A L OMBRE DE L EAU
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A L'OMBRE DE L'EAU

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W.RG À l’ombre de l’eau 1 2 « Le noir des profondeurs de la nuit investit mon esprit. Le froid et le glacial de leurs doigts crochus transperce mon cœur perdu. Dense est la souffrance sur la pente de la déchéance propageant ma douleur, nourrissant ma frayeur. Je coule, je fonds. Petit à petit je ne suis plus rien. Mon corps moribond n’attend plus que la fin. » Dans le trouble de l’eau apparaît une ombre terne, une ombre vague, une ombre dissipée. Elle s’approche, fine, douce et rassurante. Elle s’approche et s’approche encore. Peu à peu envahissante, elle en jette ses bras tout autour de moi. Pour me saisir, pour me sauver peut-être ?C’est une forme imperceptible qui empiète mon espace. C’est une silhouette qui s’accapare mon corps. L’air me manque, ma respiration est arrêtée et bien que ma bouche souhaite s’ouvrir, mes lèvres restent serrées. Inutile de me débattre, je suis sauvée. L’ombre terne est là pour s’occuper de moi. Pour un instant, car au fond des eaux je suis coincée. L’ombre 3 expose sa silhouette, une tête, des bras forts qui me saisissent, un corps qui me protège. Mon paysage se trouble encore. Ma vue disparaît et la nuit se colle à ma peau. Mais je n’ai pas peur, mon ange est là. Bientôt ses lèvres me frôlent, me touchent et me caressent. Elles m’apaisent, déliant ainsi ma bouche qui s’ouvre, s’abandonnant au destin qui m’est offert.

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Publié le 18 octobre 2015
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Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

W.RG À l’ombre de l’eau
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« Le noir des profondeurs de la nuit investit mon esprit. Le froid et le glacial de leurs doigts crochus transperce mon cœur perdu. Dense est la souffrance sur la pente de la déchéance propageant ma douleur, nourrissant ma frayeur. Je coule, je fonds. Petit à petit je ne suis plus rien. Mon corps moribond n’attend plus que la fin. »
Dans le trouble de l’eau apparaît une ombre terne, une ombre vague, une ombre dissipée. Elle s’approche, fine, douce et rassurante. Elle s’approche et s’approche encore. Peu à peu envahissante, elle en jette ses bras tout autour de moi. Pour me saisir, pour me sauver peut-être ? C’est une forme imperceptible qui empiète mon espace. C’est une silhouette qui s’accapare mon corps.L’air me manque, ma respiration est arrêtée et bien que ma bouche souhaite s’ouvrir, mes lèvres restent serrées. Inutile de me débattre, je suis sauvée. L’ombre terne est là pour s’occuper de moi. Pour un instant, car au fond des eaux je suis coincée. L’ombre
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expose sa silhouette, une tête, des bras forts qui me saisissent, un corps qui me protège. Mon paysage se trouble encore. Ma vue disparaît et la nuit se colle à ma peau. Mais je n’ai pas peur, mon ange est là. Bientôt ses lèvres me frôlent, me touchent et me caressent. Elles m’apaisent, déliant ainsi ma bouche qui s’ouvre, s’abandonnant au destin qui m’est offert.Au fond de ma gorge l’air s’engouffre, poussé et aspiré en même temps. Il investit mes poumons et oxygène mon sang, éveillant mes sens, renforçant mon instinct. Pour survivre.Quand j’aspire l’air, je ne peux m’empêcher, au contact des lèvres, d’y jeter ma langue pour qu’elle se mêle. Mais à qui ?La première fois ce fut un réflexe. Bien après, elle devint une gourmandise. Une gourmandise qui s’amenuise peu à peu, s’éloigne trop tôt et disparaît trop vite, après avoir veillé à sceller mes lèvres fragiles.Il s’en est allé une fois encore, me laissant sombrer vers le néant, couler dans le froid glacial.« Si je ne remonte pas hors de l’eau maintenant, je suis perdue ! »
Amélie avance sur le bord de la falaise exposant son visage triste au vent humide du large. Le chemin qui cours devant ses pas, serpente sur le haut des roches avant de s’enfoncer entre les crevasses qui garnissent le bord de mer rocheux. En quelques minutes ses pieds s’appuient sur la douceur du sable frais alors que pépite l’écume des vagues à chaque ressac.
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La grandeur de la mer et le calme de la plage en c’est après midi d’automne fit prendre conscience à Amélie la réalité de sa fragilité et du creux de sa vie. Cette mauvaise habitude prise depuis peu que de s’apitoyer sur soi-même sans se soucier des autres commençait à sérieusement inquiéter son entourage. Cependant, bien que lucide sur son comportement, la jeune femme ne pouvait agir autrement. « Triste » c’est le mot qui revient le plus lorsqu’on apprend à connaître Amélie. Un mot qui ne lui convenait guère avant. « Avant » c’est avant l’accident. Celui survenu il y a plus de quinze mois maintenant. « Avant », elle était joyeuse, pleine de vie, espiègle, toujours à s’amuser et toujours avec le sourire. Pourquoi est-elle devenue si triste depuis ? Personne ne peut y répondre.
