Les voies romaines de Sitifis à Igilgili. Un exemple de politique routière approfondie - article ; n°1 ; vol.16, pg 101-134
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Description

Antiquités africaines - Année 1980 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 101-134
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 224
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Pierre Salama
Les voies romaines de Sitifis à Igilgili. Un exemple de politique
routière approfondie
In: Antiquités africaines, 16,1980. pp. 101-134.
Citer ce document / Cite this document :
Salama Pierre. Les voies romaines de Sitifis à Igilgili. Un exemple de politique routière approfondie. In: Antiquités africaines,
16,1980. pp. 101-134.
doi : 10.3406/antaf.1980.1060
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antaf_0066-4871_1980_num_16_1_1060Antiquités africaines
1. 16, 1980. p. 101-133
LES VOIES ROMAINES DE SITIFIS A IGILGILI
Un exemple de politique routière approfondie
par
Pierre SALAMA
A Monsieur Jean Lassus, notre ami et
bienfaiteur, qui, lui aussi, parcourut ces
espaces.
Le voyageur qui longe la côte de Kabylie Orientale, dite « Corniche des Babors », éprouve une im
pression saisissante. De grandes falaises brutales plongent dans la mer; mais surtout, au second plan,
un fouillis de hauts sommets dresse devant lui un obstacle si dense que l'on a peine à croire qu'il puisse
être franchi. On sait à quel prix, et à travers quelles gorges profondes, une voie de grande communication
put atteindre, depuis Bougie, la région de Sétif à l'époque moderne 1. Mais à partir de Jijel, l'entreprise
semble encore plus insurmontable, car tout s'épaissit davantage.
Cette impression visuelle n'est pas un leurre. Des données scientifiques la corroborent. Géographie
et Histoire témoignent du caractère isolé et indépendant de cette zone ; et, à toute époque, il fallut une
volonté précise de relier entre elles les régions djidjellienne et sétifienne pour oser affronter les éléments
naturels et humains qui s'interposaient. L'opération n'eut, d'ailleurs, quelque intérêt qu'en fonction d'une
mise en valeur de la région sétifienne, à laquelle on voulait donner des débouchés maritimes. En période
de déclin économique des Plateaux sétifiens, la question des communications extérieures de ceux-ci se
posera avec beaucoup moins d'acuité 2 ; et actuellement, on voit des variations d'itinéraires obéir, sous
nos yeux, à des contingences politiques ou économiques 3.
1 C'est la fameuse route empruntant le Chabet el Akra (Défilé de la mort, ou Gorges de Kerrata), route acrobatique,
ouverte entre 1864 et 1870 par le génie militaire français, et classée RN 9 par la loi du 29 mars 1879. Cf Statistique générale
de l'Algérie, 1878, p. 263.
2 Situation médiévale et turque, définie infra dans nos notes 1 et 2 p. 132.
3du milieu du XXe siècle, où la liaison directe Sétif-Djidjelli est devenue négligeable en regard des communic
ations Sétif-Bougie. La preuve en est que, dès 1879, la grande voie Sétif-Bougie est déjà promue au rang de Route Nationale
(RN 9), alors que la voie Sétif-Djidjelli, chemin vicinal de grande communication en 1875, Stat. Gle Alg., 1873-1875, p. 248)
n'a jamais pu dépasser l'échelon de Route Départementale. C'est actuellement la RW 5 (route de wilaya n° 5), qui, d'ailleurs,
n'est pratiquement plus utilisée. Cf supra, n. 1, et infra, η. 3 p. 102. P. S ALAMA 102
Les Romains, dans leur rigueur à établir un réseau routier apte à coordonner systématiquement entre
elles toutes les parties de leur territoire, et surtout à les lier à la côte, s'intéressèrent au problème dès que
leur colonisation s'organisa autour de Sitifis et Cuicul, vers le début du second siècle, ap. J.-C. 1. Quelles
possibilités s'offrirent à eux ? Comment résolurent-ils l'entreprise routière ? Quel en était exactement
l'enjeu ?
LE PROBLÈME TOPOGRAPHIQUE
GÉNÉRAL
La Kabylie orientale dont nous nous occupons, correspond aux confins septentrionaux des provinces
romaines de Maurétanie Sitifienne et de Numidie. Elle apparaît aux géographes comme un pays « ingrat ».
Son relief complexe, marqué de hautes cîmes, comme celles du Djebel Babor (2004 m), du Tababor (1969 m),
du Djebel Chenigra (1662 m) et du Tamesguida (1626 m), se décompose en un dédale de crêtes et de vallées
encaissées où les cours d'eau eux-mêmes perdent plusieurs fois leur orientation. Les axes de communicat
ions s'y désorganisent 2. Un sol instable, formé de marnes, schistes et grès, subit des ravinements et
glissements énormes du fait d'une pluviosité souvent torrentielle, qui emporte ponts, routes et villages 3.
