Devenir adulte, un défi perdu pour Alexandre. Sur quelques témoignages des orateurs attiques - article ; n°1 ; vol.112, pg 13-26
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age - Année 2000 - Volume 112 - Numéro 1 - Pages 13-26
Elias Koulakiotis, Devenir adulte, un défi perdu pour Alexandre. Sur quelques témoignages des orateurs attiques, p. 13-26. Grâce à leur proximité temporelle, les informations des orateurs athéniens concernant Alexandre constituent un témoignage important pour la genèse et la formation de son mythe. Si la propagande officielle du roi le présentait comme un nouvel avatar d'Achille, le héros grec par excellence, la réponse de la polis était un effort de déconstruire cette image en dessinant un Alexandre enfant (pais) immature et inachevé, tant au niveau politique qu'au niveau personnel, sexuel et familial. Cette représentation d'Alexandre avec une éphèbie prolongée et à la recherche de son identité va survivre dans la rhétorique hellénistique et aura quelques reflets dans l'Alexandre du Roman.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Elias Koulakiotis
Devenir adulte, un défi perdu pour Alexandre. Sur quelques
témoignages des orateurs attiques
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 112, N°1. 2000. pp. 13-26.
Résumé
Elias Koulakiotis, Devenir adulte, un défi perdu pour Alexandre. Sur quelques témoignages des orateurs attiques, p. 13-26.
Grâce à leur proximité temporelle, les informations des orateurs athéniens concernant Alexandre constituent un témoignage
important pour la genèse et la formation de son mythe. Si la propagande officielle du roi le présentait comme un nouvel avatar
d'Achille, le héros grec par excellence, la réponse de la polis était un effort de déconstruire cette image en dessinant un
Alexandre enfant (pais) immature et inachevé, tant au niveau politique qu'au niveau personnel, sexuel et familial. Cette
représentation d'Alexandre avec une éphèbie prolongée et à la recherche de son identité va survivre dans la rhétorique
hellénistique et aura quelques reflets dans l'Alexandre du Roman.
Citer ce document / Cite this document :
Koulakiotis Elias. Devenir adulte, un défi perdu pour Alexandre. Sur quelques témoignages des orateurs attiques. In: Mélanges
de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 112, N°1. 2000. pp. 13-26.
doi : 10.3406/mefr.2000.3745
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9883_2000_num_112_1_3745ELIAS KOULAKIOTIS
DEVENIR ADULTE,
UN DÉFI PERDU POUR ALEXANDRE
SUR QUELQUES TÉMOIGNAGES DES ORATEURS ATTIQUES1
Le problème des sources a été plusieurs fois posé par les historiens
d'Alexandre2. Dans cette longue discussion, la place des orateurs attiques et
leur crédibilité a été l'objet de fortes controverses3. Ce n'est pas l'exactitude
des informations procurées sur l'Alexandre « historique » qui nous intéresse
ici, mais plutôt l'image qu'ils tracent de lui. Pour les historiens de l'imagi
naire, leurs témoignages deviennent plus précieux quand on pense qu'au-
delà d'une opinion personnelle, ils résonnent aussi des anecdotes et des ru
meurs répandues pendant les débats et les discussions de l'assemblée athé
nienne. Ces témoignages gardent donc la fraîcheur et la spontanéité d'un
contemporain, de celui qui n'était pas seulement spectateur ou auditeur,
mais, comme Eschine ou Démosthène, a personnellement connu Alexand
re. Comme nous espérons le montrer par la suite, ces orateurs ont entrevu
dès le début quelques traits constitutifs de la persona du prince macédon
ien, et, à leur manière, ils ont contribué à la genèse et à la formation de
son mythe. Ainsi, en passant d'une forme orale à une autre écrite et pub
liée, les textes des discours élaboraient et mettaient en circulation cer-
1 Cet exposé est puisé dans ma thèse de doctorat sur les représentations d'A
lexandre le Grand dans la tradition grecque «non-historique» (rhétorique, philo
sophie et roman) jusqu'au IIIe siècle après J.-C. J'ai commencé cette recherche avec
Pierre Vidal-Naquet à l'EHESS de Paris et je la continue avec Alexander Demandt à
la Freie Universität de Berlin. J'aimerais remercier François de Polignac de m'avoir
invité à la table ronde sur l'«Alexandre, figure de l'inachèvement», ainsi que les
autres participants pour leurs remarques pendant la discussion. Je remercie égale
ment mon ami Bernard Kreise qui a relu mon texte.
2 Sur la bibliographie récente voir J. Carlsen, Alexander the Great (1970-1990),
dans Id. et al. (éd.), Alexander the Great, Reality and Myth, Rome, 1993 (Analecta Ro
mana Instituti Danici, Suppl. XX), p. 41-52.