Il y a toujours cette sensation qui flotte dans l’air, autour de nous et qui nous emporte au-delà du réel, nous rapprochant inexorablement du néant ou de la lumière. Plus bas, toujours plus bas ou encore plus haut et encore plus en haut.On marche parfois sans se rendre compte du vrai qui nous entoure avec juste, juste un vide qui nous habite et dont on ne sait pas d’où il vient.Amélie possède le vide, là dans son cœur, dans son ventre et au creux de ses entrailles. Il est si perceptible, si… présent. Et il casse tout !
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A folle allure ! Trop vite et trop dangereuse fut la camionnette qui tenta et réussit tant bien que mal, de dépasser la courte voiture qui barrait le passage d’un homme sans doute trop pressé. La camionnette eut juste le temps de se rabattre avant d’éviter tout juste de percuter la berline qui arrivait en face toute sirène hurlante. Personne n’entendit les noms d’oiseaux proférés les uns contre les autres. Chacun dans sa voiture soufflait, déjà, d’avoir évité le pire et aucun de ceux-là ne regardèrent dans leurs rétroviseurs ce qui arrivait à la petite voiture, soi-disant, « gênante ». Alors que l’arrière de la camionnette frôlait l’avant de sa voiture, Amélie n’eut d’autres réflexes que de tirer violemment sur son volant pour éviter le choc. La voiture sauta dans le fossé tout droit puis dévala le talus après un tour complet sur elle-même avant de plonger dans le lac tout proche.
« Vous êtes une miraculée !! » répétera sans sourciller chaque matin l’infirmière du bloc quatre de l’hôpital de l’océan. « Une MI-RA-CU-LEE !! » Car le reste de « l’aventure » Amélie ne s’en souvient pas ! Pas une minute, aucune image du film de son accident. Lucie, son amie assise à côté d’elle ce jour-là, se souvient davantage de ce qui c’est passé et pourtant elle fut assommée dès le début alors que la voiture se retournait. Elle n’a même pas eu le loisir de connaître le froid de l’eau et cette terrible sensation que l’air n’arrive plus. Car si Amélie n’a aucun souvenir imagé de
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l’incident elle conserve ces terribles sensations qui l’indisposent chaque jour et surtout… chaque nuit. Lucie ne comprenait pas, mais comment lui en vouloir. Amélie, elle-même ne se comprenait pas. Lucie était une grande fille aux cheveux châtains long et ondulée qui tombait sur ses épaules menues. Elle était attachée commerciale dans l’entreprise où Amélie travaillait. Elle passait sa journée de travail dans la voiture à la recherche de nouveau client ou en rendez-vous d’affaires pour finaliser les contrats obtenus. Enfin, c’était son boulot d’avant. Avant l’accident, car maintenant elle avait une peur terrible de conduire. Cela était tout à fait étrange, puisque lors de celui-ci, elle ne conduisait pas et avait perdu connaissance pendant toute la partie la plus violente de la sortie de route. Après le tonneau de la clio verte, la porte de la passagère s’était ouverte et arrachée et Lucie fut éjectée quelques mètres avant le lac. Quand elle avait retrouvé ses esprits son bras gauche lui faisait horriblement mal. Il était brisé à sept endroits. Sa poitrine était en sang, écrasée sur le tableau de bord dans le choc. Elle fut longtemps hébétée et la vase qui recouvrait une partie de son visage n’arrangea rien pour se rendre compte de la scène qui se déroulait devant elle. D’ailleurs encore aujourd’hui Lucie a du mal à dissocier la réalité et les rêves qui habitait son esprit alors. Elle se rappelait à peine de silhouettes qui entouraient son amie. L’entendant tousser et
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s’apercevant de ses cheveux trempés elle sombra de retour alors qu’on s’occupait d’elle. Emportée dans la première ambulance. Elle eut, cette fois, la chance de ne pas subir le second accident.
Un second accident pour en oublier un autre. L’ambulance qui transportait Amélie avait voulu éviter un cycliste puis était partie dans le « décor ». Et trois tonneaux cette fois, un pour chaque ambulancier. Tous les trois grièvement blessés mais vivants et une jeune femme une nouvelle fois indemne, sauf, sans doute, un coup sur la tête qui lui fit oublier la journée. Une journée désastreuse, qui ne méritait pas qu’on la garde dans les meilleurs souvenirs et même dans aucun souvenir. Toute la famille et l’entourage d’Amélie, lorsque tous se rendirent comptent de son amnésie la persuadèrent qu’elle n’avait rien perdu. Et qui pourrait dire le contraire ? Pourtant, là sur cette plage, alors que débute le week-end, la jeune femme s’interroge sur l’importance de ce qu’elle ne sait plus. Le vide qui habite son être serait-il mieux comblé si cette journée vivait dans ses souvenirs comme chacune des autres. Elle reprit ses esprits alors que son téléphone se mit à vibrer et lâcher la courte sonnerie qui avertit l’arrivée d’un message. C’était Lucie, elle arrivait pour la rejoindre. La seule chose qui n’avait pas changé aux yeux d’Amélie depuis l’accident, c’était le plaisir de retrouver son amie.