Sur cette terre pauvre, facilement acide, l'agriculture ne prospère pas. On vit en milieu forestier. De vastes
peuplements naturels de chênes-lièges, de chênes verts, de chênes zéens, s'associent avec une « floristique
méditerranéenne» très abondante, constituée d'oliviers sauvages, genévriers, pistachiers térébinthes,
lentisques ; et l'humidité du climat perpétue encore ce tapis, malgré les dégradations intempestives des
Temps modernes 4. Les habitants y sont sédentaires, et s'efforcent de cultiver dans les clairières un peu
de blé et d'orge. Voilà un monde purement rural, privé de toute ville dans un rayon de 75 km au sud de
Jijel 5. Il ne fait guère de doute que dans l'antiquité, ce vaste complexe montagneux regorgeait de bêtes
sauvages, et servait de champ de prédilection aux grandes chasses 6.
1 Précisions chronologiques données infra, η. 5 et 6 p. 122 et 1 à 6 p. 123.
2 Despois (J.) et Raynal (R.), Géographie de Γ Afrique du Nord-Ouest. Paris, Payot, 1967, p. 146 et 162-163.
3 Ibid., p. 147-149 ; cf Despois (J.), L'Afrique du Nord. 3e éd., Paris, 1964, p. 275-276. Etudes spécialisées : Seltzer (P.),
Le climat de Γ Algérie. Alger, Typo Litho, 1946, p. 53 et 151-152 : la zone de Texenna-Tamesguida reçoit, avec celle de Collo,
le maximum de pluies torrentielles en Algérie ; cf également p. 44 et fig. 165 les statistiques d'enneigement ; Queney et Cuny,
Etude sur les pluies en Algérie. Travaux Inst. météorologique d'Alger, n° 2, 1943, p. 1-12 avec cartes. J'ai déjà
exposé, à partir de la formule Vias torrentibus exhaustas des milliaires de Cuicul, ce grave problème de la destruction des routes
par les eaux torrentielles dans l'antiquité : Salama (P.), Les bornes milliaires de Djémila-Cuicul et leur intérêt pour Γ histoire
de la ville (R. Af., t. 95, 1951, p. 216-219). Cette question est d'une perpétuelle actualité dans la région ; et notamment, la RW 5
(ex RD 5) de Sétif à Jijel reste coupée dans le secteur d'Arbaoun (ex Chevreul) depuis l'année 1937. Pour les effondrements
du sol instable sous l'effet des eaux dans la région, cf Dalloni (M.), Géologie appliquée de Γ Algérie. Alger, Typo Litho, 1939,
p. 619.
4 Cf notamment Boudy (P.), Economie forestière nord africaine, IV, Description forestière de Γ Algérie et de la Tunisie.
Paris, Larose, 1955, p. 24-39, 63-71 et carte inter p. 160-161. La région de Tamesguida, qui fait l'objet de nos prospections, est
spécifiquement la zone des chênes zéens, pouvant atteindre de grandes dimensions.
5 Despois, Afrique du Nord, p. 277 ; Despois- Reynal, Géographie, p. 164. Une exception, celle de l'antique Cuicul,
située à 60 km à vol d'oiseau au sud à'igilgili.
6 Pays peuplé surtout de cerfs, qui ont disparu, de sangliers, qui y abondent encore, et aussi de fauves, principalement
des panthères et des ours : Gsell (S.), Histoire ancienne de l'Afrique du Nord, I. Paris, 1913, p. 1 12 et 1 15. Au milieu du XVIIIe
siècle, le marabout Si Ahmed el Mekki, de la famille des Mokrani, exerçait à Jijel, au profit des Turcs, le monopole de l'achat
des peaux de panthères. Au XIXe siècle, des lions étaient encore chassés dans la région : Féraud (L.C.), Histoire des villes de
la province de Const antine : Gigelli (R.S.A.C., t. 14, 1870, p. 21-22); en dernier lieu, Salama (P.), Igilgili. Vingt-trois siècles
d'histoire. El Djezaïr, Alger, Ministère du Tourisme, n° 15, 1974, p. 34. Voir également infra, η. 2 p. 131. LES VOIES ROMAINES DE SITIFIS À IGILGILI 103
Jusqu'ici, pour percer le secret des communications romaines qui lièrent Sitifis à Igilgili, la recherche
archéologique envisagea, ajuste raison, une pluralité d'itinéraires. Mais la question n'a jamais été systé
matisée. Aussi nous permettons-nous d'employer aujourd'hui une méthode d'investigation plus vaste,
à l'échelle régionale, qui, non seulement tente de déterminer ces itinéraires précis, mais voudrait en même
temps embrasser

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