Gor kij et les « citoyens mécaniques » - article ; n°1 ; vol.29, pg 67-78
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1988 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 67-78
Georges Nivat, Gor'kii and the mechanical citizens.
The article analyses Gor'kii's play, Somov i drugie within two contexts. The first is that of the year 1930, of the first great Stalinist trials, of the momentous part played by Gor'kii's articles in framing up an hysterical campaign against the traitors-engineers and the so-called Industrial party. A close analysis of the Pravda and of Gor'kii's statements allows to outline this witch hunt. The play was intended to serve as an illustration of the plot of the engineers. The second context is that of Gor'kii's former works, such as his 1904 and 1906 plays staging engineers. The renewed use of Gorkian longlived themes and of his pet aversions is striking. It would seem that the author finally refused to allow the performance of his play. Was this due to remorse or for fear of a failure ? Does the music teacher who at the end of the play is arrested together with the plotters embody Gor'kii's own ambiguous position ?
Georges Nivat, Gor'kij et les « citoyens mécaniques ».
L'article analyse la pièce de Gor'kij Somov i drugie selon deux contextes. Le premier, c'est celui de l'année 1930, des premiers grands procès staliniens, de la part éminente que Gor'kij, par ses articles, prit dans le montage d'une campagne hystérique contre les ingénieurs-« traîtres » et le soi-disant « Parti industriel ». L'analyse de la Pravda et des interventions de Gor'kij permet de faire le profil de cette « chasse aux sorcières ». La pièce fut écrite comme une illustration du « complot des ingénieurs ». Le second contexte est celui de l'œuvre antérieure de Gor'kij, en particulier des pièces de 1904 et 1906 où sont mis en scène des ingénieurs. Le réemploi de vieux thèmes gorkiens et de vieilles aversions gorkiennes est frappant. L'auteur semble avoir finalement refusé de laisser jouer sa pièce. Remords ou échec ? Le « professeur de musique » qui, à la fin de la pièce, est arrêté avec les « comploteurs » figurerait-il l'ambiguïté de Gor'kij lui-même ?
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 112
Langue Français

