Hommage à Prosper Mérimée. L invention du monument historique - article ; n°4 ; vol.147, pg 1573-1585
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 2003 - Volume 147 - Numéro 4 - Pages 1573-1585
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Roland Recht
Hommage à Prosper Mérimée. L'invention du monument
historique
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 147e année, N. 4, 2003. pp.
1573-1585.
Citer ce document / Cite this document :
Recht Roland. Hommage à Prosper Mérimée. L'invention du monument historique. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 147e année, N. 4, 2003. pp. 1573-1585.
doi : 10.3406/crai.2003.22670
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_2003_num_147_4_22670HOMMAGE A PROSPER MERIMEE
l'invention du monument
historique
PAR
M. ROLAND RECHT
MEMBRE DE L'ACADÉMIE
Le 21 septembre 1830, Guizot écrit à Louis Philippe :
« Aussi nombreux et plus variés que ceux de quelques pays voisins,
[les monuments historiques de la France] n'appartiennent pas seul
ement à telle ou telle phase isolée de l'histoire, ils forment une série
complète et sans lacune ; depuis les druides jusqu'à nos jours, il n'est
pas une époque mémorable de l'art et de la civilisation qui n'ait
laissé dans nos contrées des monuments qui la représentent et l'e
xpliquent. »
Cette idée d'une « série complète », cette conviction que l'art et
la civilisation sont « représentés », voire « expliqués » par le
monument, sont nées au Siècle des Lumières et viennent justifier,
aux yeux des révolutionnaires progressistes,, l'avènement des
musées. Pour appliquer ces mêmes principes aux monuments di
spersés sur le sol de la France, Guizot veut faire nommer un ins
pecteur, dont il définit ainsi la tâche :
« Parcourir successivement tous les départements de la France, s'a
ssurer sur les lieux de l'importance historique ou du mérite d'art des
monuments, recueillir tous les renseignements qui se rapportent à la
dispersion des titres ou des objets accessoires qui peuvent éclairer
sur l'origine, les progrès ou la destruction de chaque édifice (...),
éclairer les propriétaires et les détenteurs sur l'intérêt des édifices
dont la conservation dépend de leurs soins et stimuler, enfin, en le
dirigeant, le zèle de tous les conseils de département et de municipal
ité, de manière à ce qu'aucun monument d'un mérite incontestable
ne périsse par cause d'ignorance et de précipitation (...) et de 1574 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
manière aussi à ce que la bonne volonté des autorités ou des particul
iers ne s'épuise pas sur des objets indignes de leurs soins. »
Le moment n'est pourtant guère favorable : comme le dira
d'une façon si concise le baron De Guilhermy, « les barricades de
1830 se relevaient dans les rues de Paris, et le gouvernement
n'avait vraiment pas le loisir de faire de l'archéologie ». Mais les
ravages de la « bande noire » et la dégradation continue des
témoins monumentaux du passé, résultant de l'ignorance ou de la
cupidité, de la spoliation et de la destruction, alertent et inquiè
tent des hommes comme le ministre Guizot, Ludovic Vitet ou
Prosper Mérimée. Sous le titre Guerre aux démolisseurs, paraît en
1832 un pamphlet de Victor Hugo qui, comme Goethe avant lui,
considère que les monuments anciens forment l'héritage collectif
du genre humain :
« II y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son
usage appartient au propriétaire ; sa beauté à tout le monde. C'est
donc dépasser son droit que le détruire. »
C'est l'aboutissement d'un processus engagé depuis long
temps. Déjà en 1799, Pierre Legrand d'Aussy avait proposé
l'organisation de fouilles systématiques et l'envoi de circulaires-
questionnaires aux représentants de l'État dans l'ensemble des
départements. Restée sans effet, l'initiative est reprise par le
ministre de l'Intérieur, le comte de Montalivet, en 1810 : il
demande aux préfets de réunir « des renseignements sur les vieux
châteaux, les abbayes, les inscriptions et en général sur les monu
ments du Moyen Âge ». Là encore, les autorités locales montrent
peu d'empressement mais les dossiers parvenus au ministère sont
confiés à une commission créée au sein de l'Académie (qui
prendra bientôt le nom de Commission des Antiquités de la
France) qui élabore un questionnaire dont le but est l'inventaire
et la nomenclature des monuments. L'idée de Montalivet avait
été inspirée par le comte Alexandre de Laborde, le futur auteur
des Monuments de la France classés chronologiquement et consi
dérés sous le rapport des faits historiques et de l'étude des arts
(1816-1836). En 1818, débute la publication des Voyages romant
iques et pittoresques dans l'ancienne France, par le baron Taylor,
Nodier et Cailleux dont les 20 volumes seront bouclés en 1878.
