Danser en fest noz en 2006
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Danser en fest-noz
Une pratique aux réalités multiples
Que propose le fest-noz moderne aux danseurs ? Comment pratique-t-on et vit-on la danse, confronté à un foisonnement de propositions qui tend à cloisonner les publics? C’est la question que pose Marc Clérivet, qui poursuit ici sa réflexion sur la pratique des danses traditionnelles en Bretagne. près avoir exploré, dans leétait ouvert à toutes les danses tra-Musique Bretonnede Bretagne. Au coursn°193, ditionnelles Acité des répertoires dansésgrande vague “celtique” et bre-le problème de l’authenti-des années 1970, avec la première dans le fest-noz moderne, il metonne, la différence entre le fest-s e m b l ei n t é r e s s a n t ,d a n sc enoz moderne et le bal breton a numéro, d’élargir cette questionpeu à peu disparu, le second en évoquant une problématiques’étant, au cours du temps, déve-plus générale qui intéresse la plu-loppé et ayant pris le nom du pre-part des acteurs de la danse tradi-mier. À partir de la fin des années tionnelle en Bretagne. Après le1990 (deuxième grande vague), nouvel âge du fest-noz moderneon observe un morcellement pro-durant les années 1995-2000, lagressif du fest-noz. Aujourd’hui, il question de son objet et de sadevient, en effet, de plus en plus fonction n’en finit plus de se poserdifficile de retrouver le fest-noz aujourd’hui. On constate, en effet,type des années 1970-1990 - que une recrudescence des débatsbeaucoup de jeunes qualifieraient autour des répertoires dansés, dede classique car ils n’ont connu leur authenticité, du respect duque cela -, proposant, au cours de style, dans le cadre de festoù-nozla même manifestation, une tête ou de festoù-deiz qui offrent uned’affiche, un groupe plus modeste grande diversité de visages.(trio ou duo) et quelques chan-t eu rset son n eurs .O ntro uve Petit historique sur le aujourd’hui de gigantesques évé-nements réunissant des centaines fest-noz moderne voire des milliers de danseurs R a p p e l o n sq u el ef e s t - n o z(Yaouank, sorties de disques de moderne a été inventé par Loeizgroupes…). D’un côté, le fest-noz Ropars dans les années 1950. Ceannuel d’association ou d’école de bal, qui reprend le nom de l’an-musique favorisant les groupes cienne veillée qui suivait les tra-issus du cercle ou de l’atelier de vaux collectifs dans les montagnesdanse, et de l’autre, le fest-deiz ou finistériennes, a engendré unebal d’après-midi (avec ses groupes autre manifestation, le bal breton,attitrés, un répertoire dansé très présenté à l’époque comme plusimportant, si ce n’est illimité) et le adapté aux villes. La différence“fest-noz trad,” construit autour de entre fest-noz et bal breton pro-sonneurs et chanteurs et souvent venait du répertoire qui y étaitorganisés par des associations inté-dansé : axéautour de la dañs tro etressées par la collecte et l’enquête des répertoires cornouaillais pour(Printemps de Chateauneuf, Bovel, le premier, tandis que le secondfestoù-n ozch antésdu vanne-1Musique Bretonne
tais…). Ceux qui ont assisté ou participé à ces différents types de manifestation comprendront très bien qu’ils n’ont pas grand-chose à voir entre eux. Comment expli-quer un tel morcellement ? Rappe-lons que le fest-noz moderne est un bal : il peut être défini à la fois comme un endroit et un contexte, résultat de la rencontre entre les musiciens et les danseurs. D’au-cuns plus portés sur les sciences é c o n o m i q u e sl ed é f i n i r a i e n t comme la rencontre d’une offre et d’une demande.