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Quelques heures plus tard elles se quittèrent avec le sourire, après avoir passé un bon moment à parler du passé, des sorties entre copines et des quelques aventures masculines à leur actif. Le moral d’Amélie avait repris de la hauteur même si la boule sombre restait présente. Cependant elle restait contente d’avoir enfin abordé le sujet de l’accident avec son amie. Depuis des mois elle n’en parlait plus par peur de passer pour une folle en se plaignant du désastre qui l’habitait. Et même si tout le monde avait remarqué la différence avec l’attitude qu’on lui connaissait avant, elle n’abordait jamais le sujet. Cette fois, elle avait pris sur elle et osé en parler avec Lucie. Celle-ci l’avait très bien pris. Elle s’était même engagée à trouver la raison de cette tristesse soudaine. Elle avait évoqué les différents syndromes qui conduisent à ce genre de sensations. Mais Lucie avait également retracée la journée de l’accident, tentant ainsi de faire remonter les souvenirs perdus d’Amélie. En finalité rien n’était réapparue mais Amélie put ainsi tenter de refaire le puzzle de cette journée maudite. Maudite ou pas d’ailleurs.
La nuit suivante elle tardait à s’endormir les yeux rivés sur les heures de son réveil qui s’égrenaient une à une, jetant alors leur fluorescence sur son visage. C’est alors qu’une phrase prononcée la veille par Lucie revint à son esprit. « tu t’es pris pour une sirène, ma pauvre… et cela a presque marché » avait ironisé Lucie.
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Ce n’était pas la première fois que la jeune fille faisait référence aux sirènes. Mais Amélie avait toujours fait le rapprochement avec celles des pompiers ou des ambulances. Ou des sirènes faisant référence aux hurlements qu’elle avait pu lancer alors que la voiture coulait vers le fond du lac. Cependant, avec une bonne dose de réflexion mais surtout avec de longs moments dubitatifs qui vous oblige à ressasser et… à ressasser, encore et encore les heures passés en conversations trop longues ou en interrogations crispantes qui minent nos esprits, une lueur, parfois, éclaire nos âmes. Alors apparaissent des évidences simples, trop grosses pour y penser avant car masquant l’horizon mais qui pourrait mener sur le chemin de la vérité. Une sirène ? Une sirène !!! Elle avait dit « une sirène ». Lucie avait mimé la nage d’une sirène qui voyage dans les profondeurs des eaux. La sirène, le mythe et non pas l’alarme. La créature mi femme mi poisson et non pas le cri strident d’une jeune femme qui coule coincée dans une voiture se croyant perdue. Amélie se perdit dans ses pensées gorgées de réflexions et parsemés de questions. Elle finit par s’endormir tard dans la nuit, épuisée. Son réveil fut un sursaut. Et bien que son radio-réveil retentissait une musique forte des années 80, il n’était en rien responsable de cette brusquerie soudaine. Amélie était en retard et même très en retard, Dieu sait qu’elle risquait fort de se faire
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houspiller par son patron lorsqu’elle arriverait à son travail. Quelques dizaines de minutes plus tard alors qu’elle croisait madame Pipain, la concierge, celle-ci se figea une minute bouche-bé. Devant ses yeux Amélie semblait changée, la tristesse s’était amoindrie et la concentration avait fait son apparition.
Madame Pipain ne fut pas la seule à le remarquer et une grande partie de l’entourage de la jeune femme constatèrent le changement d’attitude qui s’étalait déjà sur les jours suivants. Cependant, il n’était pas question d’en parler avec elle, de peur qu’elle ne revienne en arrière. Elle avait trop longtemps ignoré les remarques de sa famille et de ses amies sur cet état et tous avaient renoncé depuis. Au fil des jours, la mine renfrognée d’Amélie offrit quelques onces de sourire et ses jolis yeux bleus, bien qu’ils semblaient encore souvent ailleurs, avaient enfin abandonné leur grisaille. On était encore assez loin de la joie et du bien-être et même à cent mille lieux de l’espièglerie qui la caractérisait depuis son enfance mais il y avait enfin un peu de… positif. La route pour sortir de cette dépression masquée s’étalait devant ses pieds. Restait à savoir si Amélie avait envie d’y marcher et surtout, d’y avancer.
Lucie décida un jour de venir chercher son amie pour l’emmener avec elle en soirée et tous furent surpris qu’elle réussit son pari. Au fil des jours Amélie
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