Commerce et politique : Préparation et négociation du traité franco-russe de 1787 - article ; n°3 ; vol.4, pg 230-257
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1963 - Volume 4 - Numéro 3 - Pages 230-257
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

J. L. van Regemorter
Commerce et politique : Préparation et négociation du traité
franco-russe de 1787
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 4 N°3. pp. 230-257.
Citer ce document / Cite this document :
Regemorter J. L. van. Commerce et politique : Préparation et négociation du traité franco-russe de 1787. In: Cahiers du monde
russe et soviétique. Vol. 4 N°3. pp. 230-257.
doi : 10.3406/cmr.1963.1548
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1963_num_4_3_1548COMMERCE ET POLITIQUE : PRÉPARATION
ET NÉGOCIATION DU TRAITÉ FRANCO-RUSSE
DE 1787
Depuis la visite de Pierre le Grand à Paris, la diplomatie française
recherchait la conclusion d'un traité de commerce avec la Russie : à
peu près toutes les instructions aux ambassadeurs faisaient mention de
cet objectif. Mais au cours du xvine siècle, la conjoncture politique
avait la plupart du temps réduit ce projet à l'état de vœu pieux. C'est
seulement pendant le bref rapprochement provoqué par la guerre de
Sept ans qu'une véritable négociation s'était engagée à Saint-Péters
bourg ; elle avait même abouti en 1761 à la rédaction complète d'un
projet français et d'un contre-projet russe. La mort d'Elisabeth et le
refroidissement des relations qui s'ensuivit ajournèrent la conclusion,
et il fallut attendre l'année 1779 pour retrouver un concert franco-russe
dans les affaires d'Allemagne et de Turquie. Aussitôt, sans envisager
une négociation immédiate à cause de la guerre d'Amérique, Ver-
gennes entreprit de la préparer soigneusement en rassemblant une
abondante documentation sur le commerce de Russie et en encoura
geant les sondages du chargé d'affaires à Saint-Pétersbourg, le chevalier
de Corberon. Dès cette époque, les principes directeurs de la politique
française dans ce domaine étaient clairement définis ; mais la paix avec
l'Angleterre, contrairement aux espoirs du ministre, ne put coïncider
avec l'ouverture de pourparlers franco-russes : la crise orientale mar
quée par l'annexion de la Crimée éloignait à nouveau les deux Cours
l'une de l'autre. Quand Ségur arriva à Pétersbourg en avril 1785, les
relations officielles étaient si tendues que Vergennes n'osait espérer une
négociation prochaine. Pourtant, dès le mois de mai, le ministère russe,
qui songeait au renouvellement prochain du traité anglo-russe de 1766
et n'était pas fâché d'exercer une pression sur les Anglais en entamant
des conversations parallèles avec la France, faisait des ouvertures
discrètes : non sans réserve de part et d'autre, les pourparlers s'en- LE TRAITÉ FRANCO-RUSSE DE I787 231
gagèrent en juillet, pour n'aboutir que le n janvier 1787 (nouveau
style), alors que Ségur commençait à désespérer de jamais conclure.
Dans ses Mémoires, Ségur attribue cette lenteur au tempérament
nonchalant des ministres russes et surtout à leur partialité en faveur
de l'Angleterre. Mais à voir le peu d'empressement que les deux parties
avaient mis avant d'entamer une négociation véritable, alors que
le premier traité de commerce anglo-russe était signé dès 1734, on se
prend à douter que le traité franco-russe ait répondu à une exigence
très pressante des intérêts économiques, en dépit des formules déclamat
oires sur la complémentarité idéale des deux économies. Non que la
revendication en fût absente : la nécessité d'un traité était même en
France un lieu commun dès qu'il s'agissait du commerce de Russie.