Des musiciens tenus de faire danser
C’est un lieu commun de dire aujourd’hui que la Bretagne, en 2 005 ,présente un nombre de musiciens pratiquant la musique traditionnelle très important. Nous constituons certainement la région, à ce titre, la plus dynamique d’Eu-rope. Ces musiciens sont-ils tous intéressés par cette esthétique ? Je prend le risque de répondre : non ! On peut légitimement penser que la musique traditionnelle, pour beaucoup, ne constitue plus un but en soi. N’y voyez nullement un jugement de valeur de ma part. Le bouillonnement et la réflexion autour de la transmission de cette musique a engendré cet état de fait : apprendre la musique tradi-tionnelle est devenu, aujourd’hui dans notre région, un moyen d’ac-céder à la musique en général. Les exemples sont nombreux. On peut citer toutes les écoles de musiques qui proposent l’apprentissage d’instruments qui n’ont pas été joués dans la tradition (piano, trompette, etc.), avec une trans-mission basée sur l’oralité, la répé-tition, le copiage du geste... On
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Jouer en fest-noz suppose avant tout de faire danser, c’est aussi, parfois ,un frein à la créativité des artistes. (Photo Myriam Jégat)
peut mentionner également toute cette population (retraités, prére-traités, jeunes…) qui souhaite apprendre à maîtriser l’accordéon diatonique sans être intéressée plus que cela par les répertoires traditionnels recueillis. Citons enfin les enfants qui, dans de nom-breuses communes, débutent la musique à l’école de musique tra-ditionnelle, car c’est plus sympa, moins cher pour les parents et plus facile d’accès. Les ateliers en groupe, avec beaucoup d’oralité (sans passer par l’écriture), une progression rapide et des mises en situation très tôt sont autant d’éléments qui attirent les appren-tis musiciens vers cette esthétique. On peut s’en réjouir. Cependant, la question qui nous intéresse, dans cet article, est la suivante : où peu-vent s’exprimer tous ces musi-ciens ?Il ne faut pas être grand observateur pour constater que le fest-noz (avec les prestations de bagad) est le lieu principal (si ce n’est le seul) d’expression des musiciens qui travaillent dans cette esthétique. Le concert est, en effet, toujours resté peu développé en Bretagne concernant la musique
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traditionnelle. Il ne s’agit pas de revenir sur cette constatati on maintes fois effectuée mais bien d’observer les implications de cette place du fest-noz comme unique lieu de diffusion pour des musi-ciens impliqués dans l’esthétique traditionnelle, du point de vue de la qualité de danse en fest-noz. Le constat est relativement rapide. Pour s’exprimer devant un public, les musiciens traditionnels doivent jouer non seulement un répertoire traditionnel mais également un répertoire à danser. Pour un grand n omb rede music iensdont la musique traditionnelle n’était pas u nbut en soi, ces condit ions constituent très vite un carcan, un frein à leur créativité. Quelles solu-tions se présentent alors à eux? Ils peuvent essayer de faire valoir leurs talents dans d’autres esthé-tiques (jazz, pop…). Les passe-relles sont cependant difficiles à mettre en place et souvent peu accessibles pour des musiciens amateurs. Ils peuvent également essayer de faire évoluer le réper-toire en allant chercher d’autres danses dans des bals comparables a ufes t -noz; il peut s’a girde
danses traditionnelles originaires d’autres régions de France, des pays anglo-saxons, mais aussi de r é p e r t o i r ep r o v e n a n td ub a l musette (valses musettes, tangos, salsas…). Cela implique de leur part de s’intéresser à ces réper-toires, ce qui n’est pas évident. Ils peuvent enfin passer outre en essayant de s’exprimer coûte que coûte. On peut avoir alors une réelle créativité, avec des arrange-ments, des compositions ou bien encore des propositions de fusion ou de métissages avec d’autres e s t h é t i q u es( re g g a e ,j a z zo u funk…). Ces performances peu-vent être, d’un point de vue musi-cal et artistique, excellentes mais aussi, avouons-le, parfois ratées. Là n’est pas la question. Retour-nons à nos danseurs et à leurs réactions face à ces propositions.
