LA TRAITE DES FEMMES MALGACHES AU LIBAN J ai connu la condition ...
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LA TRAITE DES FEMMES MALGACHES AU LIBAN J'ai connu la condition ...

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LA TRAITE DES FEMMES MALGACHES AU LIBAN Jean François Ratsimbazafy psychologue, est le référent pour les projets que l’associationMais Onlus met en œuvre à Madagascar depuis 1994. Son approche toujours très attentive et globale à la personne, nous a toujours permis d’avoir un observatoire privilégié à Madagascar, étant donné qu’en Italie les nouvelles concernant ce pays sont de plus en plus rares. J’ai connu la condition des femmes malgaches au Liban après avoir tenté de faire revenir à Madagascar une personne chère qui s’était rendue dans ce pays avec l’espoir d’y trouver un emploi et une vie meilleure. Nous avons dû payer pour la faire rentrer et, un mois après son arrivée, toute la tragédie de ces femmes est venue à la surface. Nous avons vu à la télévision et sur les journaux des scènes incroyables, inhumaines. J’ai préféré me taire, mais au plus profond de moi quelque chose me disait qu’il fallait bouger. Il y a plus d’un mois que je ne vais plus sur Internet pour rester tranquille et ne pas tomber dans la tentation de vous déranger, mais je me suis rendu compte qu’il était trop important de faire quelque chose pour elles et de le faire tous ensemble. Il me semble être revenu aux années de la “traite négrière”. Les Libanais ne considèrent pas les femmes malgaches comme des êtres humains, mais comme des esclaves et, en même temps, j’ai honte de mon pays, qui arrive à soutenir la crise politique et à payer l’armée avec des sommes exorbitantes, mais n’arrive pas à faire rentrer au Liban ces femmes qui souffrent, Il s’agit de 6000 femmes qui vivent au Liban dans des conditions de total exil, sans même avoir aucune possibilité de communiquer avec leur famille. Les pratiques et les modalités Au Liban, il existe des agences auxquelles s’adressent les familles à la recherche de femmes de ménage provenant de Madagascar. Ce sont des agences qui n’acceptent pas de donner leur identité. J’ai eu un litige avec une agence qui s’appelait “ALFA”. Il ne m’a jamais été possible de l’appeler au téléphone ni d’entrer en contact avec elle par le biais de l’Internet, tandis que l’agence, en possession de mes coordonnées, pouvait toujours m’appeler et m’imposer ses conditions, y compris en me menaçant. Ces agences sont en relation avec des intermédiaires à Madagascar qui leur facilitent la recherche de femmes qui ont besoin de travailler. À Madagascar, les agences font du porte à porte pour proposer aux jeunes femmes d’aller à l’étranger pour travailler. Elles leur racontent de belles choses sur le Liban, sur les possibilités de gagner plus d’argent à l’étranger. En bref, elles font de la publicité et collent des petites annonces sur les murs de certains quartiers des grandes villes de Madagascar en vue de trouver des candidates. La plupart des femmes qui partent n’ont pas fait beaucoup d’études, elles parlent à peine le français et n’ont jamais pris l’avion. Certaines d’entre elles ont été déçues par leur mari ou par leur compagnon, d’autres sont à la recherche de l’aventure. Elles ont en commun la volonté d’améliorer leur vie en gagnant un peu plus d’argent. Elles doivent quitter leurs parents, leurs enfants, filles et garçons, et toutes les personnes qui leur sont chères pour aller travailler, comme le faisaient les Européens à l’époque de l’émigration vers les ÉtatsUnis. Les familles libanaises présentent leur demande auprès des agences. On leur fait voir les photos des femmes malgaches et elles choisissent la future femme de service selon leur propre critère de robustesse, de beauté et d’âge. Au départ, le contrat signé est de la durée de trois ans. Bien des femmes malgaches ne connaissent même pas le contenu de ce contrat si ce n’est quelques interdictions (elles ne peuvent pas avoir leur téléphone portable ni amener avec elles beaucoup de vêtements, elles ne communiqueront avec leur famille qu’une fois par mois, leur salaire est de 150 dollars par mois). Les détails du contrat sont écrits en un français d’un certain niveau que la plupart de ces femmes n’arrivent sûrement pas à comprendre. J’ai lu ce contrat et j’ai pu constater que bien des articles sont à leur détriment. Un article
