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Le régime coopératif de l’Université de Sherbrooke
Apprendre à plein régime
Texte : Nicole Delfour
Recherche : Suzie Genest et Nicole Delfour

L’université n’a pas les pieds sur terre ? L’enseignement supérieur est trop
théorique ? À l’Université de She rbrooke, l’apprenti rédacteur a rendez-vous avec
la réalité du monde du travail. C’est en forgeant qu’on devient forgeron.
Au deuxième rang canadien pour l’importance de ses programmes et au cinquième en
Amérique du Nord, l’Université de Sherbrooke est pionnière dans le domaine des stages
rémunérés pour ses étudiants. Dès 1966, elle offre des stages en génie et en
administration des affaires. En 1992-1993, pour l’ensemble des programmes, 3181 stages
ont été effectués dans 415 entreprises.
En 1987, l’Université transforme le baccalauréat spécialisé en rédaction et recherche en
baccalauréat en études françaises. Les étudiants qui choisissent la formule majeure en
rédaction combinée à une mineure en communication peuvent profiter de stages en
rédaction-communication. La moitié du programme, qui s’étale sur une durée de 40 mois
consécutifs, y est consacrée : six sessions d’études et trois stages obligatoires. Cela veut
dire que les étudiants sont en formation 12 mois par année.

Pourquoi un stagiaire ?
Les employeurs accueillent des stagiaires pour différentes raisons. Certains y voient
l’occasion de trouver du sang neuf. « Cela stimule l’équipe d’employés en place »,
déclare Richard Roch, chargé de ...

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Le magazine de la rédaction professionnelle
n
o
1, 1996
Le régime coopératif de l’Université de Sherbrooke
Apprendre à plein régime
Texte : Nicole Delfour
Recherche : Suzie Genest et Nicole Delfour
L’université n’a pas les pieds sur terre ? L’enseignement supérieur est trop
théorique ? À l’Université de Sherbrooke, l’apprenti rédacteur a rendez-vous avec
la réalité du monde du travail. C’est en forgeant qu’on devient forgeron.
Au deuxième rang canadien pour l’importance de ses programmes et au cinquième en
Amérique du Nord, l’Université de Sherbrooke est pionnière dans le domaine des stages
rémunérés pour ses étudiants. Dès 1966, elle offre des stages en génie et en
administration des affaires. En 1992-1993, pour l’ensemble des programmes, 3181 stages
ont été effectués dans 415 entreprises.
En 1987, l’Université transforme le baccalauréat spécialisé en rédaction et recherche en
baccalauréat en études françaises. Les étudiants qui choisissent la formule majeure en
rédaction combinée à une mineure en communication peuvent profiter de stages en
rédaction-communication. La moitié du programme, qui s’étale sur une durée de 40 mois
consécutifs, y est consacrée : six sessions d’études et trois stages obligatoires. Cela veut
dire que les étudiants sont en formation 12 mois par année.
Pourquoi un stagiaire ?
Les employeurs accueillent des stagiaires pour différentes raisons. Certains y voient
l’occasion de trouver du sang neuf. « Cela stimule l’équipe d’employés en place »,
déclare Richard Roch, chargé de l’équipe de production et de diffusion de l’information à
Hydro-Québec. D’autres, plus simplement, comblent un besoin ponctuel de personnel en
embauchant des stagiaires. Ils évitent ainsi le recrutement de remplaçants pour la période
des vacances ou le recours à des pigistes. Les stagiaires, quant à eux, prennent contact
avec le milieu du travail et réorientent parfois leur choix de carrière. C’est ainsi que,
pendant son stage au journal interne
Liaison
de l’Université de Sherbrooke, Colette
Bibeau, étudiante en 1979 au baccalauréat spécialisé en rédaction française, a découvert
qu’elle n’était pas destinée au journalisme. « Je n’arrivais pas à bien fonctionner avec les
contraintes de temps qu’impose le métier. »
Les employeurs de la région de Sherbrooke et du reste du Québec sont au courant de
l’existence du programme. « Nous avons connu les stages coopératifs de l’Université de
Sherbrooke grâce aux démarches personnelles de son coordonnateur, M. Jean-René
Tétreault, auprès de la direction de la rédaction », indique Jacques Pronovost, rédacteur
en chef de
La Tribune
de Sherbrooke. Chez d’autres employeurs, tel Hydro-Québec, à
Montréal, l’embauche de stagiaires en rédaction-communication fait presque partie des
traditions. « Quand j’ai pris la direction du service des publications et des
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communications, en 1991, on utilisait déjà le système, et je n’ai pas cessé d’engager des
stagiaires depuis », dit Richard Roch.