Le danseur tâtonne…
Confonté à ces plusieurs cas de figures, le danseur peut, lui aussi, réagir de manières différentes. Reprenons-les un à un si vous le voulez bien. Rien à dire dans le premier cas, cela ne concerne plus 2 Musique Bretonne
le fest-noz. Dans le second cas, face à ces nouveaux répertoires, le danseur a la liberté de les accep-ter ou de les refuser. Le problème devient épineux lorsque ni lui, ni les musiciens n’ont une connais-sance suffisante des danses ainsi importées. Cela se traduit alors, des deux côtés, par un tâtonne-ment, une vague imitation et par-fois un accord. C’est ainsi qu’en fest-noz, la bourrée droite du Berry est devenue pour les danseurs un “Savez vous planter des choux” qui s’adapte sur un air de “Et moi pendant ce temps-là, j’tournais la manivelle” plus ou moins régulier de la part des musiciens. Enfin, dans le troisième cas de figure, il lui est proposé un support de danse légèrement (voire complète-ment) distordu, car trop rapide, trop lent, avec des contretemps, des syncopes reggae ou jazz !). Deux possibilités lui sont alors offertes :soit il accepte, car c’est un fan du groupe, ou bien parce qu’il aime cela, ou bien encore parce qu’il s’amuse, soit il refuse. Tout le canon du fest-noz moderne (soit une trentaine de danses) est concerné par ce phénomène. Il ne suffit pas d’accentuer, par des 3Musique Bretonne
accords de basses plaqués tous les deux temps, un air composé pour en faire un bon support de rond de Saint-Vincent. Entendons-nous bien : il est, certes, possible d’effec-tuer les pas, mais danse-t-on réel-lement au sens où l’entendaient les danseurs qui ont porté cette danse dans la tradition? J’ai ten-dance à penser que non. Dans tous ces cas, la danse telle qu’elle a été collectée souffre et on arrive généralement à la synthèse d’un nouveau mouvement dansé. Pour-quoi pas ? Cela peut séduire tout un public mais ne peut, en aucun cas, satisfaire l’ensemble des dan-seurs qui fréquentent aujourd’hui le fest-noz.
Des danseurs aux goûts variés
Il est important, me semble-t-il, de bien comprendre que le public qui fréquente aujourd’hui les fest-noz n’est pas homogène au point de vue de ses attentes. D’un côté, le public de danseurs constitué de f a n sd et el sou tels grou p es , capables de faire des centaines de kilomètres pour suivre ses musi-ciens préférés et retrouver une
a m b i a n c e.P ou rc e u x- c i,pe u importent les danses proposées, l’élément majeur est la musique, sur laquelle on adapte le mouve-ment (quitte à le distordre). D’un autre côté, des amateurs de son-neurs ou de chanteurs qui ne fré-quentent que les “fest-noz trad”. Ces purs et durs ne sont, cepen-dant, pas très nombreux et ils assistent souvent à d’autres évé-n e m e n t sc o m m el e sb a l s“ à 200 danses”. Dansce troisième type de fest-noz (surtout fest-deiz), certains danseurs demandent, sous prétexte de tradition, une grande d i ve rs i t éd ed a n s es ,c e rt ai n s d’entre-eux n’acceptant de danser qu’une seule fois la même danse au cours du bal ! Cela a engendré une nouvelle catégorie de musi-ciens à danser qui ont relevé le challenge. Certains groupes pro-posent ainsi très facilement entre 100 et 200 danses différentes par bal (sur le modèle “un air, une danse”), quitte à aller chercher des répertoires parfois plus que dou-teux quant à leur authenticité comme la gavotte des vieux ou le laridé de Saint-Jean… Enfin, un grand nombre de danseurs vont moins souvent en fest-noz, soit
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parce qu’ils préfèrent aller danser ailleurs (bal folk, bal musette ou cinéma), soit parce qu’ils s’en-nuient ; ils choisissent alors beau-coup mieux leurs bals. Toutes ces catégories qui voient le jour en ce e début de XXIsiècle traduisent bien les profondes mutations du b ald eda n sestra di ti on n elles aujourd’hui en Bretagne. Beau-c o u pd ed a n s e u r ss o n te n recherche et se posent des ques-tions. Il serait réducteur de pen-ser que le seul fest-noz fait l’objet de ces interrogations. Le débat transcende l’ensemble de l’activité de danse traditionnelle dans ses activité de spectacle, de bal et bien évidemment de transmission et/ou d’enseignement.
Et le plaisir alors ?
