Geste et parole - article ; n°1 ; vol.68, pg 66-84
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Description

Langue française - Année 1985 - Volume 68 - Numéro 1 - Pages 66-84
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Geneviève Calbris
Geste et parole
In: Langue française. N°68, 1985. pp. 66-84.
Citer ce document / Cite this document :
Calbris Geneviève. Geste et parole. In: Langue française. N°68, 1985. pp. 66-84.
doi : 10.3406/lfr.1985.6355
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1985_num_68_1_6355Geneviève Calbris
E.N.S. de Saint-Cloud, CREDIF
GESTE ET PAROLE
Le geste fait partie de toutes les activités humaines : hygiénique,
ménagère, artisanale ou industrielle, artistique, sociale, religieuse. De la
manifestation la plus symbolique à la plus physique, ces activités
communes aux diverses sociétés restent culturelles l. Bien sûr, on retrouve
le geste dans l'activité langagière.
Tels deux frères, les signes gestuel et verbal vont de pair, l'un
doublant l'autre lors de renonciation, à tel point synonymes que le gestuel
équivalant au verbal va pouvoir le remplacer partiellement, ou complè
tement dans certains cas. En fait, le gestuel pourrait être un vieux frère
ontogénétique du verbal et lui rappellerait souvent les étapes de son
évolution du concret vers l'abstrait : le geste est étymologique et méta
phorique. Il remémore le premier sens concret du mot; il est également
là pour attester le passage du sens propre au sens figuré. Plus concret,
plus ancien et plus inconscient, le signe gestuel diffère du verbal. Il aurait
pour spécificité d'assurer un lien constant entre le concret et l'abstrait.
Geste dans le discours
Je ne parlerai pas ici des gestes (auto)synchronisateurs qui scandent
l'énoncé du locuteur ou de l'interlocuteur, mais de ceux qui l'illustrent,
le complètent ou le remplacent. Comme le geste a un signifié qui lui est
propre, j'adopte, dans les divers cas inventoriés ci-après, un ordre lui
accordant un rôle et une importance progressivement moindres : geste
remplaçant un énoncé, puis la fin d'un énoncé; geste complémentaire,
ou synonyme, accompagnant un énoncé.
1. Cet aspect anthropologique du geste fait l'objet d'étude du Centre de documentation et de
recherche sur la réalité gestuelle des sociétés humaines, • Jeune Équipe », n° 420025 du C.N.R.S., qui
diffuse ces documents dans une revue Geste et Image, B.P. 233, 75227 Paris Cedex-05.
66 Geste remplaçant un énoncé
II ne sera pas fait mention ici des divers systèmes gestuels établis
pour se substituer à la parole lorsqu'il y a impossibilité ou difficulté, au
niveau soit de l'émission, soit de la transmission, soit de la réception.
Par exemple, l'émission vocale est impossible pour des raisons physiques
(c'est le cas des sourds-muets), pour des raisons particulières d'ordre
religieux (loi du silence pour les religieux contemplatifs), ou des raisons
techniques (messages codés entre techniciens de radio-télévision). Le
sémaphore, les gestes propres à la plongée sous-marine, aux turfistes, aux
boursiers... sont des codes inventés pour pallier l'impossibilité de trans
mission sonore. Enfin, lorsque interlocuteur et locuteur ne partagent pas
la même langue, ce dernier s'improvise mime pour la circonstance.
Je ne fais allusion qu'aux gestes substituts de la parole rencontrés
dans la vie quotidienne ou la conversation courante. Dans la liste des
exemples dont je dispose, on relève deux sous-ensembles de gestes subst
ituts, l'un rattaché à des conditions physiques, l'autre à des raisons
psychologiques.