disait “les femmes de ménage doivent une obéissance totale à leur patron” et “elles ne doivent pas divulguer les secrets de la famille, aussi bien quand elles y travaillent qu’après”. Le voyage pour aller au Liban peut suivre deux itinéraires: Antananarivo  Johannesburg  Addis Abeba  Beyrouth, ou bien Antananarivo  Maurice Dubaï  Beyrouth. Quand elles arrivent à l’aéroport de Beyrouth, elles sont enfermées dans une salle d’attente. Les patrons arrivent avec les salariés de l’agence, ils prennent leur passeport et les amènent chez eux. Àpartir de ce moment elles ne se reverront plus. Dans les familles les travaux domestiques commencent, ils vont du ménage des pièces à la cuisine, en passant par la garde des enfants, le repassage et les courses. Elles vont même travailler chez les beauxparents des patrons. Elles ne doivent refuser ni les désirs ni les ordres du patron. Selon le témoignage des femmes qui sont revenues, le travail dure de six heures du matin à minuit. Exploitation et trafic des femmes Pour bien de ces femmes le rêve de trouver une vie meilleure s’est transformé en un cauchemar. J’ai reçu une demande d’aide des mères de celles qui sont parties: plusieurs familles malgaches recherchent leurs filles et sont sans nouvelles depuis des années. Il y a trois semaines le ministère de la Population est arrivé à faire revenir 62 femmes, puis il a déclaré ne plus avoir d’argent pour faire revenir les autres. Du côté malgache, il existe sans aucun doute une organisation mafieuse. Il est très facile d’obtenir un passeport et un visa pour le Liban. Si une famille veut faire revenir une femme du Liban, elle doit payer 4000 dollars. Si cette famille ne possède pas cette somme, la femme restée au Liban va devoir vivre le pire. Témoignagesde plusieurs femmes revenues à Madagascar : A  “Les deux premiers mois après mon arrivée au Liban, j’ai été bien traitée. Ils étaient accueillants et ils me chouchoutaient. Puis le troisième moi, le patron m’a demandé de coucher avec lui et, devant mon refus, il m’a violée. Il en a été ainsi pendant tout mon séjour”. B “Il m’est arrivé la même chose, puis, quand je me suis plainte auprès de l’agence qui nous avait fait venir à Beyrouth, quatre hommes sont arrivés et m’ont frappée. Ils m’ont dit que je devais accepter tout ce que l’on me disait de faire, car j’avais accepté l’offre de travail au Liban”. C  “La cousine du chauffeur du foyer familial, Tsinjo Lavitra, travaille au Liban et a envoyé ce message à sa famille : “Ne laissez plus venir aucune femme au Liban pour travailler. Je ne sais pas si je reviendrai vivante à Madagascar ou si je n’y reviendrai plus. Il m’oblige à épouser un homme et je dois obéir pour avoir la vie sauve”. D  “Nous étions quatre filles. Ils nous ont enfermées dans un appartement et ont envoyé des hommes pour nous violer. Nos patrons nous payaient nos salaires avec l’argent que ces hommes nous ont laissé. J’ai réussi à m’échapper après six mois”. E  “Ils nous ont droguées. Ils nous faisaient des piqûres dans les sourcils. Ils nous disaient que c’était un vaccin pour nous fortifier”. F  “7 femmes sont hospitalisées à l’hôpital psychiatrique d’Antanarivo depuis leur retour à Madagascar. Plusieurs d’entre elles ont accusé des douleurs au ventre 15 jours après leur retour, puis elles sont devenues folles et ont été hospitalisées à l’hôpital psychiatrique. Une d’entre elles a été interviewée, mais elle n’arrivait qu’à prononcer cette seule phrase: ILS M’ONT PIQUÉE SUR LES SOURCILS...”.
G  “Ils nous ont réduites à l’esclavage. Ils nous faisaient travailler 18 heures par jour. Quelquefois ils nous ne donnaient pas même assez à manger”. “Le premier mois ils nous ont donné la possibilité d’appeler Madagascar. Puis les contacts avec notre famille sont devenus de plus en plus rares, jusqu’à disparaître complètement”. H  “Mon patron m’a envoyée faire les courses. Tandis que je marchais, j’ai vu arriver un taxi. Il s’est arrêté à côté de moi et immédiatementdeux hommes m’ont traînée dans le taxi pour ensuite me violer. Quand je suis rentrée à la maison, le patron m’a demandé pourquoi j’avais mis autant de temps pour faireles courses. Dans l’espoir de trouver du réconfort, j’ai raconté en pleurant ce qui m’était arrivé. C’était mon troisième mois au Liban. Immédiatement le patron m’a entraînée dans sa chambre et lui aussi m’a violée en me disant: «Tu dois le faire avec moi aussi et, si tu n’acceptes pas, je t’enverrai toujours faire les courses et ils te sauteront dessus ». Quand il m’envoie faire les courses, ils viennent toujours me violer et même si des Libanais assistent à la scène ils ne disent rien. (Il y a deux ans que cette femme de 27 ans se trouve au Liban et ne peut pas rentrer à Madagascar car si elle vent rentrer avant la fin de la troisième année sa famille doit payer de 3000 à 4000 dollars). Cette histoire a été racontée par sa cousine, avec laquelle elle entretient toujours un contact téléphonique. Que faire ? N’y atil pasà l’échelle internationale un moyen pour lutter contre cette pratique ? Il faut créer des emplois à Madagascar. Il faut organiser les femmes des villages, les jeunes femmes, autour de l’agriculture. l’agriculture est, sembletil, le travail le plus sûr que nous pouvons offrir, Madagascar étant un pays à fort pourcentage agricole. Ouvrir à Madagascar un réseau d’information sur le Liban. Mettre en place un bureau d’écoute pour les parents et les familles de ces femmes qui sont parties au Liban.
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