Regards russes sur les littératures francophones - article ; n°1 ; vol.52, pg 47-57
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2000 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 47-57
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 63
Langue Français

Extrait

Monsieur Robert Jouanny
Regards russes sur les littératures francophones
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2000, N°52. pp. 47-57.
Citer ce document / Cite this document :
Jouanny Robert. Regards russes sur les littératures francophones. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 2000, N°52. pp. 47-57.
doi : 10.3406/caief.2000.1372
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2000_num_52_1_1372REGARDS RUSSES SUR LES
LITTÉRATURES FRANCOPHONES
Communication de M. Robert JOUANNY
(C.I.E.F., Université de Paris IV - Sorbonně)
au LIe Congrès de l'Association, le 6 juillet 1999
La richesse d'information des exposés précédents
devrait me rendre modeste, puisque je ne suis guère comp
étent, tout au plus susceptible d'apporter quelques
réflexions personnelles sur une expérience récente des
relations franco-russes. Il est certain que la langue et la
culture françaises n'occupent plus la place qui leur reve
nait jadis, sinon naguère en Russie. Avant d'aborder la
question du rôle que peut jouer et que joue effectivement
en Russie l'étude des littératures francophones comme
intercesseur, comme catalyseur si l'on veut, je me permett
rai d'ouvrir quelques parenthèses. Je rappellerai d'abord
rapidement, même si d'autres l'ont fait avant moi, la
situation actuelle du français en Russie. En 1996-97, on
évaluait le nombre total d'élèves apprenant l'anglais à
neuf millions, l'allemand à quatre, et seulement à un mil
lion (soit un peu plus de 7 %) ceux qui apprenaient le
français ; même disparité pour le nombre d'enseignants :
67000 professeurs d'anglais, 41000 professeurs d'all
emand et 11000 professeurs de français (soit environ 9 %).
Des esprits chagrins seraient tentés de dire que la cause
est entendue et qu'en Russie, plus nettement encore que
dans bien d'autres pays européens, le français a perdu la
bataille des langues... Encore faudrait-il relativiser, ne pas 48 ROBERT JOUANNY
se laisser séduire par les flatteuses mais illusoires cert
itudes de la statistique. La diffusion et l'impact d'une cul
ture ne sont pas fonction du nombre de locuteurs, plus ou
moins occasionnels, mais aussi de la qualité et de l'inten
sité du dialogue interculturel. N'est-on pas en droit de se
demander quelle eût été la réponse de la statistique, au
XVIIIe siècle, et combien de personnes parlaient effectiv
ement le français, en ce siècle où... toute l'Europe parlait
notre langue ? N'a-t-on pas le devoir d'établir une distinc
tion entre l'importance prise par une langue-outil, une li
ngua franca qui tient sa prééminence de deux faits : l'incon
testable prédominance de l'économique sur le culturel et
le phénomène de « concentration » des langues qui sera
l'une des caractéristiques du XXIe siècle ? Toute concentra
tion profite aux plus forts, c'est une loi de la nature. Si se
vérifie l'estimation des experts selon lesquels sur les 6000
langues recensées dans le monde, 3000, voire bien plus
peut-être, sont appelées à disparaître dans le prochain
siècle, dans ce cas, la prééminence de l'anglais ne pourra
aller qu'en se renforçant, sans que pour autant on soit
autorisé à parler du déclin du français. Sans que, surtout,
on soit amené à poser la coexistence de plusieurs langues
européennes ou asiatiques en termes de rivalité, voire de
combat, comme le font parfois les défenseurs attardés du
« génie » de la langue française. Meschonnic vient de rap
peler fermement que « ce n'est pas la langue avec ses qual
ités prétendues (et qu'elle serait seule à avoir), qui a
donné naissance aux œuvres. C'est l'inverse : ce sont les
œuvres qui ont fait de la langue, de toute langue, ce qu'el
le est. Et c'est à la langue qu'on attribue les qualités des
œuvres. Qualités qui se trouvent, diversement, dans toutes