Mais l'absence d'un traité était-elle vraiment un frein réel ou, plus
simplement, un alibi commode pour masquer d'autres carences ? Les
gouvernements savaient à quoi s'en tenir, même si, dans le jeu des
pourparlers, ils feignaient de croire à la réalité de certains mythes
pour mieux faire valoir des concessions qui ne leur coûtaient guère et en exiger d'autres qui leur importaient beaucoup : la correspon
dance entre Vergennes et Ségur du côté français, les lettres particulières
de Bezborodko1 et des frères Voroncov2 du côté russe, dévoilent la
pensée réelle des négociateurs, habilement travestie dans les notes et
les projets officiels. Ces documents nous éclairent du même coup sur les
arrière-pensées politiques des deux parties, sur la méfiance mutuelle qui
exagérait la signification du moindre retard, mais aussi sur les objectifs
plus lointains qui donnaient à la négociation son importance réelle,
pour les négociateurs eux-mêmes comme pour les observateurs étran
gers. En fait, par le biais de discussions en apparence techniques,
l'ensemble des rapports franco-russes était en cause, à un moment où,
suivant l'attitude adoptée par Catherine II en face de l'Empire otto
man, ils pouvaient soit revenir à une hostilité déclarée, soit déboucher
sur une alliance formelle.
II est difficile de connaître le volume réel des échanges entre la
France et la Russie vers 1785, et les contemporains eux-mêmes, en
s'appuyant sur des sources officielles, aboutissaient à des conclusions
contradictoires : selon les Russes, qui se fiaient aux déclarations faites à
la Douane, la balance commerciale était largement favorable à la
France. A quoi les négociants français de Pétersbourg répliquaient que
1. Chargé en fait des Affaires Étrangères. Le Vice-Chancelier Osterman
n'avait qu'une influence médiocre.
2. Alexandre Romano vič, Président du Collège de Commerce ; Semën Roma-
novič, ministre de Russie à Londres. A la différence des trois précédents, il ne
faisait pas partie de la délégation russe, mais ses avis étaient très écoutés. 232 J. L. VAN REGEMORTER
les exportations russes vers la France étaient largement sous-estimées,
parce que les expéditeurs déclaraient en général des destinations
simulées. Partant de ce point de vue pour expliquer les divergences
entre les statistiques des deux pays, Calonne évaluait ainsi les échanges
directs entre la France et la Russie en 1785х :
Importations françaises de Russie 6 412 329 livres
Exportations en 5 485 675
L'historien soviétique Tarlé, qui a le premier attiré l'attention sur ce
document, en admettait la conclusion générale, tout en faisant des
réserves sur la précision des chiffres2. Mais comme le remarquait très
justement Ségur à propos de cette même source : « M. de Calonne n'a
eu connaissance que des marchandises qui se sont écoulées par la voie
directe et légale, tandis que la majeure partie de nos exportations
pour la Russie sort de la France sous une destination masquée, soit l'Allemagne, soit pour la Pologne et entre frauduleusement en
Russie »3. Sans doute admettait-il une cause d'erreur symétrique en
sens inverse, mais il serait téméraire de supposer que les erreurs se
compensaient, ne serait-ce qu'à cause de la contrebande, beaucoup
plus active en Russie qu'en France en raison des prohibitions et des
droits élevés sur les produits manufacturés. La thèse de Ségur, qui
admettait une balance favorable à la France, paraît donc plus plausible,
bien qu'on ne puisse en avoir une confirmation même indirecte par
la balance des comptes, les paiements entre Paris et Pétersbourg se
faisant par l'intermédiaire d'Amsterdam.
L'absence de change direct n'était que le reflet d'une situation
reconnue et déplorée par tous les observateurs : la faible part du
commerce direct dans les échanges franco-russes. D'après le Bureau
de la Balance du Commerce, le mouvement de la navigation entre la
France et la Russie ne s'élevait en 1785 qu'aux chiffres suivants4 :
Entrée en France des bâtiments chargés . . 140 bâtiments : 24 892 tonneaux
Sortie de des . . 74 : 14 391
Une partie des vins et des eaux-de-vie françaises exportées pour la
Russie faisaient une escale intermédiaire pendant l'hiver dans les
ports de Hollande, ce qui entraînait un surcroît de frais et parfois une
falsification de la qualité. En sens inverse, les munitions navales ache-
1. Lettre de Calonne à Vergennes, 25 avril 1786, Arch. Nat. F12 1835.
2. E. Tarlé, La Russie de Catherine II était-elle un pays arriéré du poi

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