Contribution à l histoire de l influence de la « Nouvelle Théorie du langage » en France - article ; n°46 ; vol.11, pg 90-117
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Contribution à l'histoire de l'influence de la « Nouvelle Théorie du langage » en France - article ; n°46 ; vol.11, pg 90-117

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Description

Langages - Année 1977 - Volume 11 - Numéro 46 - Pages 90-117
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Daniel Baggioni
Contribution à l'histoire de l'influence de la « Nouvelle Théorie
du langage » en France
In: Langages, 11e année, n°46, 1977. pp. 90-117.
Citer ce document / Cite this document :
Baggioni Daniel. Contribution à l'histoire de l'influence de la « Nouvelle Théorie du langage » en France. In: Langages, 11e
année, n°46, 1977. pp. 90-117.
doi : 10.3406/lgge.1977.1906
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1977_num_11_46_1906D. Baggioni
E. R. A. 353 et GRECO
Rouen
CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DE L'INFLUENCE
DE LA Nouvelle Théorie du Langage EN FRANCE
0.1. Après être parti enquêter sur l'influence de l'école et des théories de
Marr et des marristes en France, on ne peut qu'éviter d'intituler cette étude
« Le marrisme en France » ou tout autre énoncé similaire qui supposerait
une influence directe des travaux des linguistes soviétiques sur la recherche
française.
Si rapports il y a, ceux-ci sont très médiatisés et on ne peut plus dia
lectiques. Disons-le tout de suite : la linguistique soviétique n'a guère été
diffusée et n'a pas rencontré d'adeptes en France. Avant 1950, lorsqu'on
citait les travaux de Marr dans le très sérieux Bulletin de la société linguis
tique de Paris (B. S. L.), c'était aussitôt pour les condamner, et après l'inte
rvention de J. Staline on s'empressa de tous côtés de faire comme si la page
était tournée. Nous souscrivons donc au jugement de J.-B. Marcellesi
(Introduction à la sociolinguistique) qui, lorsqu'il rouvre le dossier, estime
« lever une hypothèque » sur ces questions.
0.2. Pourtant, un très ancien courant sociologique en linguistique (Bru-
not, Meillet, Cohen), le rayonnement croissant du marxisme en France,
pouvaient laisser penser que la tentative de N. Ya. Marr ne laisserait pas
indifférents certains chercheurs français. C'était oublier que les liens d'école
scientifique ont une force au moins égale aux liens idéologiques. Les li
nguistes français influencés par le marxisme dans leur activité sociale, suivant
les générations scientifiques, se rattachaient qui au comparatisme, qui au
structuralisme. Quant aux intellectuels marxistes non linguistes, ils ne
s'engageaient pas dans ces problèmes qui étaient « du ressort des spécial
istes ». Et paradoxalement, on a jamais autant parlé de Marr en France
que lorsqu'on lui donna le coup de grâce en U. R. S. S. Aussi ne s'étonnera-
t-on pas de voir la plupart de nos informations tourner autour du débat
de l'été 1950.
1. MARR et l'école sociologique française.
1 . 0. On nous excusera de réduire la linguistique française de la première
moitié du xxe siècle à A. Meillet et à ses disciples. Ce n'est pas de notre part
volonté d'éliminer les autres linguistes français qui, tels Tesniere, Guil
laume, Brunot, ont laissé des œuvres assurément importantes, mais désir
de localiser le thème envisagé ; les rapports entre l'école de Marr et la li
nguistique française se sont réduits en fait à une confrontation Marr-Meillet
pour une raison aussi simple qu'indubitable : les thèses de Marr ne concer-
90 naient guère que la linguistique comparatiste, à l'époque dominée par
A. Meillet et ses élèves.
Notre étude est fondée essentiellement sur une lecture du Bulletin de la
société de linguistique de Paris (B. S. L.) de 1919 à 1950, sur les œuvres prin
cipales de Meillet et sur une « chronique » de J. Vendryes retrouvée dans
la Revue celtique.
1.1. Bien des raisons peuvent être avancées pour comprendre qu'une
rencontre entre Meillet et Marr devait nécessairement avoir lieu. L'élève
de M. Bréal définit sa position, en grande partie, en opposition avec les
excès des néo-grammairiens, soucieux qu'il est de découvrir les causes sociales
