Attention, un cycle migratoire peut en cacher un autre !  - article ; n°1 ; vol.13, pg 177-189
14 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Attention, un cycle migratoire peut en cacher un autre ! - article ; n°1 ; vol.13, pg 177-189

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
14 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 1997 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 177-189
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christian Poiret
Attention, un cycle migratoire peut en cacher un autre !
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 13 N°1. pp. 177-189.
Citer ce document / Cite this document :
Poiret Christian. Attention, un cycle migratoire peut en cacher un autre ! . In: Revue européenne de migrations internationales.
Vol. 13 N°1. pp. 177-189.
doi : 10.3406/remi.1997.1539
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1997_num_13_1_1539Revue Européenne des Migrations Internationales, 1997 (13) 1 pp. 177-189 177
NOTE DE RECHERCHE
Attention, un cycle migratoire
peut en cacher un autre !
Remarques sur le volet noir-africain
de l'enquête de l'INED et de l'INSEE
Mobilité Géographique et Insertion Sociale.
Christian POIRET*
Les travaux quantitatifs concernant les populations africaines en France sont
extrêmement rares, et plus encore ceux qui, ne s'en tenant pas aux seuls ressortissants
de nationalité étrangère, prennent également en compte le critère d'origine, qui nous
semble être un facteur essentiel dans l'analyse des phénomènes de discrimination et de
ségrégation. C'est là un des principaux intérêts de l'importante enquête de l'INED et
de l'INSEE dirigée par M. Tribalat : Mobilité Géographique et Insertion Sociale1 . En
prenant pour objet les immigrés2 et leurs enfants, cette recherche se distancie de la
notion juridique de nationalité, tout à fait insuffisante à elle seule pour l'analyse des
relations inter-ethniques. De la sorte, elle ouvre la voie à la production de statistiques
longitudinales permettant de travailler sur des représentations sociales, sur des
* Sociologue, Unité de Recherche Migrations et Société (URMIS) : Université Paris 7, casier
7027, 2 pi Jussieu, 75251 Paris Cedex 05, France E-Mail : URMIS @paris7.JUSSIEU.FR
1 Les citations et les numéros de page que nous utilisons se réfèrent au rapport final de l'enquête
MGIS. Les principaux résultats de cette enquête ont fait l'objet de deux publications :
Tribalat (Michèle), Faire France. Une sur les immigrés et leurs enfants. Paris : La
Découverte, 1995.231p.
Tribalat (Michèle) [Riandey (O.), Simon (P.) collab.] De l'immigration à l'assimilation : enquête
sur les populations d'origine étrangère en France. Paris : La Découverte-INED, 1996.
2 Que les auteurs du rapport MGIS définissent comme les personnes, étrangères ou françaises
par acquisition, nées hors de France métropolitaine. 178 Christian POIRET
évolutions intergénérationnelles, notamment en termes de diminution ou
d'accentuation des inégalités, et sur la reproduction structurelle de la situation
minoritaire assignée à certains groupes. Pour la statistique publique française, c'est une
nouveauté. Cette première réalisation de grande ampleur a donc eu un large écho
médiatique et elle a alimenté un riche débat épistémologique au sein de la communauté
scientifique. Elle a aussi permis de remettre en question bien des idées préconçues
comme, par exemple, celles relatives à la prétendue « non-intégration » des populations
« maghrébines ».
Les interrogations des médias, des politiques et des institutionnels dans le
champ de l'immigration et des relations inter-ethniques, sont souvent marquées par un
certain fétichisme des chiffres. Ceux-ci sont d'autant sur- valorisés qu'ils interviennent
généralement comme la part « d'objectivité », la caution « scientifique », dans un débat
essentiellement idéologique. Parce que les sources alternatives sont rares et
fractionnées mais aussi, et peut-être surtout, parce que l'enquête Mobilité
Géographique et Insertion Sociale (MGIS) a été réalisée par des organismes chargés de
produire des statistiques officielles, ses résultats tendent à devenir des données de
référence, incontournables et rarement discutées. Pourtant, les passages concernant
l'immigration d'Afrique subsaharienne en France ne vont pas sans poser de nombreux
problèmes, tant en ce qui concerne la construction des catégories ethniques employées,
l'utilisation qui en est faite ou la vision d'ensemble de l'immigration africaine qui en
ressort.
