Construction de l État et conflits de nationalismes au Soudan - article ; n°1 ; vol.68, pg 87-98
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1993 - Volume 68 - Numéro 1 - Pages 87-98
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 20
Langue Français
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Extrait

Christian Delmet
Construction de l'État et conflits de nationalismes au Soudan
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°68-69, 1993. pp. 87-98.
Citer ce document / Cite this document :
Delmet Christian. Construction de l'État et conflits de nationalismes au Soudan. In: Revue du monde musulman et de la
Méditerranée, N°68-69, 1993. pp. 87-98.
doi : 10.3406/remmm.1993.2557
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1993_num_68_1_2557Christian Delmet
CONSTRUCTION DE L'ETAT ET CONFLITS
DE NATIONALISMES AU SOUDAN
dernière le Nord Les difficultés et contribua le Sud, de ont largement la souvent construction à été la mis coupure de l'Etat au compte du soudanais, pays de la en politique et deux, plus précisément mais coloniale les choix britannique. le conflit politiques persistant Certes et idéoloentre cette
giques des gouvernements après l'indépendance (1956) ont aggravé la situation. Depuis 1991 l'unité
nationale est à nouveau mise en question, rendant plus que jamais nécessaire la recherche d'une consti
tution et d'institutions compatibles avec les aspirations des diverses communautés dont certaines non-
musulmanes vivant au Nord-Soudan : Nuba, Ingessana, Burun, Uduk, sont pour la première fois
impliquées directement dans le conflit provoqué par la remise en cause, en 1983, du statut particul
ier "accordé" en 1972 à la région Sud, et celle des institutions laïques du pays dans son ensemble.
Le Soudan : une unité tardive et fragile
Les frontières méridionales du Soudan lui ont été données par les Turco-Egyptiens après 1839.
Le Sultanat de Sennar (1504-1821) n'avait jamais contrôlé le Sud au-delà du 10e parallèle, ni même
la vallée du Nil Blanc en amont de Renk. A partir de 1850-60 les populations du Bahr El-Ghazal,
du Haut-Nil et d'Equatoria furent victimes de la traite qui se poursuivit pendant la Mahdiya (1881-
1899). L'arrivée des Anglo-Egyptiens en 1899 ne rencontra cependant pas l'adhésion de ces tr
ibus décidées à préserver leur liberté. Alors que le Soudan arabo-musulman retrouvait rapidement
la "paix", le Sud demeura sous administration quasi-militaire dans beaucoup de régions dont cer
taines ne furent "pacifiées" qu'à la fin des années 1920. Les expéditions punitives furent nombreuses
contre les Nuer, Dinka, Anuak... (M. Daly, 1986 : 142-151), rebelles à exécuter les corvées et
payer les impôts exigés par un colonisateur qui s'empara de ce territoire pour empêcher Français
ou Belges de s'y installer et de constituer une "menace pour la sécurité" de la vallée du Nil et de
l'Egypte, et qu'il ouvrit avec réticence (M. Daly, 1986 : 252-59) aux missionnaires qui y avaient
déjà officié entre 1846 et 1860.
RE.M.M.M. 68-69, 1993/2-3 88 / Christian Delmet
Après les mutineries de 1924, l'idée d'une partition fit son chemin. Les prétextes ne manquaient
pas : il n'y avait rien de commun entre les deux mondes, il fallait mettre un terme aux activités des
derniers esclavagistes..., mais surtout il importait de "protéger" le Sud de la contagion nationaliste.
La création en 1917 d'un corps d'armée composé uniquement de recrues sudistes (Equatoria
Corps), ainsi que le choix de l'anglais comme langue officielle en 1918, avaient anticipé cette
politique. L'"Indirect rule" adoptée après 1921 impliquait la "préservation" des cultures et l'util
isation des hiérarchies politiques et sociales indigènes. En 1922, le "Passports and Permits ordinance"
autorisa le gouverneur-général à interdire ou limiter l'accès de toute région à quiconque n'en serait
pas originaire, à lui interdire d'y commercer et d'y recruter de la main-d'œuvre. Le "Closed Dist
ricts Order" (1922) interdit le libre accès au Darfur, à l' Equatoria, au Haut-Nil, et à certaines
zones du Blue Nile, et de Kassala. Le "Permits to Trade Order" (1925) interdit aux Nordistes de
pratiquer le commerce dans le Sud.
Après 1945, les Britanniques révisèrent leur politique en fonction de l'évolution de l'Egypte :
la réunification du pays rendrait plus difficle l'action des partisans de l'unité de la vallée du Nil.
En juin 1946, Robertson, Civil Secretary, prit le parti d'une seule future assemblée législative pour
tout le Soudan :
"The policy of the Sudan Government regarding the Southern Sudan is to act upon the fact that the
peoples of the Southern Sudan are distinctly African and Negroid but that geography and economics
combine... to render them inextricably bound for future development to the Middle Eastern and ara-
bicised Northern Sudan : and therefore to ensure that they should, by educational and economic
development, be equipped to stand up for themselves in the future as socially and economically the
equals of their partners in the Sudan of the future." (M. O. Beshir, 1968 : 62-63 et 1 19-121)
Lors de la conférence de Juba qui eut lieu quelques mois plus tard, en 1947, les Sudistes expri
mèrent leurs craintes quant à ce rapprochement précipité. Il fallait se donner le temps de rétablir
la confiance et de former les élites indispensables à la défense des intérêts du Sud dans le cadre d'un
Soudan uni. Mais Britanniques et Nordistes avaient déjà pris leur décision : l'administration sépa
rée était supprimée et le Sud allait devoir envoyer ses représentants à la future Assemblée législa
tive à Khartoum en 1948.
Les entraves aux mouvements des personnes et au commerce furent levées, l'égalité des salaires
établie dans la fonction publique. La première école gouvernementale fut ouverte en 1946. Des pro
jets économiques furent lancés. Mais il était déjà trop tard pour combler le retard accumulé depuis
le début du siècle. Pour le seul Sudiste de la commission de treize membres chargée de préparer la
future constitution du pays en 1951, une fédération était la seule garantie contre tout "dérapage"
de ce "mariage forcé". D n'en était pas question. Seul fut retenu le principe de la "protection des
intérêts du peuple du Sud-Soudan". L'Assemblée législative proposa la formule également vague :
"le gouverneur général a la responsabilité d'assurer un juste et équitable traitement à tous les habi
tants des diverses provinces du Soudan". La même année les partis nordistes déposèrent une motion
revendiquant l'indépendance. Les représentants du Sud s'abstinrent car ils étaient convaincus que
cela ne pourrait déboucher que sur une nouvelle forme de colonisation par le Nord.
En janvier 1953 les partis politiques nord-soudanais se mirent d'accord avec les Egyptiens,
puis avec les Anglais sur l'indépendance du Condominium. Aucune allusion ne fut alors faite au
système fédéral demandé par les Sudistes. Le gouvernement de transition formé en 1954 après l'élec
tion [boycottée dans le Sud] d'un premier Parlement, procéda à la soudanisation de l'administraet de l'armée. Faute de personnels qualifiés et par la volonté des Nordistes, les Sudistes furent
quasiment exclus : six postes seulement sur huit cents leur revinrent.
La révolte de la troupe et de la police à Torit et dans d'autres villes du Sud en août 1955 coûta
la vie de cinq cents officiers et commerçants arabes. La répression qui s'ensuivit entraîna la nais
sance des premiers groupes rebelles. Construction de l'État et conflits de nationalismes au Soudan/ 89
Lors du vote final en décembre 1955, les députés sudistes se rallièrent néanmoins au choix de
l'indépendance à la condition de la mise en place d'un Etat fédéral. Ce qui fut accepté à l'unani
mité, mais en des termes peu contraignants :
"The demand by the Southern MPs for a federal status shall be given full consideration by the Consti
tuent Assembly."
Cette promesse fut immédiatement oubliée et tous les efforts pour la faire inscrire dans le pro
jet de constitution restèrent vains.
Le Soudan indépendant
et la question du Sud
Pour les premiers gouvernements du Soudan indépendant, la construction de la Nation ne pou
vait se faire qu'au moyen d'une forte centralisation et par l'unification culturelle. L'islamisation
du Sud aurait suivi un cours progressif si les Britanniques n'y avaient mis obstacle. Le modèle arabo-
musulman qui a

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