Il est d’usage de séparer les struc-tures d’enseignement de la danse traditionnelle en deux catégories. Les cercles celtiques d’une part, et les “groupes loisirs” d’autre part. Cette dernière appellation, aujour-d’hui employée par tous, ne veut rien dire du tout, à part désigner des groupes qui n’ont pas le spec-tacle comme finalité. À mon sens, un groupe loisir devrait être autre chose :il devrait être le lieu de découverte de la danse tradition-nelle en général (apprentissage des éléments dansés de base des répertoires, mais aussi découverte des grandes régions de danse tra-ditionnelle et rapport à la culture traditionnelle…). De ces groupes, les danseurs devraient pouvoir ensuite évoluer vers ce qui les inté-resse :le spectacle, l’aprofondisse-ment de certains répertoires, la musique et l’accompagnement de la danse. Il n’en est rien. En réalité q u ’ e n s e i g n e - t - o nd a n sc e s groupes ? Un répertoire avec une technique de pas ou un mouve-ment dansé peut-être, un style par-fois… Il manque néanmoins tout ce qui sous-tend ce mouvement dansé, l’objectif de cette danse, ce à quoi elle servait dans le contexte dans lequel elle était pratiquée: le plaisir. De cette notion, on en parle jamais. Bien sûr, il est évo-qué par-ci par-là, au détour d’une b i è r ep a r t a g é e ,a uc o u r sd e
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conversation en marge d’un stage. Rares sont les enseignants ou transmetteurs de danse qui en par-lent. Les répertoires dont il est question ici ont pourtant été dan-s ésparfois pendant plusieurs siècles. Ils ont procuré un plaisir important à des milliers de dan-seurs qui se sont succédé durant plusieurs générations. Aujourd’hui, pourquoi dansons-nous en fest-noz, si ce n’est pour le plaisir? Pourquoi danse-t-on en cercle cel-tique si ce n’est, encore, pour le plaisir ? Certains pourront, certes, parler de la danse en sim ples termes de perpétuation de la tradi-tion ou du symbole, de la fierté d’être breton… Je vous propose de laisser de côté ce discours com-mun à la musique, au chant, à la danse, aux tournages de crêpes et d ega l et t e s ,a um o d el a g ed u beurre salé… Parlons réellement d ud a n s eu ret de so np l a i s i r comme moteur principal de sa pra-tique. Un ou plusieurs types de plaisir ? Nos “fest-nozeurs” suiveurs sont des fans. Ils éprouvent le plaisir de danser sur la musique qu’ils aiment, joué par les gens qu’ils aiment. Peu importe le répertoire qu’il faut danser sur cette musique. La différence est infime avec des admirateurs de stars du R&B new-yorkais (et qui ne savent pas dan-ser) ou des fans de pop anglaise de la région de Manchester ! A une exception près: les groupes de fest -nozont l’avan taged’être proch esgéographiquement et accessibles (au bar !). Le plaisir de danser est très lié au plaisir du fan. Le groupe se mettrait à faire du twist, ils danseraient le twist. Ce plaisir-là n’a rien à voir avec celui éprouvé par les danseurs tradition-nels qui chantaient dans la ronde, se fournissant par là même, leur propre support de danse. Prenons m a i n t e n a n tn o sd a n s e u r s“ à 200 danses”. Ils ont la satisfaction d ep o u v o i rc o n n a î t r ec e s 2 0 0da n s ese tde pou voi rles enchaîner en un après-midi (sans a l l erre ga rd e rl e u rc a rn e td e notes). Là encore, la comparaison
de ce plaisir encyclopédique avec celui de nos danseurs traditionnels (qui connaissaient au mieux deux ou trois rondes, qu’ils pouvaient faire durer parfois plusieurs heures sans jamais éprouver de lassitude) ne tient pas. Enfin, comment com-parer le plaisir éprouvé par les membres des groupes chorégra-phiques avec celui des porteurs de tradition qui ignoraient toute notion de mise en scène, et pour cause, ils n’avaient aucun public. Tout ceci est la preuve incontes-table de l’appropriation totale par des danseurs d’aujourd’hui des répertoires traditionnels anciens. Les fest-nozeurs utilisent ainsi une danse ancienne et traditionnelle comme porte-greffe d’un plaisir d’aujourdhui (plaisir de se mou-voir sur une musique que l’on aime, plaisir encyclopédique, plai-sir de monter sur scène et de par-tager une démarche artistique avec d’autres).
