De la distance en histoire. Maroc - Sahara occidental : les captifs du hasard (XVIIe-XXe siècles) - article ; n°1 ; vol.48, pg 96-125
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1988 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 96-125
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Olivier Vergniot
De la distance en histoire. Maroc - Sahara occidental : les
captifs du hasard (XVIIe-XXe siècles)
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°48-49, 1988. pp. 96-125.
Citer ce document / Cite this document :
Vergniot Olivier. De la distance en histoire. Maroc - Sahara occidental : les captifs du hasard (XVIIe-XXe siècles). In: Revue de
l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°48-49, 1988. pp. 96-125.
doi : 10.3406/remmm.1988.2232
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1988_num_48_1_2232Olivier VERGNIOT
DE LA DISTANCE EN HISTOIRE
Maroc — Sahara occidental :
Les captifs du hasard (XVIIe-XXe siècles)
L'oued Draa constitue-t-il une limite? La question a suscité une avalanche de
publications. Elles ont fait de ce support hydrographique soit un tracé définitif,
soit un cours d'eau insignifiant, le lieu où tout s'arrête ou au contraire tout conti
nue. Rien n'a été laissé de côté, les espèces animales caractéristiques, les subtilités
de la flore, les affleurements de la croûte terrestre, le moindre détail vestiment
aire, les écarts de langage, l'implantation du «nègre». Les cartes ont été superpos
ées, les documents se sont opposés et les dates fatidiques entrechoquées, les priè
res ont été décortiquées, les données commerciales comptées et le score est tou
jours nul. Le dromadaire se conforte la bosse là où il est entravé, à se demander
si la seule limite que constitue l'oued Draa n'est pas justement celle du débat scien
tifique. Il est peut-être temps de se poser la question de la question... L'omniprés
ence contemporaine de la frontière autorise-t-elle le chercheur à exhumer ou enfouir
coûte que coûte cette séparation précise et rigide pour signifier (aux yeux de qui?)
un exclusivisme territorial absolu ? Et pourtant c'est bien la frontière linéaire, ce
réfèrent unique et obligé des États du monde, qui nous pousse à sonder le passé
pour y cerner les intervalles de la non coïncidence, ces lieux et ces moments
contradictoires.
Dans le conflit du Sahara occidental l'antagonisme entre la Maroc et les sah
raouis sous l'égide du Front Polisario se fonde sur deux formes de légitimation
du territoire. La RASD revendique une «frontière résultante» héritée de la ci
rconscription coloniale espagnole. Elle se légitime dans cet artifice devenu la norme
de l'OUA, sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et dans une succes-
RMMM 48-49, 1988/2-3 - Sahara occidental (XVIII'-XX* siècles) I 97 Maroc
sion coloniale chèrement payée contre l'Espagne la Mauritanie et le Maroc. Le
Maroc opposé à l'Uti-possidetis, affirme au contraire que la seule délimitation valable
est celle qui existait à l'époque pré-coloniale et qu'un Etat digne de ce nom doit
pouvoir démontrer que son exercice est antérieur à la colonisation. Le Maroc se
veut un corps autochtone dans une «frontière authentique». Question de droit par
excellence. Les tenants de la norme admise par le plus grand nombre s'opposent
à ceux partisans d'une contre-norme en référence aux «droits historiques». Ce débat
contemporain se poursuit depuis 1956, sur le fond en des termes identiques, sur
la forme l'espace concerné est à géométrie variable : parti du «grand Maroc» il
s'est stabilisé aujourd'hui sur le seul territoire de l'ex Sahara espagnol. La ques
tion se plaide : habiles au maniement, les juristes avocats triturent l'Histoire dans
un affrontement de la «preuve» et de la «contre-preuve». La bataille juridique, enjeu
parallèle au conflit armé y trouve son compte, l'approche scientifique beaucoup
moins, le manichéisme ambiant y est peu propice.
C'est pourquoi poser la distance nous semble plus heuristique que chercher la
frontière. L'on peut appréhender cette distance de deux manières. Dans un pre
mier temps en se positionnant différemment par rapport au sujet, ensuite en con
sidérant la distance comme objet principal de recherche.
