De l oral à l écrit. Les modalités d une mutation - article ; n°1 ; vol.21, pg 11-35
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De l'oral à l'écrit. Les modalités d'une mutation - article ; n°1 ; vol.21, pg 11-35

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Description

Histoire de l'éducation - Année 1984 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 11-35
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Quéniart
De l'oral à l'écrit. Les modalités d'une mutation
In: Histoire de l'éducation, N. 21, 1984. pp. 11-35.
Citer ce document / Cite this document :
Quéniart Jean. De l'oral à l'écrit. Les modalités d'une mutation. In: Histoire de l'éducation, N. 21, 1984. pp. 11-35.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_0221-6280_1984_num_21_1_1207DE L 'ORAL À L 'ECRIT
Les modalités d'une mutation
par Jean QUÉNIART
Tout progrès de la recherche les historiens le savent - fait surgir
de nouveaux problèmes, affine et multipUe les questions. Replacées
dans le contexte plus général de l'évolution socio-cultureUe et des mod
es de conceptuaUsation, les études consacrées à l'histoire de l'alpha
bétisation sont, à cet égard, exemplaires. Au-delà des travaux locaux,
qu'il faut poursuivre, l'histoire comparée dessine une géographie où
des régions précocement acquises, sous différentes formes, à la culture
écrite, s'opposent à d'autres, où la domination de la culture orale s'est
maintenue beaucoup plus longtemps. Mais cartes et chronologies ne
sont que le point de départ d'une réflexion qui, désormais, ne porte
plus seulement sur les mécanismes et les causes d'un raUiement à une
transformation brusque et irréversible mais, tout autant, sur les
manières de Ure et d'écrire, et les changements épistémologiques
qu'entraîne, à l'écheUe de la société ou de l'individu, le double passage
de l'oral à l'écrit, du manuscrit à l'imprimé. Publiées sous la direction
de Harvey J. Graff, les 15 contributions de Literacy and social deve
lopment in the West : a reader (1), reprises d'ouvrages publiés entre
(1) Literacy and social development in the West : a reader. Edited by
Harvey J. Graff, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, 342 p. (Camb
ridge studies in oral and literate culture.) - Précédées d'une introduction de
Harvey J. Graff, les 15 contributions sont les suivantes : Michael T. Clanchy,
« Literate and Uliterate ; hearing and seeing : England 1066-1307 » ; E. LeRoy
Ladurie, « Cultural Exchanges : early fourteenth-century MontaiUou », extrait 12 Jean QUÊNIART
1968 et 1979, auraient pu n'être qu'une conjonction disparate autour
d'un titre-prétexte : mais la diversité chronologique et géographique
des terrains de recherche, l'alternance d'études régionales et de
réflexions plus générales en font, globalement, une somme assez
remarquable de la multiplicité des problèmes que se posent aujour
d'hui les historiens du livre et de l'alphabétisation.
Au temps du Uvre rare : les attitudes devant l'écrit
C'est dans la société du Moyen Âge, ceUe du manuscrit, du livre et
du lecteur rares, qu'U faut chercher l'origine d'attitudes dont nous
demeurons les héritiers. Les clercs, ceux qui savaient, ont été les
premiers artisans d'une valorisation de l'écrit, non seulement en ter
mes d'outillage technique, mais de culture inteUectueUe, voire de
perfectionnement moral ; la renaissance des lettres puis la responsabil
ité de l'éducation religieuse ont progressivement entraîné méfiance,
voire condamnation d'un refus ou d'un mépris envers l'instruction.
Venant après la Renaissance, la philosophie des Lumières et la Troi
sième République, nos mentalités l'associent spontanément au
progrès. Mais, dans ce cadre d'ensemble, les nuances de l'opinion
demeurent importantes ; les enseignants restent sans doute aujour
d'hui les mieux persuadés de l'importance des études en général, et de
la valeur formatrice de leur discipline en particuUer.
Chez le plus grand nombre, socialement inférieur aux détenteurs
de MontaiUou, village occitan ; Elisabeth E. Eisenstein, « Some conjectures
about the impact of printing on western society and thought : a preliminary
report » ; Natalie Zemon Davis, « Printing and the people ; early modern Fran