Jean-René Tétreault, qui coordonne les stages depuis 11 ans, précise : « Pour ce qui est
des PME, le bassin des employeurs se renouvelle continuellement, car ils engagent selon
les besoins du moment. Nous avons aussi une liste d’employeurs qui embauchent
régulièrement, chaque saison. Il s’agit principalement des ministères et des agences du
gouvernement fédéral. » Mais l’information circule bien souvent de bouche à oreille.
Les employeurs se laissent-ils convaincre facilement ? « Il arrive parfois que, à la suite
d’une mauvaise expérience, une entreprise refuse d’entendre parler d’embauche de
stagiaires, reconnaît M. Tétreault. Mais c’est rare. De mon côté, je peux éliminer certains
employeurs quand le salaire proposé aux stagiaires n’atteint pas le minimum légal. »
Mais qu’est-ce que le système coopératif ? C’est un système qui intègre formation
universitaire et expérience en milieu de travail grâce à des stages. Le principal objectif est
de préparer l’étudiant à sa future profession. Les stages font donc partie intégrante de
l’enseignement. La formule diffère cependant sur plusieurs points de celle des stages
réguliers en place dans d’autres universités. Dans un stage régulier, l’établissement
d’enseignement est responsable du stagiaire, du contenu et de l’évaluation du stage, et le
stagiaire n’est pas rémunéré. Dans les stages de l’Université de Sherbrooke, le contenu
est déterminé par l’employeur, le stagiaire devient un employé à part entière, l’évaluation
est faite conjointement par l’employeur et le coordonnateur de stage, et l’entreprise verse
un salaire au stagiaire. Dans toutes les universités, cependant, l’étudiant doit se soumettre
aux règlements pédagogiques et administratifs de l’institution d’enseignement.
À l’Université de Sherbrooke, le coordonnateur de stage fait le lien entre l’université et le
milieu de travail ; il est la personne-ressource pour l’étudiant comme pour l’employeur.
C’est le chef d’orchestre du système. Il explique le régime coopératif aux étudiants et
s’occupe de contacter les entreprises susceptibles de fournir un stage aux étudiants. Il
organise les entrevues de sélection des stagiaires, aide les étudiants à se fixer des
objectifs de carrière et assure le suivi en cours de stage. À la fin des stages, le
coordonnateur fait avec l’étudiant le bilan de la formation acquise.
« Avant d’entreprendre son premier stage, l’étudiant doit avoir terminé trois sessions
d’études à temps plein et obtenu une moyenne cumulative de 2,5 sur 4,3 », précise Jean-
René Tétreault. L’annonce des stages se fait par affichage. Les employeurs intéressés
indiquent au coordonnateur leurs exigences, les responsabilités qu’ils entendent confier
aux stagiaires, les dates et la durée du stage. Les candidatures sont soumises aux
employeurs pour une présélection. Éventuellement, ils offriront des séances
d’information sur leur entreprise avant de faire passer des entrevues aux étudiants. Deux
des trois stages doivent par ailleurs être effectués dans la même société.
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Les appelés et les élus
« L’entrevue de sélection est l’étape la plus importante du processus, explique Jacques
Pronovost. À
La Tribune
, une première sélection s’effectue en soumettant les candidats à
un test de français écrit. À cette étape, un bon nombre de postulants ne se qualifient pas.
L’entrevue personnalisée nous donne les indications nécessaires sur la personnalité des
candidats, leur débrouillardise, leur capacité à poser des questions et leur rapidité à
répondre, leur jugement ainsi que leurs champs d’intérêt. L’entrevue de sélection permet
habituellement d’évaluer assez justement les candidats et leurs possibilités de réussir. »
Pour d’autres employeurs, l’entrevue est l’occasion de promouvoir leur entreprise et de
choisir les meilleurs stagiaires. C’est le cas de Richard Roch, d’Hydro-Québec. « Lors de
l’entrevue, je cherche à vendre mon stage. Je veux avoir des étudiants intéressés. Je veux
les meilleurs. Je vérifie leurs notes, la présentation de leur curriculum vitae, j’évalue leur
expérience. Je cherche quelqu’un de sociable, de débrouillard, qui est capable de
s’organiser, de fonctionner dans un milieu comme Hydro-Québec où il aura à côtoyer des
designers, des graphistes, des tempéraments d’artiste parfois difficiles à cerner. » Par la
suite, l’employeur indique au coordonnateur de stage quels candidats il aimerait avoir. De
son côté, l’étudiant cote les offres de stage.