La troisième voie…
Face à ces plaisirs si différents et ces démarches de danseurs toutes légitimes, que faire des questions de l’authenticité des répertoires, du respect du mouvement dansé, de la “conservation du style de la danse” ? En effet, pourquoi parler à un fest-nozeur fan de groupes d’aujourd’hui, de style de la danse qu an dla musiq uesu pports e mâtine de funk ou de jazz? De même, pourquoi évoquer l’authen-ticité des répertoires face à nos d a n s e u r s - c o l l e c t i o n n e u r sà 200 danses ? En fin ,po urq uoi reprocher aux cercles celtiques, dans le cadre de leurs prestations scéniques, de ne pas favoriser l’ex-pression personnelle de chaque danseur ? C’est aussi hors de pro-pos que de demander aux maçons construisant un bâtiment de lais-ser, chacun à son niveau, libre court à sa créativité et de mettre sa touche personnelle selon son ins-piration. Imaginez alors, chers lec-teurs, la tête du palais de Versailles ou de la Tour Montparn asse! Cependant, ces questions sont-elles pour autant illégitimes ? Défi-nitivement non. Ce n’est pas parce qu’elles sont hors de propos pour 4 Musique Bretonne
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certains groupes de danseurs ou dans certains contextes qu’elles le sont partout. Il existe des cadres dans lesquels elles doivent être évoquées : auprès de musiciens se préparant au DEM, par exemple, mais aussi auprès d’encadrants d’ateliers de danse ou encore auprès de danseurs intéressés. Pour ces derniers, il s’agit tout au moins de faire prendre conscience que la danse traditionnelle collec-tée constitue une matière qui peut être aujourd’hui utilisé à plusieurs fins et que les questions posées c i - d es s u sn et r o u v er o n tl eu r réponse que dans une démarche autre, une troisième voie ; une voie intermédiaire qui serait posi-tionnée entre la simple initiation, l eb o u r r a g ed ec r â n ed e s 402 danses bretonnes (eh oui tout augmente ma pauvre dame!), la préparation aux divers concours (dans lesquels on ne regarde, le plus souvent, que le respect d’une formule d’appuis) d’un côté, et le groupe chorégraphique qui pousse légitimement vers la création artis-tique de groupe d’un autre côté. C’est une voie destinée aux dan-5Musique Bretonne
seurs en recherche. Elle concerne ceux qui souhaitent retrouver la danse traditionnelle, non pas dans une exactitude d’attitudes corpo-relles ou de tempo, mais bien dans un ensemble qui prend en compte à la fois le mouvement dansé, le support de la danse, une compré-hension des différentes compo-santes du répertoire, et qui les confronte à sa personnalité. Cela demande, d’une part, de discrimi-ner les différentes composantes de la danse (forme, pas, déplace-ments, figure…) et de (re)consi-dérer leur importance relative par l’interrogation des sources filmées et des enquêtes. On détermine ainsi ce qui est constant de ce qui varie dans chaque répertoire, on reste vigilant à ne pas faire d’un cas particulier une généralité et d’une généralité un élément for-cément obligatoire, avec comme finalité d’essayer d’atteindre le même plaisir que celui des dan-seurs traditionnels. Cela demande d’autre part, d’éprouver ces réper-toires, de les tester, de les inter-r o g e re nf o n c t i o nd ec eq u e chaque danseur est, physiquement
et psychiquement. Tout comme l’apprenti chanteur doit apprendre à se connaître, accepter sa voix, pour pouvoir la travailler, l’ap-prenti danseur doit tout autant se connaître, accepter son corps avant et afin de pouvoir pleinement s’ex-primer. Il s’agit d’une véritable ascèse. En effet, ces répertoires ne correspondent plus ni à nos modes d’expression, ni à nos modes d’ap-prentissages (je veux tout, tout de suite), ni à nos attentes premières (plaisir dans le défoulement, la simplicité et surtout qui ne me demande pas trop de réfléchir “je le fais assez comme cela dans la semaine !”). Cependant, la décou-verte du plaisir inhérent à ces répertoires (et non une projection de nos attentes sur ces répertoires) est à la clé: le plaisir de danser une ridée chantée dans la ronde pendant une demi-heure ou de danser un avant-deux en jouant avec le support musical, fourni par le musicien.
Le challenge de cette troisième voie est de comprendre, d’éprou-ver puis de s’exprimer dans le cadre de cette esthétique sans en d é n a t u r erl ec a d r e .C en ’ e s t qu’alors, et uniquement alors, que chaque danseur pourra laisser exprimer sa créativité et effectuer, à son niveau, son œuvre d’art éphémère, qui lui procurera du plaisir. La combinaison de ces œuvres d’arts personnelles contri-buera à réaliser l’œuvre d’art du groupe qui viendra re-nourrir la créativité de chaque danseur. Cette œuvre d’art éphémère, à deux niveaux, constitue un cercle ver-tueux : l’ensemble des plaisirs indi-viduels alimentant le ressenti com-mun et procurant, en retour, à chaque danseur, un plaisir plus grand encore.
Marc Clérivet
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