ce » ; Gerald Strauss, « Techniques of indoctrination : the German Reformat
ion » ; David Cressy, « Levels of illiteracy in England, 1530-1730 » ; Margaret
Spufford, « First steps in literacy : the reading and writing experiences of the
humblest seventeenth-century spiritual autobiographers » ; Egil Johansson,
« The history of literacy in Sweden » ; Kenneth A. Lockridge, « Literacy in
early America, 1650-1800, reproduit dans Annales E.S.C., 1977, pp. 503-518 ;
Roger S. Schofield, « Dimensions of illiteracy in England, 1750-1850 » ; F.
Furet et J. Ozouf, « Three centuries of cultural cross-fertilization : France » tra
duction de la conclusion de Lire et écrire .-l'alphabétisation des Français de Cal
vin à Jules Ferry ; Harvey J. Graff, « Literacy, jobs and industrialization : the
nineteenth century » ; Tony Judt « The impact of the schools, Provence 1871-
1914 » ; Johan Galtung, « Literacy, education and schooling, for what ? » ;
E. Verne, « Literacy and industrialization, the dispossession of speech ». De l 'oral à l 'écrit 1 3
du savoir, ia lecture et l'écriture suscitent le respect, voire la crainte.
Dans le Languedoc des XlIIe et XlVe siècles qu'évoque, autour de
MontaiUou, E. Le Roy Ladurie (1), la présence d'un seul Uvre dans
une maison ne passe pas inaperçue. Les quelques non-iUettrés des
viUages et des bourgs prêtres et hommes de loi pour la plupart, aux
quels s'ajoutent quelques châtelains - peuvent, par la lecture pubUque
de ce qui est écrit dans un langage directement compréhensible par
tous (ici, l'occitan), faire bénéficier leur entourage, leur maisonnée,
de quelques bribes de leur savoir ; ils diffusent ainsi des idées nouvell
es, et se font les agents d'une transmission cultureUe facUitée par la
supériorité sociale. Mais Us peuvent aussi cacher, modifier, tromper ;
dans tous les cas, Us ont la maîtrise d'un savoir et d'un canal de diffu
sion qui échappent aux réseaux habituels de la transmission du savoir
en milieu rural, et ne correspondent pas obUgatoirement à la hiérar
chie politique, reUgieuse ou sociale. Respecté, le livre est aussi, dans
un contexte de fermentation religieuse, soupçonné, surtout des
ignorants, en raison du pouvoir qu'il donne et des secrets, pour le
plus grand nombre, qu'U véhicule. Lire, ce n'est pas se contenter du
sens commun et des idées reçues : c'est vouloir être, par rapport à
l'entourage familial et social, un « libre penseur » au sens le plus génér
al du terme, peut-être un hérétique ? L'ignorance alimente la suspi
cion ou la créduUté ; hérétiques ou sorciers... et, à la fin de l'Ancien
Régime encore, médecins ou prêtres bénéficieront de cette aura quel
que peu magique du savoir, surtout s'U est en latin.
Pour ceux qui, à l'inverse, disposent du pouvoir, le lecteur ou le
scribe ne sont au départ que des techniciens, dont le rôle peut être
rapproché de celui que joue la dactylo ou l'informaticien dans une
entreprise. On utilise leur savoir comme on le fait pour d'autres comp
étences. Selon une tradition qui, à la Umite, mène jusqu'au monde
des secrétaires ou des lectrices-dames de compagnie de l'aristocratie,
la lecture à haute voix et la dictée donnent à ceux qui ont à leur
service ces auxUiaires, un accès relativement aisé à la culture écrite.
Michael T. Clanchy jalonne cependant, au cours du Moyen Âge
anglais qu'U étudie dans ce recueU (2), les premières étapes d'une
valorisation de la culture chez les puissants. Rare encore vers 1100,
l'utUisation par l'aristocratie anglaise d'un sceau nominatif, qui semble
à l'auteur l'indice le plus proche de l'indicateur-signature postérieur,
(1) E. Le Roy Ladurie, in H.J. Graff, op. cit.
(2) M.T. Clanchy, in H.J. Graff, op. cit. 14 Jean QUÉNIART
est beaucoup plus fréquente deux siècles plus tard. Autour du souver
ain, et en Angleterre à leur exemple, les barons et, de proche en
proche, la gentry, acquièrent une connaissance au moins rudimentaire
de la lecture en latin, grâce à laqueUe ils font meiUeure figure à la
Cour, et sont capables de répondre ou de contrôler les réponses aux
documents de la ChanceUerie ou de l'Échiquier. L'intérêt des souver
ains et le rô

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