Comment se fait la conciliation des stages ? « Tout d’abord, par sélection naturelle,
explique Jean-René Tétreault. Les étudiants et les employeurs qui se sont mutuellement
choisis sont jumelés. Ensuite, on procède par décompte mathématique des cotes
employeur/étudiant. La cote zéro signifie que l’étudiant ne correspond pas à ce que
recherche l’employeur, la cote un correspond au choix prioritaire, la cote deux, au
deuxième choix, etc. » Un employeur peut rejeter une candidature et, depuis 1995,
l’étudiant peut être mis au courant de la cote que l’employeur lui a attribuée. Il peut ainsi
connaître la valeur de son entrevue. Lorsque l’employeur ne déniche pas le stagiaire idéal
ou que l’étudiant ne trouve pas de stage à son goût, le coordonnateur procède à un
deuxième tour et peut demander à l’employeur de diminuer ses exigences. Si un étudiant
n’obtient pas de stage, il est réintégré dans le régime régulier des études.
L’automne dernier, toutes les demandes de stage ont été satisfaites. « Un énorme
progrès », dit Colette Bibeau, ancienne étudiante. Elle se souvient qu’en 1979, seulement
un étudiant sur six avait réussi à se placer. Pour bénéficier du régime coopératif, il fallait
donc avoir de très bons résultats. Les stages d’alors portaient essentiellement sur la
recherche et la rédaction. Les stages actuels sont surtout orientés vers la rédaction
technique, plus spécialement la révision et la réécriture.
Les stagiaires sont-ils bien préparés ? « Nous sommes toujours aussi étonnés de constater
jusqu’à quel point les étudiants sont peu préparés au travail quotidien en information,
raconte Jacques Pronovost. Cependant, ceux que nous retenons sont habituellement
excellents en français écrit, savent bien se présenter et ont les dispositions de base pour
l’entrevue. » Du côté des employeurs comme de celui des étudiants, on estime que
certains cours en communication devraient être donnés plus tôt dans la formation.
« J’aurais aimé avoir davantage de cours en communication avant d’entreprendre mon
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premier stage, déplore Jacinthe Bussières, étudiante en rédaction-communication de 1991
à 1994. Cela m’aurait permis de mieux répondre aux demandes de mon employeur en
matière de médias québécois et d’agences de presse. » En effet, les cours de la mineure
en communication ne peuvent être entrepris qu’à partir de la deuxième année et
chevauchent les stages. Jacques Pronovost, de
La Tribune
, remarque également que les
étudiants connaissent mal les dossiers d’actualité. « Dans l’ensemble, leurs connaissances
générales de l’actualité politique, sociale, économique sont insuffisantes. La majorité des
étudiants mettent l’accent sur des connaissances spécialisées en art et culture,
principalement dans le domaine de la musique populaire. C’est intéressant, mais c’est une
base plutôt faible quand vient le temps d’aborder les dossiers auxquels nous les affectons.
Dans leur formation, les stagiaires en communication devraient apprendre à mener des
entrevues, à comprendre de façon concise et claire ce qui leur est dit et à synthétiser le
tout dans des formats qui respectent les façons de faire générales des entreprises de
presse. »
Et le stage en lui-même, comment se déroule-t-il ? «
Il n’y a pas, à
La Tribune
, de
formateur à proprement parler, explique Jacques Pronovost. Les stagiaires de l’Université
de Sherbrooke sont considérés comme des journalistes surnuméraires en remplacement
des employés absents. Si, au début, ils reçoivent une formation sommaire, ils doivent
ensuite produire rapidement et apprendre "sur le terrain" auprès des journalistes et des
cadres en information auxquels ils répondent. Naturellement, nous devons estimer les
capacités de chacun, ses forces, ses faiblesses et vérifier la qualité du travail fourni avant
la publication. En deux ou trois semaines, les bons stagiaires deviennent performants, les
autres ne tiennent pas le coup très longtemps et abandonnent d’eux-mêmes. » D’ailleurs,
la motivation des étudiants à faire leur stage à
La Tribune
est très sérieusement évaluée
lors de l’entrevue de sélection.
La façon de faire est très différente chez Hydro-Québec. Richard Roch se voit comme un
formateur. « Certains étudiants ne craignent pas les critiques et en retirent quelque chose
de positif. D’autres ont de la difficulté à les accepter, mais, pour moi, cela fait partie de
l’apprentissage d’un bon rédacteur. Je passe beaucoup de temps avec le stagiaire.
