Carne de Noé Gaspard

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• Langue: Français

Extrait

CARNE
de Gaspar NoéF
FICHE FILM
fiche technique
France 1991 40 mn
Réalisateur :
Gaspard Noé
Images :
Dominique Collin
Son :
Olivier le Vacon
Interprètes :
Gaspar Noe
Philippe Nathon
Résumé Blandine Lenoir
CritiqueFranckie le Pain
Un boucher spécialisé dans la viande
de cheval s’écoeure de son métier etHélène Testud Carne est un projet parfaitement aty-
élève, seul, sa fille muette. Un jour, elle
pique. Le film n’est pas une tentative
arrive, effarée, violée. Fou de rage, le
de décalcomanie du réel comme on a
boucher part tabasser le coupable
pu abusivement l’écrire, mais une
mais se trompe d’homme. Il doit
entreprise ambitieuse d’approche de
vendre sa boucherie (rachetée par un
la réalité intérieure du beauf par des
Arabe), passe quelque temps en pri-
moyens qui vont de l’hallucinatoire à
son, est séparé de sa fille, séduit la
l’hyperréalisme en passant par
grosse pa tronne d’un bistrot où il avait
l’hyperbole et l’ellipse. C’est sous le
ses habitudes.
signe du “ décalage “ qu’il faut envi-
sager Carne. L’utilisation du scope est
à ce titre particulièrement efficiente,
puisque en contraste avec l’intériorité
singulièrement étroite du boucher.
L’humour le plus sombre se mêle à
l’inquiètant. Noé travaille sur le mimé-
L E F R A N C E
1D O C U M E N T S
tisme et le rapport : entre la viande Carne est un film à tout point de vue Gaspar Noé ne cesse de surprendre
et le corps, le sang des bêtes et remarquable par sa durée, quarante ou choquer, bref de passionner le
celui des règles, entre le découpa- minutes. Trop long pour être un spectateur. Littéralement envouté
ge (des steaks et le cadrage ciné- “vrai “ court, trop court pour être un par un rituel qui laisse entrevoir les
matographique qui “hache “ les long. C’est un choix. Gaspar Noé le pulsions inavaouables du père pour
visages des personnes. L’angoisse voulait vraiment court mais le pre- sa fille et rend palpable le vide
créée par le film ne naît pas d’une mier montage était de 55 mn, alors absolu de leurs existences, L’audi-
complaisance dans l’horrible, mais il l’a réduit à 40 mn et une fin ouver- toire est partagé entre la répulsion
d’une impeccable sobriété dans le te pour rajouter 40mn supplémen- et la pitié. Noé se garde de toute
traitement du sujet. L’apparition taires, déjà écrites, pas encore référence morale, s’astreignant à
récurrente de panneaux qui décou- tournées. Ensuite, Carne est tourné serrer au plus près les gestes du
pent le film en tranches dénote en scope, « ce n’est pas tellement quotidien, à filmer la vie au travail..
l’”exemplarité” du destin du boucher plus cher et ça fait beaucoup plus Carne a obtenu le “Prix très Spécial
et de sa fille. Noé fixe ses person- riche pour le même prix dit Gaspar. 91” pour le film le plus original de
nages avec un regard clinique; la Avec des cadrages particuliers l’année. Cette fable cruelle, insolite
voix off renvoie à l’obscurité des “pour concentrer l’attention sur et insolente mérite maintenant le
motivations du protagoniste et sub- l’important à un moment précis” Le prix du public.
jective un environnement qui devient tout parsemé d’énormes cartons,
dès lors iréel.Le film est souvent avec dates ou phrases choc “ pour Jacques Zimmer . La CRAC
drôle parce qu’il ne se contente pas donner un aspect de presse à scan-
d’une représentation extérieure de dale. Comme dans Détective, il y a
l’autisme, mais intègre la vision toujours des encarts qui résument
déformante des personnages. Les ce qu’on vient de lire “. Enfin, Carne
Filmographie
longues rues désertes, l’intérieur de n’est finalement qu’un fait divers
l’appartement figurent un espace passionnant, car tout le quotidien, de Gaspar Noé
vide et rectiligne à l’image d’un toute la banalité de la vie y sont
monde mental où l’idéalisation est résumés. Son “plus” c’est justement
Né en 1963
un peu foisonnante... On pense par- d’avoir renforcé les détails, les
fois à Lynch pour l’utilisation répé- paroles, les personnages par le
Moyens métrages :tée du grossissement de certains scope, les cadrages et les cartons...
détails, qui renvoie à une monstruo- Carne c’est, pour finir,I’histoire d’un
sité fantasmatique. On reprochera boucher chevalin parisien, aux pul- 1991: Carne
certainement à Noé les mêmes sions très simples, qui vit très mal la
choses qu’au réalisateur américain croissance de sa fille autiste.Carne,
Courts métrages :: manipulation du spectateur c’est leur relation et celle qu’ils
excessif de la parodie. On oubliera entretiennent avec leur entourage.
ainsi l’essentiel le courage d’abor- Mais Carne, c’est aussi une histoire 1984 : Tintarella di luna
der une thématique ambiguë en de barbaque, de bidoche et le rap-
refusant le pathos mais en interpel- port, charnel, que le boucher entre-
1986 : Pulpe amère
lant les zones d’ombres du specta- tient avec elle. Carne ça fait parfois
teur (“ Personne n’est à l’abri d’un penser au Boucher d’Alina Reyes,
dérapage “, signale ironiquement un livre dur et drôle comme le film
un panneau). Gaspar Noé a de toute de Gaspar. Carne, c’est quarante
façon court-circuité d’avance les minutes et c’est déjà trop court.
critiques malfaisantes : un mysté-
rieux “ conseiller éthique” est crédi- Cinéma n°478
té au générique. Don’t act.
Positif n°379
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