Endophasie et linguistique - article ; n°1 ; vol.132, pg 106-124
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Langue française - Année 2001 - Volume 132 - Numéro 1 - Pages 106-124
Gabriel BERGOUNIOUX : Endophasia and linguistics: breakdowns, quotes, skeletons Endophasia, phenomenologically speaking, is speech without a signal. While its activity was at first noticed in pathology and in dreams as an effect of the intrusion of the unconscious, its everyday existence presents just as much of an enigma for linguistic analysis, which is used to approaching its sequences in scriptural form. Writing being founded on a conventional, and partial, correspondence between graphs and certain properties inherent in phonetic utterances, internal speech by contrast offers only a temporal dimension to acoustic apprehension. This temporal dimension operates on two levels: in the breakdown of phonemes and in their reduction via processes skin to anaphora: quotes. Thus it is on both phonological and semantic levels that endophasia provides the touchstone of theories of language.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gabriel Bergounioux
Endophasie et linguistique
In: Langue française. N°132, 2001. pp. 106-124.
Abstract
Gabriel Bergounioux : Endophasia and linguistics: breakdowns, quotes, skeletons
Endophasia, phenomenologically speaking, is speech without a signal. While its activity was at first noticed in pathology and in
dreams as an effect of the intrusion of the unconscious, its everyday existence presents just as much of an enigma for linguistic
analysis, which is used to approaching its sequences in scriptural form. Writing being founded on a conventional, and partial,
correspondence between graphs and certain properties inherent in phonetic utterances, internal speech by contrast offers only a
temporal dimension to acoustic apprehension. This temporal dimension operates on two levels: in the breakdown of phonemes
and in their reduction via processes skin to anaphora: quotes. Thus it is on both phonological and semantic levels that
endophasia provides the touchstone of theories of language.
Citer ce document / Cite this document :
Bergounioux Gabriel. Endophasie et linguistique. In: Langue française. N°132, 2001. pp. 106-124.
doi : 10.3406/lfr.2001.6318
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2001_num_132_1_6318Gabriel Bergounioux
Université d'Orléans
ENDOPHASIE ET LINGUISTIQUE
DÉCOMPTES, QUOTES ET SQUELETTE
À la parole intérieure, supposé qu'on lui attribue toutes celles qu'on recon
naît à la extérieure, manque une qualité : la production d'un signal par
les organes phonateurs et, partant, la perception d'un auditeur qui ne soit pas
en même temps le locuteur1. Dépourvue de réalisation perceptible, l'endo-
phasie échappe à l'objectivation acoustique, ce qui expliquerait le peu d'inté
rêt que lui ont accordé les linguistes alors que les philosophes d'abord, les
psychologues et les psychanalystes ensuite, ont à plusieurs reprises traité,
dans leurs catégories particulières, d'un phénomène qui conditionnait leur
constitution disciplinaire. Dès lors que les critères des sciences du langage
sont évacués, l'endophasie se trouve ramenée à une pensée, à la « physiologie
de l'esprit» (Maudsley 1879), comme si l'intercession d'une langue n'était pas
décisive pour l'organisation et le fonctionnement mental, comme s'il était pos
sible d'en faire abstraction. À défaut d'une considération scientifique pour les
formes de son expression, la parole intérieure a fait irruption ici et là en litt
érature où le soupçon pèse sur l'énonciateur dans une interrogation devenue
récurrente concernant le statut de l'auteur2.
Identifiée à une modalité du silence, privée des attestations de la phonét
ique instrumentale et des vérifications empiriques qui s'en autorisent, sans
corpus immédiat, l'endophasie ne se prête pas d'évidence à une investigation
concernant la dimension signifiante de son exercice. Elle prélude à une cri
tique de la connaissance en interposant, entre l'observateur et son observat
ion, des productions régies par leurs principes propres. Par où commencer
pour les jauger, en déterminer la mesure, sinon par ce qui s'y conserve de per
ceptible, de comptable ? Quelle donnée physique subsiste dans la mentalisa-
tion dont la mentalisation ne saurait faire l'économie ? Comment procéder
pour y accéder sinon par l'évaluation quantitative de la parole intérieure sur
le locuteur, le discours et la langue ?
1. Dans cet article, on parlera de signai exclusivement pour le phénomène physique, la dépense
d'énergie quantifiable et capturable : ainsi restreinte, la définition exclut l'endophasie.