Les illustrations lithographiques ont eu une grande part dans le
succès de cet ouvrage : à la différence des gravures de De MÉRIMÉE - L'INVENTION DU MONUMENT HISTORIQUE 1575 P.
Laborde, elles imposent le cliché romantique d'une fusion pitt
oresque entre le paysage naturel, les témoins architecturaux et les
habitants. Ces enquêtes sont menées dans un contexte difficile.
D'innombrables bâtiments anciens, religieux ou non, sont
détruits ou menacés de ruine. Vitet écrit à Guizot :
« Les maires, les curés, les fabriciens et surtout les Conseils munici
paux me donnent bien du mal. Impossible de leur faire entendre
raison et, si vous ne m'armez d'un bout d'article de loi, d'ici à dix ans
il n'y aura plus un monument en France, ils seront tous ou détruits ou
badigeonnés... ».
En 1833, il demande que vingt églises dont Vézelay et Vienne
soient déclarées « monuments nationaux ».
Ludovic Vitet va s'acquitter de cette tâche autant que ses res
ponsabilités administratives d'abord, surtout politiques ensuite,
lui en laissent le temps. Devenu secrétaire général du Commerce
en 1834, il cède la place à Mérimée, alors âgé de 31 ans (fig. 1) : ils
resteront jusqu'en 1848 les deux personnalités les plus influentes.
Le jeune Mérimée, déjà célèbre et fêté, se met au travail. Il va
consacrer une énergie remarquable à ses déplacements, à ses
visites, à ses contacts avec les antiquaires locaux et avec les édiles
ou le clergé, à la rédaction de ses rapports et de sa correspon
dance, n'oubliant jamais que, comme le proclame avec tant de
stoïcisme l'écrivain, « le métier d'un inspecteur des monuments
historiques c'est d'être vox damans in deserto ».
Rapidement, à peine un an après son entrée en fonction,
Mérimée a identifié les deux sources du danger :
« Les réparateurs sont peut-être aussi dangereux que les destruc
teurs ».
Le thème sera au centre du réquisitoire prononcé deux ans plus
tard par le comte de Montalembert {Le Vandalisme en France)
qui s'en prend surtout aux entreprises de « restauration ». Afin de
sauver la tour de Saint-Porchaire de Poitiers, Mérimée doit lutter
de front et tout à la fois contre le conseil municipal, le génie, les
Ponts et chaussées et les architectes de la ville et du département.
A Avignon^« depuis la Restauration le palais des Papes sert de
caserne ». Le Génie militaire menace Sainte-Marie-des-Dames à
Saintes. Les Dominicains de Perpignan « sont en ruines. Le génie
militaire, grand destructeur, y a établi ses magasins ». Il a causé 1576 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
des « dommages irréparables » aux Jacobins de Toulouse et la
Commission de conclure en 1850 :
«(...) nos officiers du génie s'entendent beaucoup mieux à renverser
des forteresses qu'à conserver des monuments ».
Le clergé est, lui aussi, l'objet d'innombrables attaques de la
part de cet athée qui s'évertue à vouloir sauver les monuments
religieux :
« Quand donc les curés comprendront-ils qu'il est de l'intérêt de la
religion de conserver à ses temples leur caractère antique, si grave, si
imposant, si chrétien ? S'ils barbouillent les églises

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