3 Voir par ex. I. Worthington, Greek Oratory, Revision of Speeches and the Pro
blem of Historical Reliability, dans Classica et mediaevalia, 42, 1991, p. 55-74.
MEFRM - 112 - 2000 - 1, p. 13-26. 14 ELIAS KOULAKIOTIS
tains aspects importants de l'«alexandrographie». Bien sûr, dans cet expo
sé nous n'allons discuter que les passages qui éclairent le sujet de notre
rencontre.
Nous allons surtout nous référer à deux discours d'Eschine qui font
partie de son duel oratoire avec son ennemi politique et personnel, Démos-
thène4. Ces discours contiennent des passages concernant Alexandre, dont
le nom est cité dans la trame de l'argumentation rhétorique. Le premier, le
Contre Timarque, a été écrit à la fin de l'année 346. Afin de situer en deux
mots le contexte du discours, nous aimerions mentionner qu'il a été pro
noncé pendant le procès de l'affaire de l'ambassade athénienne auprès de
Philippe, à Pella. Démosthène et Eschine étaient parmi les envoyés qui
eurent l'occasion de faire la connaissance d'Alexandre dans la capitale ma
cédonienne. À leur retour, Démosthène avait accusé Eschine de s'être ven
du à Philippe, et pour prononcer son accusation, il utilisa son compagnon
politique Timarque. Malheureusement pour Démosthène, les mœurs de T
imarque n'étaient pas irréprochables : dans sa jeunesse il se prostituait,
semble-t-il, chose qui, selon la loi athénienne, lui interdisait de déposer une
accusation sous peine d'être privé de ses droits politiques. Eschine s'appuie
sur cette loi pour léser Timarque et son ami. On lit dans le discours,
presque comme un leitmotiv, l'affirmation selon laquelle les mœurs irr
éprochables font un homme politique respectable. Même si l'argumentation
du discours concerne pro forma la vie privée de Timarque et même si l'af
faire de l'ambassade ne se tient qu'en arrière-plan, on peut aisément
comprendre que plus que Timarque c'est Démosthène, le véritable ennemi,
qui est visé. Le nom d'Alexandre n'est cité qu'en passant (§ 166-169), dans la
partie du discours où Eschine, dans son intention d'éviter la participation
de Démosthène au procès en tant que défenseur de Timarque, essaye de
convaincre les juges de l'exclure de la procédure et d'imposer à Timarque
de se défendre lui-même5.
Et pourtant, Eschine sait bien que Démosthène va non seulement in
tervenir, mais essayer de faire passer la discussion du plan civique au plan
4 Pour le contexte historique voir Cl. Mossé, Les procès politiques et la crise de la
démocratie athénienne, dans Dialogues d'histoire ancienne, 1, 1974, p. 207-236 :
p. 225-231.
5 Cela est, bien sûr, un indice de la crainte d'Eschine pour la droiture oratoire
- et politique - de Démosthène. Il est caractéristique que dans sa démarche, Eschine
identifie Démosthène à Timarque : d'après lui, Démosthène est lui aussi un prostitué
{Contre Tim.., 131 : «Βάταλος, κίναιδος»; cf. aussi Contre Ctés., 167), et par conséquent
lui non plus n'a aucun droit de parler devant la cour, et encore plus d'entreprendre
(en tant que logographe), la défense d'un autre : K. Dover, Greek Homosexuality,
Londres, 1978, p. 19-57. DEVENIR ADULTE, UN DÉFI PERDU POUR ALEXANDRE 15
politique6. C'est pourquoi il essaye de retracer l'argumentation potentielle
et les artifices oratoires de Démosthène. Le chef du clan antimacédonien,
selon Eschine, va tout faire pour présenter le procès contre Timarque
comme une action menée par Eschine afin de prouver son amitié pour Phi
lippe et Alexandre, et sa haine pour Démosthène (§ 169) :
Si, dans le Conseil, j'ai blâmé Démosthène, ce n'était pas pour faire ma
cour au jeune prince, mais dans la pensée que, si vous approuviez les procé
dés de mon adversaire, notre ville paraîtrait rivaliser d'inconvenance avec cet
orateur7.
Mais Démosthène, continue Eschine, ne va pas seulement accuser
Philippe, ce qui est habituel et ce à quoi on peut s'attendre; il ira plus
loin, en exposant ses méchancetés et ses calomnies contre son fils A-
lexandre, qui avait alors onze ans, et cela sous une forme inacceptable
(§ 166-167) :
Mais s'il introduit dans son exposé des développements sans rapport
avec le procès et capables de compromettre les droits de notre état, nous
pourrons à juste titre nous en indigner... Et lorsqu'il insinuera, en un lan
gage détourné, d'odieux soupçons au sujet du fils, il couvrira notre cité de
ridicule.
Ce qui irrite le plus Eschine est que Démosthène, un débauché dépour
vu de toute virilit&#

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