Dépassionner le débat est une première nécessité, quitte à le déshumaniser con
tre le discours ambiant, celui des moralistes humanistes, des juristes tatillons, des
administrateurs décidés, des victimes du passé. Se méfier en permanence des cl
ichés négatif/positif sur le nomade indomptable ou espèce menacée en voie de dis
parition, sur un Maghzen omnipotent ou tenaillé par sa «siba», se garder des avis
autorisés, des «déçus de l'Algérie», du «Maroc des regrets éternels», des raccourc
is faciles «sahraouis marionnettes» ou «fassisme expansionniste». Enfin éviter
d'user â tort et à travers du bipole exogène/endogène car le cadre colonial n'est
venu que se superposer à une trame initiale, il n'y a pas opposition de l'un à l'autre
mais une réalité devenue forcement concomitante. Bref il importe, à travers la diach-
ronie, de revenir à la notion de bilan, non pas pour dessiner l'objet frontière mais
pour comprendre l'horogénèse qui a amené les uns et les autres à postuler d'un
point de vue politique des revendications territoriales opposées. Revenons, si pos
sible, à plus de précision aux dépens de tant de certitudes. Le chevauchement sur
un même lieu de deux désirs de souveraineté antagonistes nous oblige à prendre
toutes les mesures de l'espace, de le concrétiser graduellement, car l'espace est
une donnée dynamique. Raisonner à partir du seul territoire tel qu'il est revendi
qué ou nié aujourd'hui est une abstraction contraignante. Le contour frontalier
qui sera admis in fine par la communauté internationale n'est pas une explication,
il ne sera que la signature du vainqueur sur le vaincu dans l'épilogue du conflit.
Comprendre le Sahara n'est pas survoler une tâche jaune. Etre originaire du
Tafilalet c'est être aussi du Sahara, mais ce n'est pas tout le Sahara. Un oued,
une hammada un pâturage, une guelta, un tombeau d'ancêtre, un mausolée, une
oasis sont tout aussi centraux dans leur identité, leur fonction et leur définition.
Certaines nécessités écologiques donnent des limites, d'autres pratiques (religion,
commerce, élevage, guerre) en d'autres. Ces contours elliptiques y sont
mouvant dans un jeu constant d'expansion et de repli, de fragilité et de force. Les
tracés rectilignes nord-sud ont leurs fonctions spécifiques, ce sont des surfaces étroites
de transport, des sillages fréquentés par certaines tribus et pas par d'autres. Parler
du Sahara c'est lui rendre ses vraies dimensions, l'imaginer dans un vêtement déme- 98 / O. Vergniot
sure quand il est difficilement accessible, et l'ajuster au fur et à mesure de l'accé
lération des moyens de communications.
Comprendre le Maroc par rapport au Sahara c'est comme appréhender une his
toire de navigation, celle d'une autorité à quai devant une mer à prendre. Il faut
y déceler les diverses méthodes d'approche, la longue avancée par cabotage, sa
lente amélioration, bien peser les sorties au grand large, car comme pour la Médit
erranée de Braudel, ces sorties furent pendant longtemps des prouesses et seules
sont tentées les prouesses utiles. Mettre en valeur le système circulatoire mais aussi
les cassures dans le temps de ce système, les points d'ancrage qui subsistent ou
disparaissent, les relais nouveaux qui surgissent dans des domaines aussi divers
que le transport, le commerce ou le religieux, la force respective de ces attaches
sans oublier de jauger la force centripète des espaces en creux, délaissés mais réels.
Il est impératif de sortir d'une double logique dominante et antinomique, celle
de l'étanche et du perméable, pour enfin juger de la distance et de ses effets. Com
ment mesurer cette distance ? Dispose-t-on d'un instrument suffisamment fiable ?
D'un point de mire relativement constant pour être crédible et fidèle à la conti
nuité historique?
La venue involontaire depuis le début du XVIIIe siècle d'étrangers sur les côtes
du Sahara et la persistance de ces naufrages jusqu'au XXe siècle sont sans conteste
l'occasion d'un balisage temporel, un matériau répétitif qui peut se révéler être
d'une grande utilité historique. Mais l&#

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