loca
lisé etv 'ApijxoTç 'parmi les Arimoi'.
L'antiquité fut unanime à situer les Arimoi en Anatolie du Sud
(sud-ouest ou sud-est). Bien que la segmentation soit arbitraire, je
pense que nous retrouvons le nom dans l'un ou l'autre ou les deux
noms de villes anatoliennes au deuxième millénaire : Arimm-atta ou
Att-arimma. — Attarimma est dans le territoire de Lukka. Le nom
est probablement la source du nom Trmmili par lequel les Lyciens
s'appelaient aux temps classiques. — Arimmatta sur le Traité de la
tablette de bronze était connue pour son cours d'eau souterrain ou
katabothron, turc dùden, hittite DKASKAL.KUR, qui correspond
selon D. Hawkins au louvite hiéroglyphique (DIEU) PIERRE +
TERRE + ROUTE (Laroche no. 202)1*. &

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