J’estime qu’il doit bien connaître l’entreprise pour être efficace. Cela prend en général un
mois. Ensuite, il peut s’attaquer à son travail de rédacteur qui occupera 60 % de son
temps, le restant étant consacré à la révision. » Lors du deuxième stage, l’étudiant pilote
un dossier de A à Z, de la conception au produit fini.
Le stagiaire étant rémunéré, il doit devenir rapidement productif. De plus, il est soumis
aux règlements et conditions de travail de l’entreprise : il peut être congédié comme
n’importe quel employé et doit respecter la durée du stage. Le salaire reste à la discrétion
de l’employeur. Au gouvernement, les stagiaires sont rémunérés selon la grille de salaires
existante, dans les entreprises privées, selon la politique salariale, s’il y en a une. Jacinthe
Bussières touchait pour sa part entre 420 $ et 499 $ par semaine, en 1994.
Du point de vue géographique, « 39 % des stages ont lieu principalement dans la région
de Hull-Ottawa, affirme Jean-René Tétreault. C’est normal puisque les ministères et
agences du gouvernement fédéral s’y concentrent. Viennent ensuite la Montérégie
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(12 %), Montréal (14 %), Québec (12 %). Les autres stages sont dispersés à travers la
province. »
Durant ses trois années d’études, Jacinthe Bussières a remarqué que la majorité des stages
offerts portaient surtout sur la révision-correction et la rédaction de communiqués et de
documents internes. À Ottawa, plusieurs stages proposés par le gouvernement fédéral
impliquaient de la traduction et de la correction. Jacinthe Bussières déplore la rareté de
stages en journalisme et souligne la quasi-absence d’offres émanant d’entreprises privées
en communication.
Des améliorations possibles ?
Au fil des années, le contenu des cours du baccalauréat en études françaises (majeure en
rédaction et mineure en communication) a été renouvelé et réajusté en fonction des
besoins du marché du travail. Le but est toujours de former des professionnels
compétents, mais également des « généralistes » de la rédaction-communication. Le
marché est très concurrentiel et les étudiants doivent devenir des employés rentables dès
leur embauche. D’ailleurs, certains employeurs remarquent que les diplômés de
l’Université de Sherbrooke sont de mieux en mieux préparés et ont de meilleures
connaissances techniques.
Les employeurs voient-ils des améliorations possibles ? À
La Tribune
, Jacques Pronovost
insiste sur l’amélioration des connaissances générales de l’actualité régionale et
nationale. « Les apprentis stagiaires auraient avantage à lire les journaux, et
principalement celui dans lequel ils veulent faire leur stage, ne serait-ce que par déférence
pour leur employeur... De façon générale, ils devraient au minimum avoir été initiés aux
exigences de productivité des entreprises de presse qui demandent une écriture rapide et
bien faite du premier coup. » On se dit tout de même satisfaits du travail des stagiaires de
l’Université de Sherbrooke à
La Tribune
. « Ils sont parfois moins performants que les
remplaçants surnuméraires auparavant embauchés pour les périodes estivales, mais leur
motivation à apprendre compense parfois leur inexpérience et leur jeunesse. » Richard
Roch, de son côté, estime qu’on devrait « donner aux stagiaires de l’information sur les
étapes de fabrication d’un imprimé avant de les envoyer en stage ».
En général, les entreprises qui ont embauché des stagiaires y trouvent un avantage
financier, car leurs services coûtent moins cher que ceux des pigistes. En plus, les
étudiants apportent du sang neuf et cela stimule les équipes en place.
Les étudiants de leur côté sont très satisfaits. Ce qu’ils retirent d’un contact prolongé avec
le marché du travail ne peut être remplacé par aucun cours. Ils savent ce que signifient
travailler sous pression, rédiger en fonction des contraintes de divers médias, organiser et
planifier le travail. Ils notent cependant plusieurs inconvénients liés aux stages : le
programme est plus long de deux sessions, ce qui retarde leur accès au marché du travail,
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ils doivent déménager souvent, et l’alternance études-stages est parfois déroutante et
casse le rythme des études.
Quel avenir attend les futurs stagiaires en rédaction-communication de Sherbrooke ?
Jean-René Tétreault croit que « la situation économique actuelle favorise l’embauche de
stagiaires pour combler des besoins immédiats et ponctuels de l’entreprise. C’est
intéressant pour les étudiants, mais cela ne doit pas leur laisser croire qu’ils trouveront
facilement un emploi régulier à la fin de leurs études. L’avenir dans le domaine de la
rédaction est plus ouvert aux pigistes qu’aux salariés. »
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