les langues. Et qui de plus, ne sont pas le fait de la langue,
mais du discours. De systèmes de discours » (Le Monde, 3
juillet 1999).
Un deuxième point à rappeler est que tout discours
implique un dialogue et que parler des relations cultur
elles et linguistiques entre deux pays implique la nécessi
té pour chacun de s'interroger sur ce qu'il apporte à SUR LA FRANCOPHONIE 49 REGARDS
l'autre et sur ce qu'il en reçoit. L'école a un rôle à jouer à la
base de tels échanges culturels et on ne peut que déplorer
le véritable effondrement de l'enseignement du russe en
France, un bien pire que le prétendu déclin
de l'enseignement du français en Russie. Tout se passe
comme si cette langue, après avoir attiré un public non
négligeable pour des raisons qui, il est vrai, pouvaient
être idéologiques aussi bien que culturelles, avait soudain
perdu, avec la disparition de l'URSS, tout véritable inté
rêt. A titre d'exemple, parmi les cinq ou six établissements
parisiens qui proposent le russe en première langue dès le
début du cycle secondaire, le Collège Henri IV — le plus
prestigieux d'entre eux, sans doute — , parvient à peine
chaque année à accueillir dix à quinze débutants. Ce sera
encore le cas à la prochaine rentrée scolaire. Bien pire, tel
autre établissement, refusant systématiquement, cette
année, toute dérogation, en faveur du russe, à la sectorisa
tion géographique, oriente obligatoirement les familles
vers un établissement voisin où seul l'anglais est
proposé ! Si bien que, dans cet établissement, l'enseign
ement du russe sera vraisemblablement supprimé, . . . faute
de candidats (1) ! Et voici que le jour est proche où aux
160 millions de russophones, en dépit de l'importance
culturelle, économique et politique de leur langue, la
France ne sera pas en mesure d'offrir plus de locuteurs
qu'aux 182 millions d'Hindis ou aux 160 millions de Beng
alis !
Il est vrai pourtant que notre pays a participé, ces der
nières années, à la création d'organismes de haut niveau
en Russie — je cite, presque au hasard, le Mastère franco-
russe de relations internationales, le Centre franco-russe
de journalisme, créés tous deux en 1994, le Collège uni
versitaire français fondé en 1991 avec lequel coopèrent
plusieurs grandes universités françaises, le Centre franco-
russe de formation et de perfectionnement des cadres,
créé en 1993, et nombre de centres culturels tant à Moscou
(1) II ne l'a pas été, cette année, grâce à quelques interventions pressantes. 50 ROBERT JOUANNY
et Saint-Pétersbourg que dans de nombreuses métropoles
régionales. Initiatives hautement louables, certes, mais
auxquelles, parallèlement, devraient être associées de
notre part, en France, une politique de développement de
la langue russe, et en Russie, une politique de décentrali
sation vers l'ensemble du territoire, à un niveau sans
doute moins ambitieux, mais plus « démocratique », si
j'ose dire.
Une demande existe, à nous d'y répondre ; j'en veux
pour exemple un projet dont je viens d'être saisi, dans
notre université, au titre du Service des examens de fran
çais pour étudiants étrangers dont on m'a confié la res
ponsabilité : émanant de Tomsk et d'un « Fonds franc
ophone » récemment créé, une demande fervente nous a
été adressée, concernant la Sibérie et l'Extrême-Orient,
pour que soit créée une préparation aux examens de fran
çais que nous organisons à distance (du niveau classe de
troisième au niveau « équivalence de la première année
du DEUG de Lettres modernes »). Les conventions vien
nent d'être signées (septembre 1999) et dès le mois d'oc
tobre prochain, de jeunes russes, à Omsk, à Novossibirsk,
à Novokouznetsk, à Kemerovo, à Tomsk, j'en passe... se
perfectionneront en langue et civilisation françaises, avec
l'espoir de voir leurs efforts reconnus par la vieille Sor
bonně. « Ce sera la première fois depuis la Révolution de
1917, m'écrit mon correspondant, que des écoles fran
çaises de ce type ouvriront en Russie et qu'un enseigne
ment de ce sera diffusé dans le r

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