2. Cf. Puech & Lavialle (2000).
106 1. Une parole continue
Intuitivement, la rumeur de la parole du dedans semble à peu près indis
sociable de la vie intérieure des locuteurs, un constat qui a pour lui l'évidence
de l'expérience collective, de ce que chacun connaît de lui et de la verbigéra-
tion qui l'escorte. Nécessité, propriété ou exigence, l'endophasie s'avérerait
handicapante par ce qu'elle accapare d'attention et de jugement si elle n'était
au contraire ressentie réflexivement comme l'attestation tangible d'une pré
sence psychique à soi et au monde par quoi s'identifie à ses actes et pour lui-
même un agent qui ne conçoit pas de rompre un fil inhérent à ce qu'il s'ima
gine être. Pourquoi est-ce par un discours que se produit la manifestation et
l'épanchement continu d'un esprit à l'exercice ? Est-ce en conséquence du
développement des lobes antérieurs que le cerveau serait tenu d'assurer la
permanence de son fonctionnement, par une sécrétion ininterrompue que
l'apprentissage des conduites sociales fixerait dans les formes d'un dialogue
intérieur ? Le darwinisme a mis l'accent sur la complexification croissante des
tâches dans la hiérarchie du vivant3. L'architecture mentale exige-t-elle qu'à
chaque sollicitation de l'environnement ou du corps, qu'à chaque stimulus
parvenu au cerveau ou généré par lui, soit associée une interprétation
discursive ? L'accompagnement sonore tiendrait-il lieu, dans l'espèce
humaine, des réponses assurées dans le règne animal par l'instinct et la coap-
tion entre VUmwelt et Ylnnenwelt (Von Uexkull 1965) ?
Dès ses premiers essais pour démarquer du verbal l'appréhension qu'elle
avait d'un esprit toujours menacé de régresser vers l'âme, la psychologie a
avancé comme argument de sa propre existence des témoignages d'une
« pensée sans langage » répartie entre les sensations, la pensée concrète, la par images d'un côté, la pensée abstraite des calculs de l'autre. Les
processus mentaux ainsi décrits obèrent et dissimulent le plus essentiel de ce
qui advient sur la scène du dedans : le propos que le locuteur s'administre et
dont il ne se déprend pas. L'application rigoureuse des critères qui catégo
risent les manifestations psychiques devrait, du fait de l'absence de signal,
assigner le statut d'hallucination à l'endophasie puisqu'en même temps que
font défaut les conditions de son apparition (le souffle, la dépense d'énergie,
la variation périodique et localisée de la pression d'air), une parole bien dis
tincte est perçue mentalement. Or, en réservant le cas des états pathologiques
(Freud 1975, Schreber 1975, Lacan 1966 & 1981), au lieu d'être ressentie
comme une intrusion, elle coïncide avec ce que le locuteur (ou plutôt l'audi
teur) considère comme l'affirmation même de son existence. Pas d'activité
vigile qui ne soit accompagnée d'une sonorisation intériorisée, fût-elle réduite
aux inepties de l'avant-sommeil, aux remembrances du vieillard idiot, à un
ressassement ou une ritournelle, et pas non plus d'activité onirique.
3. C'est-à-dire du plus archaïque au plus récent, du plus organisé au moins organisé, du plus
simple au plus complexe et du plus automatique au plus volontaire.
107 Depuis que des savants se sont assigné d'élucider le rêve (Hobson 1992), il
est apparu d'évidence qu'un récit parlé allait se poursuivant pendant une
partie au moins du périple nocturne, en sorte que le harcèlement du discours,
loin de s'interrompre avec l'endormissement, resurgit explicitement, quoique
de façon sporadique, dans une relation problématique au locuteur qui en est
fait plutôt le témoin que l'auteur. Parti en quête des motifs de cette parole
échappée au contrôle de celui qui, à défaut de la revendiquer, en est le lieu,
Freud démarquait d'une conscience dont la consistance vacillait la puissance
d'un inconscient qui se soutient d'un propos établi selon les modalités ana-
morphosantes de la condensation et du déplacement. Au psychanalyste qui
en établit les minutes, le rêve se présente comme un discours en sorte
qu'aucune distinction (Arrivé 1986 & 1994) ne paraît être faite entre le rêve et
le récit du rêve chez Freud, d'où se conclut qu'ils se confondent. La
découverte freudienne (1975 [1925]), partant du rêve (1900), passant par les
incongruités du lapsus (1901) et la vis comica du Witz (1905), de façon plus
sombre par le traitement des psychopathologies (notamment la confrontation
déstabilisante au discou

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