Extrait

Georges Nivat
Gor'kij et les « citoyens mécaniques »
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 29 N°1. Janvier-Mars 1988. pp. 67-78.
Citer ce document / Cite this document :
Nivat Georges. Gor'kij et les « citoyens mécaniques ». In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 29 N°1. Janvier-Mars
1988. pp. 67-78.
doi : 10.3406/cmr.1988.2132
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1988_num_29_1_2132Abstract
Georges Nivat, Gor'kii and the "mechanical citizens".
The article analyses Gor'kii's play, Somov i drugie within two contexts. The first is that of the year 1930,
of the first great Stalinist trials, of the momentous part played by Gor'kii's articles in framing up an
hysterical campaign against the "traitors"-engineers and the so-called "Industrial party". A close analysis
of the Pravda and of Gor'kii's statements allows to outline this "witch hunt". The play was intended to
serve as an illustration of the "plot of the engineers." The second context is that of Gor'kii's former
works, such as his 1904 and 1906 plays staging engineers. The renewed use of Gorkian longlived
themes and of his pet aversions is striking. It would seem that the author finally refused to allow the
performance of his play. Was this due to remorse or for fear of a failure ? Does the "music teacher" who
at the end of the play is arrested together with the "plotters" embody Gor'kii's own ambiguous position ?
Résumé
Georges Nivat, Gor'kij et les « citoyens mécaniques ».
L'article analyse la pièce de Gor'kij Somov i drugie selon deux contextes. Le premier, c'est celui de
l'année 1930, des premiers grands procès staliniens, de la part éminente que Gor'kij, par ses articles,
prit dans le montage d'une campagne hystérique contre les ingénieurs-« traîtres » et le soi-disant «
Parti industriel ». L'analyse de la Pravda et des interventions de Gor'kij permet de faire le profil de cette
« chasse aux sorcières ». La pièce fut écrite comme une illustration du « complot des ingénieurs ». Le
second contexte est celui de l'œuvre antérieure de Gor'kij, en particulier des pièces de 1904 et 1906 où
sont mis en scène des ingénieurs. Le réemploi de vieux thèmes gorkiens et de vieilles aversions
gorkiennes est frappant. L'auteur semble avoir finalement refusé de laisser jouer sa pièce. Remords ou
échec ? Le « professeur de musique » qui, à la fin de la pièce, est arrêté avec les « comploteurs »
figurerait-il l'ambiguïté de Gor'kij lui-même ?GEORGES NIVAT
GOR'KIJ ET LES « CITOYENS MECANIQUES »
II y a l'écrivain issu du peuple, le romantique, le chantre de l'énergie, le romanc
ier didactique de La mère (Mať, 1906), le créateur des figures émouvantes de
marginaux, de révoltés, au premier rang desquels Foma Gordeev (1899). Il y a le
conteur de la trilogie autobiographique de 1913-1916 portée à l'écran par Donskoj
en 1937.
Il y a le marxiste hérétique, bolchevik à certains moments, gnostique à d'autres,
l'enthousiaste adepte de la « construction de Dieu », des théories de Bogdanov,
mises en fiction dans Confession (Ispoveď) de 1908.
Il y a le peintre des cruautés de la vie russe, des mesquineries, des violences ca
chées, de la barbarie hypocrite de la vie des profondeurs russes (le cycle de La ville
d'Okurov (Gorodolc Okurov, 1909), La vie de Maîvej Kokmjakin (Žizri Matveja
Kozemjakina, 1911)).
Il y a l'immense gloire du Gor'kij élu à l'Académie en 1902, rayé par Nicolas II,
ce qui provoque la démission de Čehov. C'est cette gloire d'écrivain-exilé,
d'écrivain du peuple martyrisé qui explique les rapports de Gor'kij avec les bolche
viks : il est une gloire que l'on cherche à attirer, dont l'apport est une aubaine. Ce
grand seigneur-prolétaire-bolchevik-hérétique aura en 1917 une attitude originale :
attaque frontale contre Lenin, Trockij et tous ceux qui « déshonorent la révolu
tion ». Lenin supporte, longtemps. La publication de Gorkij n'est interdite qu'en
juillet 1918. Mais Gor'kij ne proteste guère. Étrange jeu de fascination-répulsion
entre le maître du pays et le maître des esprits.
En 1924 Gor'kij saluera la mémoire de Lenin, en lui attribuant une haine pour
la laideur du malheur qui est plutôt une formule qui sied à Gor'kij lui-même :
« A mes yeux, ce qu'il y avait en lui d'exceptionnellement grand, c'était précisément ce
sentiment d'hostilité implacable, inextinguible envers les souffrances humaines, son ar
dente conviction que les malheurs ne sont pas le fondement indispensable de l'existence,
mais une laideur que les hommes doivent et peuvent balayer loin d'eux. Ce trait fonda
mental de son caractère, je le qualifierai d'optimisme militant, et ce trait n'a rien de
russe. »
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXIX (1), janvier-mars 1988, pp. 67-78. 68 GEORGES NIVAT
Ce GorTcij, mi-hérétique, mi-adulé, ne peut s'interpréter sans lire ses Notes sur
le paysan russe (0 russkom Icrestjanine). Etonnant acte d'accusation qui fait com
prendre qu'au cœur de Gor'kij, il y a la peur de la barbarie russe, la hantise que ne
se déchaîne l'âme asiatique du Russe, l'appréhension que le barrage ne soit trop
frêle.
En 1917, Gor'kij est contre Lenin parce qu'il voit en lui un dangereux manipul
ateur de la barbarie russe.
En 1928, flatté par Stalin, Gor'kij rentre pour une tournée triomphale car le bar
rage est là : c'est Stalin. Prudent, Gor'kij ne quittera pourtant définitivement Sor-
rente qu'en 1933. Il intronise la nouvelle Union des Ecrivains en 1934. Il apparaît
un servant du stalinisme dans ses étonnants articles de 30 et 31 : « Quand l'ennemi
ne se rend pas, on l'écrase ! »
Approuve-t-il l'écrasement de la paysannerie ? En est-il même l'inspirateur ?
Le gnostique, l'adorateur de l'énergie n'a pas changé. De 1899 à 1931 ce noyau
reste. Mais le contexte le veut ainsi : Gor'kij a joué un rôle de bourreau.
En 1916 Leonid Andreev parlait des « deux âmes de Maksim Gor'kij ». Tout le
mal, pour lui, vient de l'Orient. Il est le dénégateur forcené d'un « Ex oriente lux ».
Il n'a pas un mot en faveur du peuple russe. Entre l'âme obscure de l'Orient et l'âme
de l'Occident - pas de troisième âme. Le Nestor russe de la chronique, tous ces
contemplatifs, ces âmes de moujiks bons, ces Slavophiles éperdument amoureux du
peuple sont ce qu'il y a de pire en Russie...
Il n'y avait pas de plus grand ant i nationaliste, de plus déclaré « fanatique » des
Lumières, et cela conduisit Gor'kij à des pages réellement sombres de son destin.
La pièce Somov et les autres (Somov i drugie) en est une. Les sarcasmes dont le
couvre au passage Aleksandr Zinov'ev dans ses Hauteurs béantes (Zijajuščie vyso-
ty) s'adressent au Gor'kij haineux qu'il nous faut maintenant tenter de comprendre :
« Vintelligent dit qu'il fallait prendre en compte la transformation de la haine en
mensonge, que, vraisemblablement, cela aussi était inscrit dans les gènes. »
« L'histoire remplit très bien le travail de vidangeur », écrit Gor'kij dans un ar
ticle du début 1931, « Au sujet du suicide » (« O samoubijstve »). Il faut le dire,
l'histoire s'était mise à ce travail de vidange avec un zèle spectaculaire depuis no
vembre 1930. C'est l'époque de la campagne hystérique contre les koulaks, les sa
boteurs, les embusqués, les déserteurs, les traîtres...
Le 1er novembre 1930 l'éditorial de la Pravda déclare : « Aux nouveaux assauts
des agents de l'ennemi de classe, et aux embusqués nous répondrons par une dé
nonciation impitoyable des opportunistes tant de droite que de gauche »K Le lende
main le poète Bczymenskij hausse le ton dans un poème au litre parlant : « Coup
pour coup » :
« Notre ultimatum
Est sévère et têtu !
Que chaque camarade
Se hâte d'y répondre !
Celui qui sur ce sujet
Aujourd'hui se tait -
Demain trahira ! » ET LES « CITOYENS MÉCANIQUES » 69 GOR'KIJ
Le 1 1 novembre on en arrive à la publication des « conclusions de l'accusation
dans l'affaire de l'organisation contre-révolutionnaire de l'Union d

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