Approche socio-linguistique de la situation de diglossie français-créole en Guadeloupe - article ; n°1 ; vol.37, pg 106-118
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Approche socio-linguistique de la situation de diglossie français-créole en Guadeloupe - article ; n°1 ; vol.37, pg 106-118

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Description

Langue française - Année 1978 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 106-118
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 65
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

G. Hazael-Massieux
Approche socio-linguistique de la situation de diglossie français-
créole en Guadeloupe
In: Langue française. N°37, 1978. pp. 106-118.
Citer ce document / Cite this document :
Hazael-Massieux G. Approche socio-linguistique de la situation de diglossie français-créole en Guadeloupe. In: Langue
française. N°37, 1978. pp. 106-118.
doi : 10.3406/lfr.1978.4854
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1978_num_37_1_4854Hazael-Massieux, Université de Provence. Guy
APPROCHE SOCIO-LINGUISTIQUE DE LA SITUATION
DE DIGLOSSIE FRANÇAIS-CREOLE EN GUADELOUPE
Parmi d'autres sujets d'étonnement, on peut, en Guadeloupe, relever
quelques situations tout particulièrement significatives : il n'est pas rare
de trouver en conversation deux personnes dont l'une utilise des formes
françaises, tandis que l'autre use du créole. Ce genre de dialogue peut se
rencontrer aussi bien dans l'échange de civilités que dans les relations
commerciales. Et souvent les Européens ayant contracté un mariage aux
Antilles se reconnaissent intégrés lorsque les domestiques n'hésitent plus à
poursuivre en créole une explication commencée en français. Ce qui fait
l'unité de ces anecdotes, c'est l'existence d'une communauté de locuteurs
caractérisée par l'emploi des formes qu'un observateur francophone non-
antillais serait tenté de classer en deux catégories : d'une part, celles qu'il
identifie comme françaises parce qu'il les reconnaît et croit les comprendre;
d'autre part, celles qui lui échappent parce que, une fois dépassée l'attitude
qui consiste à y voir du « petit nègre », du mauvais français, du français
« déformé ou adouci », il y voit un dialecte étranger; on range d'ordinaire
ce dialecte où surnagent des débris lexicaux à peine reconnaissables, sous
la rubrique « créole ».
La différence entre l'observateur et les personnes observées vient de ce
que celles-ci représentent les cas limites d'une communauté linguistique
dont la cohésion est manifestée par la volonté d'intelligibil'té mutuelle
plutôt que par l'unité évidente d'un système linguistique 1. L'importance
de cette volonté d'intelligibilité ressort d'autant mieux que nombre de
francophones non-antillais ne comprennent pas leurs interlocuteurs
créoles, mais aussi qu'en général les marchandes de pacotille de la Domin
ique qui se font comprendre en créole, ne comprennent pas le français.
Un voyage à travers l'archipel guadeloupéen ferait d'autre part découv
rir que même si l'on se plaçait dans la perspective d'un « système créole » 2,
on devrait tenir compte de la nature protéiforme de ce : entre le
créole à palatales arrondies des Saintes et de la Désirade et les variétés
1 . « Système » au sens que lui donne Saussure.
2. Phonologie et Phonétique du Créole de la Guadeloupe, par Guy Hazaël-Massieux, thèse de 3e cycle,
ronéotypée, non publiée, Université de la Sorbonně Nouvelle - Paris III, 1972.
106 populaires de Pointe-à-Pitre ou de Capesterre, on trouve une différence de
trois ou quatre voyelles dans l'inventaire des phonèmes. Certaines des îles
(Saint-Barthélémy par exemple) n'usent guère que d'un français régional
alors que d'autres (Marie-Galante v.g.) accordent une nette prédominance
au créole. On pourrait expliquer ces usages divergents par l'insularité et les
distances, la diversité des peuplements. Cependant, une commune origine
ethnique n'assure nullement l'identité de comportement des Saint-Barts et
des Saintois; la mer, comme en Grèce, est plus souvent pont, chemin qu'elle
n'est barrière 3; les structures administratives, les restes de l'époque colo
niale, les courants économiques enfin, maintiennent entre la Guadeloupe
et ses dépendances plus de liens qu'avec les îles anglophones voisines. En