du changement linguistique (« dans quelle mesure il est possible de recon
naître des rapports entre le développement linguistique et les autres faits
sociaux»1) préoccupation qui l'amène à collaborer avec Durkheim à l'Année
sociologique. Reste à savoir si ce programme a été réellement suivi. Mais on
ne peut douter de la sincérité des intentions, et de nombreux passages et
études sont là pour prouver tout l'intérêt que Meillet attachait aux faits
sociaux et à leur éventuelle influence sur les faits linguistiques ; ce qui natu
rellement pouvait l'amener à s'intéresser à l'orientation prise par Marr
et la linguistique soviétique.
Il ne semble pas, d'autre part, qu'un préjugé anti-soviétique ait prévenu
l'école française contre les travaux de Marr et de son école. Au
contraire, on sent dans les comptes rendus du B. S. L. une volonté sincère de
prendre connaissance de ce qui se fait « de l'autre côté », car à aucun moment
la « communauté internationale des linguistes » n'a rompu totalement les
ponts avec la jeune Union Soviétique, mise au ban des nations à bien
d'autres points de vue.
Ainsi Meillet fait-il un compte rendu a élogieux pour la science russe
du volume de Marr et Orbeli sur les inscriptions vanniques. Cet intérêt
pour les travaux des scientifiques soviétiques ne se démentira pas et, à
plusieurs occasions, dans le B. S. L., les slavisants et orientalistes français
rendront hommage au sérieux des publications soviétiques, notamment
archéologiques.
1 . 2. Mais si la solidité des études erudites de la science soviétique n'est pas
mise en cause, très tôt les théories de Marr vont susciter des réserves et des
critiques de la part du maître de la linguistique historique.
En 1923, rendant compte de Der japhetitische Kaukasus und das dritte
ethnische Element im Bildungoprocess der Mitellândischen Kultur, volume
traduit du russe dans les Japhetitische Studien (Leipzig, 1923), A. Meillet
remarque « ... il est fâcheux que, pour répandre des idées que Marr se plaint
de voir ignorées, il avance des rapprochements qui ne convaincront personne,
comme celui du nom grec de la mer, 7téXayoç, avec le nom des Pélasges :
même si ce rapprochement est juste, il est indémontrable, et c'est le dernier
exemple qu'il aurait convenu de citer 3 ».
La même année, le disciple J. Vendryes dans ses « chroniques » de la
Revue celtique développe ces réserves dans une étude plus substantielle. Après
1. Linguistique générale et linguistique historique, t. I, p. 18.
2. B. S. L., n° 74, vol. 24, p. 189.
3. B. S. L., n° 74, vol. 24, pp. 189-190.
91 avoir souligné l'intérêt des travaux philologiques de Marr et son irrempla
çable connaissance des langues du Caucase, Vendryes présente très object
ivement la « théorie japhétique » pour avancer ensuite, face aux thèses mar-
ristes, une série de critiques bien dans la ligne de la méthode comparative en
linguistique historique : « Pour N. Marr, la parenté linguistique n'existe
que sous la forme de langues mixtes : la science des langues japhétiques, dit-il,
exclut l'existence d'une langue de tribu qui soit restée pure de tout crois
ement. Cette doctrine pose une grave question de méthode. Elle contredit les
principes même sur lesquels repose jusqu'ici la grammaire comparée des
langues indo-européennes. Elle mêle l'ethnographie à la linguistique en soute
nant que le mélange des langues est une conséquence fatale du croisement des
races. Elle se rapproche dans une certaine mesure des idées de M. Schu-
chardt et prend à son compte une partie des critiques que l'éminent lin
guiste adressait aux Junggrammatiker [...] Une critique toutefois peut lui
être adressée : c'est qu'elle s'appuie avant tout sur les faits de vocabulaire ;
ces faits toujours « singuliers » et « particuliers » s'accordent aisément avec
une théorie qui fait une si large place aux contingences. La morphologie a des
cadres beaucoup plus rigides qui ne se laissent pas traiter aussi librement.
Aussi de linguistes sont-ils convaincus que seuls les faits de mor
phologie sont valables comme base de comparaison. Ces mêmes linguistes
estimeront qu'en s'en tenant au vocabulaire, N. Marr accuse le point faible
de sa méthode 1. &#

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