Raison physique
Pour se « faire entendre », deux interlocuteurs séparés par la distance,
le bruit ambiant ou la vitre d'une voiture doivent recourir au geste :
1. A un piéton qui traverse hors des clous, un automobiliste fait un appel
de phare et, dans un plan sagittal, secoue sentencieusement l'index levé;
2. Dans le téléfilm Médecins de Nuit, un médecin hèle un taxi. Derrière sa
vitre, le chauffeur secoue latéralement V index. C'est non, il a fini sa journée;
3. Voici une publicité télévisée : contrairement à son habitude, une jeune
femme décide, grâce à Supradyne, de faire le trajet à pied. Au conducteur
d'autobus qui la double, étonné, elle s'explique gestuellement : main dirigée
vers la poitrine « moi? »; main ou index secoués transversalement en plan
frontal « non non »; main en plan sagittal abaissée vers l'avant «j'y vais
à pied » ; 4. Sur la route d'Orly, un chauffeur de taxi Mercedes qui se vantait
de conduire vite et bien, me rapporte un dialogue par gestes, et pour cause,
entre des motards et lui : « Ça j'ai filé, alors les motards... », il lève sa main
droite pour la secouer selon une diagonale NE-SO puis, paume vers le sol,
la fait osciller à plusieurs reprises vers le bas, enfin il la porte à la tempe,
paume vers l'extérieur. Il reproduisait un geste de menace suivi d'un conseil
de ralentissement de la part des motards auquel il avait répondu par le
salut militaire à* obéissance.
Raison psychologique
Devant le nombre de gestes substituts de la parole qui sont des
réactions négatives à un comportement ou à un avis d'autrui, je suis
amenée à penser que c'est peut-être là une manière de dénigrer ou de
critiquer autrui sans grand risque. On exprime l'implicite tout en restant
prudemment dans le non-dit. Le sujet peut dénigrer, manifester son
agacement, son scepticisme ou son désaccord, refuser de croire sans qu'on
n ait rien à lui reprocher : il n'a rien dit ! De plus, il peut toujours
avancer une raison physique à sa mimique.
67 1. Au cours d'un Dossier de l'Écran sur A2 2, un ecclésiastique souffle en
basculant la tête sur la gauche pour faire comprendre que l'entêtement d'un
invité commence à sérieusement « le fatiguer ». A un autre moment, et
toujours pour la même raison, il la basculera cette fois en levant les yeux
pour le prendre à témoin de l'exagération du locuteur; 2. Un homme dénonce
l'idiotie, la maniaquerie d'un collègue à un cadre de 35 ans. Celui-ci abonde
gestuellement dans le même sens en secouant latéralement la tête, épaule
levée. Son mouvement de tête est ici synonyme de « c'est pas vrai! »; 3. Le
dénigrement d'autrui n'est pas toujours consciemment destiné au public
comme le prouve cette situation vécue dans le bus où, après avoir regardé
sur le trottoir un clochard déjà titubant avaler une gorgée de rouge, le
retraité assis à côté de moi secoue latéralement la tête. Compte tenu de la
situation, j'ai pu comprendre que son mouvement de tête exprimait une
exclamation de dénigrement à forme verbale négative « si c'est pas mal
heureux! »; 4. Une assistante, présidente de séance au cours d'une A. G.,
balance alternativement la tête à droite et à gauche pour exprimer une
hésitation sceptique devant l'hypothèse émise par l'un des membres de
l'assemblée ; 5. C'est par une onomatopée répétitive /с с с с/ et la paume
levée contre l'extérieur qu'un politicien marque son désaccord et essaie
d'arrêter un journaliste qui le cite (télé).
Ainsi, la paume est levée contre l'extérieur pour arrêter (5), la tête
brusquement basculée sur un côté pour marquer l'exagération d'autrui
(1), balancée latéralement pour l'hésitation (4), secouée latéralement pour
des sous-entendus à forme négative (2 et 3) ou levée pour prendre le ciel
à témoin de son infortune (1), à moins que le locuteur n'exprime sa
fatigue de quelqu'un ou de quelque chose par un souffle prolongé (1).
J'ai relevé dans un même film, L'Argent des Autres, plusieurs
séquences muettes où le geste remplace la parole :
1. Dans une salle d'attente, une réceptionnistre entre et regarde le héros
(J.-L. Trintignant). Sans rien dire, celui-ci se désigne de l'index, puis se lève
n'ayant pas eu de réponse négative; 2. En réponse au chauffeur de taxi qui
lui demande « où allons-nous? », J.-L. Trintignant, muet, abaisse plusieurs
fois en avant le tranchant de la main dans un plan sagittal; 3. Plus tard,
recevant un visiteur, il tend la main vers ses épaules pour l'inviter à enlever
son imperméable.
A la limite de l'impol

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