Contes bruns par Honoré de Balzac
125 pages
Français

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Description

Contes bruns par Honoré de Balzac

Informations

Publié par
Publié le 08 décembre 2010
Nombre de lectures 243
Langue Français

Extrait

The Project Gutenberg EBook of Contes bruns
by Honoré de Balzac, Philarète Chasles et Charles Rabou
This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.net
Title: Contes bruns
Author: Honoré de Balzac, Philarète Chasles et Charles Rabou
Release Date: April 3, 2004 [EBook #11766]
[Date last updated: September 15, 2004]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CONTES BRUNS ***
Produced by Tonya Allen, Renald Levesque and PG Distributed Proofreaders
CONTES BRUNS.
Par
Honoré de Balzac,
Philarète Chasles
et Charles Rabou
MDCCCXXXII.
[Note du transcripteur: Ce text utilise l'orthographe du XIXe siècle: siège = siége, complètement =
complétement, âme = ame, savants = savans, documents = documens, etc.]
UNE CONVERSATIONENTRE ONZE HEURES ET MINUIT.
Je fréquentais l'hiver dernier une maison, la seule peut-être où maintenant, le soir, la
conversation échappe à la politique et aux niaiseries de salon. Là viennent des artistes, des
poètes, des hommes d'état, des savans, des jeunes gens occupés de chasse, de chevaux, de
femmes, de jeu, ailleurs, de toilette, mais qui, dans cette réunion, prennent sur eux de dépenser
leur esprit, comme ils prodiguent ailleurs leur argent ou leurs fatuités.
Ce salon est le dernier asile où se soit réfugié l'esprit français d'autrefois, avec sa profondeur
cachée, ses mille détours, sa politesse exquise. Là vous trouverez encore quelque spontanéité
dans les coeurs, de l'abandon, de la générosité dans les idées. Nul ne pense à garder sa
pensée pour un drame, ne voit des livres dans un récit. Personne ne vous apporte le hideux
squelette de la littérature, à propos d'une saillie heureuse ou d'un sujet intéressant.
Pendant la soirée que je vais raconter, le hasard, ou plutôt l'habitude, avait réuni plusieurs
personnes auxquelles d'incontestables mérites ont valu des réputations européennes. Ceci n'est
point une flatterie adressée à la France; plusieurs étrangers étaient parmi nous; et, par cas fortuit,
les hommes qui brillèrent le plus n'étaient pas les plus célèbres. Ingénieuses réparties,
observations fines, railleries excellentes, peintures dessinées avec une netteté brillante,
pétillèrent et se pressèrent sans apprêt, se prodiguèrent sans dédain comme sans recherche,
mais furent délicieusement senties, délicatement savourées. Les gens du monde se firent surtout
remarquer par une grâce, par une verve tout artistiques.
Vous trouverez ailleurs, en Europe, d'élégantes manières, de la cordialité, de la bonhomie, de la
science; mais à Paris seulement, dans ce salon et dans quelques autres encore, se rencontre
l'esprit particulier qui donne à toutes ces qualités sociales un agréable et capricieux ensemble,
je ne sais quelle allure fluviale qui fait facilement serpenter cette profusion de pensées, de
formules, de contes, de documens historiques. Paris, capitale du goût, connaît seul cette science
qui change une conversation en une joute, où chaque nature d'esprit se condense par un trait, où
chacun dit sa phrase et jette son expérience dans un mot, où tout le monde s'amuse, se délasse
et s'exerce.
Aussi, là seulement, vous échangerez vos idées, là vous ne porterez pas, comme le dauphin de
la fable, quelque singe sur vos épaules; là vous serez compris, et vous ne risquerez pas de
mettre au jeu des pièces d'or contre du billon; là, des secrets bien trahis; là, des causeries
légères et profondes ondoyent, tournent, changent d'aspect et de couleurs à chaque phrase. Les
critiques vives, les récits pressés abondent; les yeux écoutent; les gestes interrogent; la
physionomie répond; tout est esprit et pensée.
Jamais le phénomène oral qui, bien étudié, bien manié, fait la puissance de l'acteur et du
conteur, ne m'avait si complétement ensorcelé; je ne fus pas seul soumis à ces doux prestiges;
nous passâmes tous une soirée délicieuse.
Entre onze heures et minuit, la conversation, jusque là brillante, antithétique, devint conteuse,
elle entraîna dans son cours précipité de curieuses confidences, plusieurs portraits, mille folies.
Un savant, avec lequel je fis de conserve la route de la rue Saint-Germain-des-Prés à
l'Observatoire royal, regarda cette ravissante improvisation comme intraduisible; mais, dans ma
témérité de disputeur, je m'engageai presque à reproduire les plaisirs de cette soirée, moins poursoutenir mon opinion que pour donner à mes émotions la vie factice du souvenir, la distance qui
se trouve entre la parole et l'écrit. Mais en voulant tâcher de laisser à ces choses leur verdeur,
leur abrupte naturel, leurs fallacieuses sinuosités, j'ai pris la conversation à l'heure où chaque
récit nous attacha vivement. S'il fallait peindre le moment où tous les esprits luttèrent, où toutes
les opinions brûlèrent, où la pensée imita les gerbes éblouissantes d'un feu d'artifice, cette
entreprise serait une folie, et une folie ennuyeuse peut-être.
Donc, représentez-vous assises autour d'une cheminée, dans un salon élégant, une douzaine
de personnes dont toutes les physionomies, plus ou moins tourmentées, plus ou moins belles,
expriment des passions ou des pensées. Trois femmes aimables, bien mises, gracieuses, dont
la voix était douce, présidaient cette scène, à laquelle aucune séduction ne manqua, pour moi,
du moins. A la lueur des lampes, quelques artistes dessinaient en écoutant, et souvent je vis la
sépia se sécher dans leurs pinceaux oisifs. Le salon était déjà par lui-même un tableau tout fait,
et plus d'un peintre se trouvait là, capable de le bien exécuter.
Nous fûmes redevables à un vieux militaire de la tournure que prit la conversation. Il venait
d'achever une partie dans un salon voisin, et lorsqu'il se planta tout droit devant la cheminée, en
relevant les deux pans de son habit bleu, l'une des dames lui dit:
—Eh bien! général, avez-vous gagné?...
—Oh! mon Dieu non... Je ne puis pas toucher une carte...
Même question faite à quelques joueurs qui songeaient sans doute à s'évader, il se trouva,
comme toujours, que tout le monde avait à se plaindre du jeu.
Récapitulation savamment faite, il advint qu'un sculpteur qui, à ma connaissance, avait perdu
vingt-cinq louis, fut atteint et convaincu d'avoir gagné six cents francs.
—Bah! les plaies d'argent ne sont pas mortelles... dit mon savant, et tant qu'un homme n'a pas
perdu ses deux oreilles...
—Un homme peut-il perdre ses deux oreilles? demanda la dame.
—Pour les perdre il faut les jouer... répondit un médecin.
—Mais les joue-t-on?...
—Je le crois bien!... s'écria le général en levant un de ses pieds pour en présenter la plante au
feu.
J'ai connu en Espagne, reprit-il, un nommé Bianchi, capitaine au 6e de ligne,—il a été tué au
siége de Tarragone,—qui joua ses oreilles pour mille écus. Il ne les joua pas, pardieu, il les paria
bel et bien; mais le pari est un jeu. Son adversaire était un autre capitaine du même régiment,
Italien comme lui, comme lui mauvais garnement, deux vrais diables ensemble, mais bons
officiers, excellens militaires.
Nous étions donc au bivouac, en Espagne. Bianchi avait besoin de mille écus pour le lendemain
matin, et comme il ne possédait que quinze cents francs, il se mit à jouer aux dés sur un tambour
avec son camarade, pendant que leurs compagnies préparaient le souper.
Il y avait, ma foi, trois beaux quartiers de chèvre qui cuisaient dans une marmite, près de nous; et
nous autres officiers nous regardions alternativement et le jeu et la chèvre qui frissonnait fortagréablement à nos oreilles; car nous n'avions rien mangé depuis le matin. Nos soldats
revenaient un à un de la chasse, apportant du vin et des fruits. Nous avions un bon repas en
perspective. La marmite était suspendue au-dessus du feu par trois perches arrangées en
faisceau, et assez éloignées du foyer pour ne pas brûler; mais d'ailleurs les soldats, avec cet
instinct merveilleux qui les caractérise, avaient fait un petit rempart de terre autour du feu
—Bianchi perdit tout; il ne dit pas un mot; il resta comme il était, accroupi; mais il se croisa les
bras sur la poitrine, regarda l

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