LA CONSTRUCTION DES CATEGORIES ETHNIQUES
Le choix des mots utilisés a toujours un sens mais, dans un domaine à haute
charge idéologique, cette signification prend une importance particulière. Il n'est donc
pas indifférent que la notion revenant le plus fréquemment à propos des phénomènes
d'appartenance ethnique des Noirs Africains soit celle d'ethnie. Dans la seule page
d'introduction au chapitre du rapport MGIS consacré à l'immigration africaine (p. 514),
le mot « ethnie » revient sept fois sans qu'aucune distance ne soit prise vis-à-vis de
cette notion. On y apprend ainsi que, « concernant l'Afrique, les ethnies constituent
une réalité incontournable. Elles sont à la base de toutes les assises et fondements de
la culture africaine ». Cette assertion pour le moins discutable appelle donc un retour
sur cette notion et sa genèse.
Etymologiquement, le terme ethnie découle du radical grec ethnos qui, dans
l'antiquité, désignait les peuples n'ayant pas accédé à la polis, c'est-à-dire l'ordre de la
Cité-Etat « dans lequel le rapport social, pensé abstraitement et dégagé des liens
personnels ou familiaux, se définit en terme d'égalité, d'identité* ». La notion d'ethnie
apparaît au début du xixe siècle, lorsque les sciences sociales naissantes se dotent de
leur propre vocabulaire pour désigner les peuples « primitifs » qui vivent hors des
3 Vernant (J.P.), 1974, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, Maspéro, vol. 2, p. 116.
REMI 1997 (13) 1 pp. 179-189 un cycle migratoire peut en cacher un autre ! 179 Attention,
sociétés « historiques ». Sa carrière connaît un rebondissement à la fin du xixe siècle
avec son utilisation en référence aux théories raciales (J.A.Gobineau) qui débouche sur
la constitution d'une nouvelle discipline scientifique, l'anthropologie physique. Il
s'agit alors de compenser l'impuissance de la notion de race à rendre compte de la
diversité des groupes humains, et en particulier des processus de différenciation au sein
de populations considérées comme racialement homogènes, en usant d'une notion
d'ethnie à base essentiellement linguistique (F. de Saussure). L'ethnie va donc, dès son
origine, balancer entre le registre de la nature, du fait de ses fondements biologiques en
référence aux types raciaux, et celui de la culture en raison de sa volonté d'appréhender
des différences d'ordre linguistique et culturel.
Concept fondateur de l'ethnologie, la notion d'ethnie demeurera pourtant peu
centrale chez les fondateurs et les classiques de cette discipline qui lui préfèrent celles
de peuple ou de culture. Même après avoir été disjointe de ses fondements raciaux,
l'ethnie reste associée à une approche naturalisante des données de culture. Ce type de
groupement est globalement pensé par assimilation au modèle familial, comme
archétype du groupe d'appartenance, qui renvoie, à travers la problématique des
origines et de la filiation, à un modèle d'ordre biologique. Le recours métaphorique aux
notions de patrimoine, d'héritage ou de filiation pour fonder l'ethnie l'essentialisent,
par naturalisation ou par fixisme culturaliste tant et si bien qu'on peut dire avec Colette
Guillaumin4 que « le mot " ethnie " se présente actuellement comme un compromis
entre la croyance inconsciente en un déterminisme biologique des traits culturels et une
distance prise volontairement par rapport au mot " race " dont le sens biologique ne
laisse pas d'être désapprouvé ».
A la suite de Weber qui envisageait de « jeter par dessus bord le concept
général d'« ethnie » parce que c'est un terme fourre-tour », la plupart des auteurs lui
substituent donc d'autres termes dont l'histoire est moins chargée, moins
idéologiquement connotes et, de ce fait,' souvent plus précis. Ils distinguent ainsi les
groupes ethniques, les communautés ethniques, les catégories ethniques,
l'appartenance ethnique, l'adhésion ethnique, l'ethnicité, l'ethnicisation. Surtout,

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents