Berlin vu par les voyageurs français (1900-1939) - article ; n°1 ; vol.27, pg 27-42
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Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1990 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 27-42
Berlin as seen by French travelers (1900-1939), Cécile Chombard-Gaudin.
From 1909 to 1939, French travelers were both fascinated and frightened by Berlin. This city did not conform to the usual stereotypes of French representation of Germany, hovering between a Madame de Staël-type romanticism and a defensive attitude towards « Prussia ». Berlin, which had entered modernity with great assurance, already prefïgured a different Germany, young, dynamic, always wanting to outdo itself. These pre-1939 descriptions have taken on a certain topicality since the fall of 1989.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Cécile Chombard-Gaudin
Berlin vu par les voyageurs français (1900-1939)
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°27, juillet-septembre 1990. pp. 27-42.
Abstract
Berlin as seen by French travelers (1900-1939), Cécile Chombard-Gaudin.
From 1909 to 1939, French travelers were both fascinated and frightened by Berlin. This city did not conform to the usual
stereotypes of French representation of Germany, hovering between a Madame de Staël-type romanticism and a defensive
attitude towards « Prussia ». Berlin, which had entered modernity with great assurance, already prefïgured a different Germany,
young, dynamic, always wanting to outdo itself. These pre-1939 descriptions have taken on a certain topicality since the fall of
1989.
Citer ce document / Cite this document :
Chombard-Gaudin Cécile. Berlin vu par les voyageurs français (1900-1939). In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°27, juillet-
septembre 1990. pp. 27-42.
doi : 10.3406/xxs.1990.2259
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1990_num_27_1_2259BERLIN VU PAR
LES VOYAGEURS FRANÇAIS
(1900-1939)
Cécile Chombard-Gaudin
Berlin, excentrique ou au cœur de l'A y croire, de trouver dans les comparaisons
llemagne ? Symbole de l'Allemagne de entre la France et l'Allemagne des raisons
Goethe ou de la Prusse caporalisée ? de se rassurer et de conforter la victoire,
Mieux encore : un lieu unique, une inmais aussi la volonté de tirer les leçons de
vention perpétuellement jeune, où l'on la supériorité allemande.
pourrait apprendre à lire une Allemagne
O BERLIN à venir en pleine action ? Ces questions
NE SAURAIT ÊTRE L'ALLEMAGNE des voyageurs français d'avant 1939 ont
pris une singulière résonance depuis l'a Les Français qui visitent la capitale all
utomne de 1989. emande au début du siècle ont des réactions
à première vue très paradoxales : ils récusent
Entre le souvenir cuisant de la guerre souvent la représentativité de la ville par
rapport au reste de l'Allemagne — Berlin, de 1870 et la déclaration de
c'est la Prusse — mais ils en font malgré de 1939, en passant par la Grande
guerre et la montée du nazisme, quelle image tout le symbole du pays et extrapolent leurs
de Berlin se sont forgée les Français ? Berlin constatations à l'ensemble du territoire. Ce
capitale de l'Allemagne, mais surtout clivage, que nous essaierons de relier à une
la prussienne : l'histoire a fourni tous les certaine tradition française, entre ce que
éléments pour que jaillissent des jugements devrait être une véritable capitale allemande
(en tout cas ce que souhaiteraient les Françpassionnels, à l'emporte-pièce, et la passion
se mêle souvent à l'analyse, les commentaires ais) et la réalité berlinoise, reflète les sen
apparaissent très ambigus, marqués tout à timents très mêlés des observateurs français,
la fois de fascination et de rejet, d'inquiétude dès avant la première guerre mondiale.
et de légèreté, d'aveuglement et de lucidité. Ainsi, en 1909, Jules Huret, après avoir
Le « voyage à Berlin » est un genre bien parcouru le Rhin et la Westphalie, visite
représenté dans la presse (en particulier dans Berlin où il réside plusieurs mois : même
les périodiques) sous forme de grands r les Allemands, écrit-il, ne considèrent pas
Berlin comme leur vraie capitale. La réféeportages parfois ensuite édités en livre. Il y
avait une demande manifestement forte du rence à l'opinion allemande se retrouve dans
public français, dont les motivations étaient un ouvrage de Paul Colin paru en 1923 et
sans doute assez troubles : désir de revanche qui se réfère à un séjour effectué en All
emagne entre 1918 et 1921 : «A Berlin, je après 1870 et, après 1918, l'espoir, sans trop
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ne connais personne, même parmi les Ber métiers d'art. La matière pour la semaine,
linois, qui parle de lui avec sympathie. Il et le rêve pour le dimanche ».
conjugue tous les défauts de l'Allemagne ». En février 1930, La Revue d'Allemagne
« L'âme traditionnelle et saine de l'All publie ainsi un significatif dialogue entre un
emagne n'a aucune place dans cette Babel Français et un Allemand, intitulé « Puzzle
orageuse... » « Toute l'Allemagne vit sur un berlinois » :
patrimoine de croyances, de souvenirs et « — (Berlin) est devenue, presque sans tran
d'habitudes — voire de légendes — sur le sition, une grande cité de classe internationale.
plan d'une foi et de mœurs séculaires, tandis — Vous voulez dire qu'elle est excentrique
qu'à Berlin on ne remonte jamais plus haut par rapport à l'Allemagne elle-même ?
que les " inoubliables grands-pères " ». — Précisément. Elle n'est pas encore la ca
pitale de l'Allemagne... Pierre Mac Orlan le poète a peut-être trouvé
— Ainsi, pour parler allemand, Berlin est l'expression juste : « Berlin est plus le cerveau
devenue une Weltstadt avant d'être une Hauptstde l'Allemagne que son cœur ».
adt ? ». Les journalistes français, à l'occasion, se
réjouissent de pouvoir citer des confrères
Le Berlinois n'échappe pas à ces critiques : allemands qui dénoncent l'usurpation ber un « Prussien », dépeint comme détesté dans
linoise et protestent contre le centralisme le reste du pays et qui, en vacances, arbore grosspreussische : « L'Allemagne de l'Ouest de ridicules tenues de « faux montagnards », n'a rien à attendre de la Prusse sinon des « odieux touristes venus du Nord », empli
préjudices, sinon le fléau de sa bureauc d'un « orgueil outrecuidant » (M. Henry). ratie envahissante... La Prusse, comme une
Toutes les épithètes péjoratives défilent sous sangsue, suce les ressources de la vieille
la plume : arrogant, prétentieux, pingre, bête, Allemagne tout en empêchant aucune r
désagréable, bourru, discuteur, hargneux, éforme du Reich » (traduit de Y Allgemeine parlant haut. Au mieux donne-t-on acte au Rundschau, cité dans L 'Illustration, 17 décem
« plébéien » qu'il n'est pas antipathique et bre 1932). possède une gouaille presque « parisienne ».
Très explicite, Ferdinand Bac intitule son Heine est appelé à la rescousse avec un
ouvrage de 1929 Voyage à Berlin. La fin de poème de 1825 où, dépeignant les Berlinois, l' Allemagne romantique. C'est donc une réfé
il écrit :
rence à l'Allemagne mise à l'honneur par
Madame de Staël et les romantiques du 19e « On dirait qu'ils ont avalé le bâton
Avec lequel on les rossait autrefois ». siècle. Berlin capitale, aux yeux de F. Bac,
c'est « une des plus grandes anomalies de
L'empereur est le premier visé : « Guill'histoire européenne ». Ce « misérable vil
laume II ne perdit jamais de vue l'embellilage slave, couché encore dans des marécages
ssement de Berlin, qu'il voulut rendre digne à l'époque de Louis XIV », « cette ville, la
de lui. Il s'y emploie avec le manque de moins allemande de la Germanie », « ce
tact, l'absence de goût, l'outrecuidance et la champignon de marais », lui apparaît comme
vanité ridicule qui le caractérisent... Il suffit un usurpateur.
que l'empereur distingue un artiste pour que Comme d'autres, F. Bac relève que, par
toute l'Allemagne soit fixée sur sa non- une curieuse ironie du sort, c'est à des
valeur » (M. Henry). Français que Berlin doit cette promotion
aussi inattendue qu'imméritée. Chassés par O L'EMBLÈME DE L'ALLEMAGNE la Révocation de l'Edit de Nantes, ce sont
en effet les protestants « qui lui firent dé Certes, Berlin n'est pas l'Allemagne, mais
couvrir la civilisation moderne, ses arts mi tout se passe comme si l'Allemagne était
devenue Berlin. En novembre 1914 (il faut litaires, ses inventions scientifiques, ses
28 BERLIN VU PAR LES VOYAGEURS FRANÇAIS
bien sûr tenir compte de la date), l'abbé C'est donc sur un arrière-fond très ambigu
Wetterlé, ancien député au Reichstag et à et plein de contradictions que se situent les
la Chambre d'Alsace-Lorraine, écrit ainsi réactions des Français qui visitent Berlin, et
dans La Revue hebdomadaire : il n'est alors pas surprenant que leurs t
émoignages soient marqués à la fois par la

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