fait on peut aussi dire que, comme entre les diverses couches sociales, entre
les divers groupes géographiques parlant des dialectes spécifiques, c'est
aussi la volonté d'intelligibilité mutuelle qui permet l'existence d'une com
munauté de locuteurs.
On pourrait étudier cette communauté comme ce que les travaux de
Decamp, Bailey, Le Page, Bickerton, etc. ont nommé «continuum»4. Mais
il semble difficile de décrire la situation de la Guadeloupe dans la perspect
ive d'une décréolisation (historique, sociologique ou géographique)
orientée vers le français qui en serait le terme et la cible, comme l'anglais
standard pour l'exemple guyanais de Bickerton. Toutes les variétés régio
nales du créole de Guadeloupe sont à des degrés divers susceptibles de
francisation lexicale ou syntaxique; mais les variétés caractérisées par leurs
palatales arrondies, quoique partageant ce trait avec ce que l'on a appelé
le « créole de salon » 5, ne sont pas nécessairement considérées comme
prestigieuses ou proches du français : on ne saurait les intégrer dans une
dynamique de la francisation.
La communauté de locuteurs que nous évoquons a d'ailleurs quelques
autres traits en commun. Outre un patrimoine de contes qui mêlent l'héri
tage de Perrault aux animaux mythiques (Lapin et Zamba) de l'Afrique 6,
on peut à l'occasion des veillées mortuaires entendre évoquer dans les devi-
3. Pointe-Noire (côte caraïbe de la Guadeloupe proprement dite) est jusqu'à 1960 restée plus acces
sible par la mer que par la route.
4. Cf. DeCamp (David), 1964, « Creole language areas considered as multilingual communities » in
Symposium on Multilingualism, Brazzaville, 1962, Commission de Coopération technique en Afrique,
publication n° 87, London.
DeCamp (David) : « Toward a generative analysis of a post-creole speech continuum » in Pidginization
and creolization of Languages, edited by Dell Hymes, Cambridge University Press, 1971, pp. 349-370.
Bailey (Beryl Loftman), « Jamaican créole. Can dialect boundaries be defined? » in and
■ Creolization of Languages, edited by Dell Hymes, University Press, 1971, pp. 341-342.
Le Page (Robert B) and De Camp (David) eds., Jamaican créole, Creole Language Studies I, pt 2, London,
I960, Mac Millan.
Bickerton (Derek), Dynamics of a créole system, Cambridge University Press, 1975.
5. L'expression « créole de salon » qui est reprise dans l'article de Ferguson cité ci-dessous, note (38)
a été utilisée à tort (même en Haïti) pour disqualifier comme non authentiques certaines variétés de créole à
palatales arrondies. Valdman note fort justement : « Urban varieties and some rural varieties of créole show
three additional vowels... » (Basic Course in Haitian Creole, Indiana University Publications, volume 5,
Language Science Monographs, p. 16).
6. Cf. par exemple Veillées guadeloupéennes. Quelques contes créoles recueillis par Madame Schont,
avec une note au lecteur de M. Charles Moynac. Publié à l'occasion du Tricentenaire des Antilles, Gouver
nement de la Guadeloupe et dépendances, 1935. Nous devons communication de ce texte à l'amabilité de la
Conservatrice de la B.U. du Centre Universitaire des Antilles-Guyane.
Cf. aussi : Contes de vie et de mort, par Joëlle Laurent et Ina Cesaire, Nubia, 50 bd de Port-Royal,
Paris 5e, 1977.
Cf. aussi : Phonologie et phonétique du créole de la Guadeloupe de Guy Hazaël-Massieux, déjà cité, t. III.
107 nettes tel ou tel écrivain célèbre de la littérature française 7. Cette culture
commune entraîne un « habitus » commun 8 ; il suffit de rappeler comment
lors de la crise politique de 1967, quelles que fussent les tensions ethniques
latentes, aucun Guadeloupéen, à l'exception d'un jeune sourd-muet n'a eu
à subir directement les violences de la rue; un geste, une injure, une phrase,
une intonation signifiaient valablement l'appartenance à un groupe divisé
mais qui ne voulait pas s'entredéchirer davantage.
L'étude d'une telle communauté (ensemble de ceux qui se compren
nent ou cherchent à se comprendre en français et/ou créole) est difficile.
Les descriptions traditionnelles rencontrent plusieurs obstacles. Si elles
partent de l'idée que le français est un système, elles concluent que le créole
en constitue un a

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