Herzen et Proudhon - article ; n°1 ; vol.12, pg 110-188
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1971 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 110-188
79 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Extrait

Michel Mervaud
Herzen et Proudhon
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 12 N°1-2. pp. 110-188.
Citer ce document / Cite this document :
Mervaud Michel. Herzen et Proudhon. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 12 N°1-2. pp. 110-188.
doi : 10.3406/cmr.1971.1837
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1971_num_12_1_1837DOSSIER
MICHEL MERVAUD
HERZEN ET PROUDHON
Lorsqu'il y a cent ans s'achevait prématurément la vie d'Alexandre
Herzen, la « jeune émigration », qui ne connaissait guère son œuvre,
le considérait depuis un certain temps déjà comme dépassé. Sans doute,
l'un de ces nouveaux venus, N. I. Utin, avait-il fini par apprécier
à sa juste valeur le rôle historique de son illustre devancier. Pourtant,
soupçonnait-il que ce lutteur, dont il louait la « fermeté », ne se
contentait pas d'avoir le souci de l'actualité la plus immédiate, mais
gardait toujours présentes à l'esprit les questions décisives qui se
posaient à la Russie ? Concerné par tout ce qui touchait son pays,
au fait de tous les grands problèmes qui agitaient l'Europe, Herzen
pouvait légitimement se considérer comme un homme de son temps.
Il avait aussi le droit, pensait-il, de dénier ce titre à quiconque n'avait
pas, comme lui, vécu les pensées qui hantèrent ses deux grands contemp
orains, Hegel et Proudhon ; à quiconque n'était pas passé par le « creu
set » de la Phénoménologie de l'Esprit et n'avait pas été « trempé » par le
Système des contradictions économiques. Deux œuvres maîtresses que Her
zen, à l'heure des bilans, c'est-à-dire à l'époque des Mémoires, n'hésite
pas à mettre sur le même plan : autant que celle de Hegel, la pensée
de Proudhon est indispensable à la formation de l'homme moderne1.
Est-ce à dire que, « grand zélateur des doctrines proudhoniennes »,
Herzen « partageait les paradoxes » du philosophe de l'anarchie posi
tive ?2 Admettrons-nous, avec l'ironie d'Engels, qu'en envisageant le
développement des idées révolutionnaires en Russie, « Monsieur Herzen
s'est beaucoup simplifié cette tâche, se garantissant des insuccès en
construisant à l'hégélienne une république russe communiste prou-
dhonienne, démocratique et sociale, dominée par le triumvirat Baku-
nin-Herzen-Golovin » ?3
1. A. I. Herzen, Byloe i dumy (Passé et pensées) (cité infra : BD), in Sobranie
socinenij v 30-ti toinah (Œuvres en 30 volumes) (cité infra: Soč.), Moscou, éd.
de l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S., 1954-1966, IX, p. 23.
2. V. Fleury, Le poète Georges Henvegh, Paris, 1911, pp. 153 et 133.
3. F. Engels à Weydemeyer, 12 avril 1853. HERZEN ET PROUDHON III
Herzen n'est certes pas un « révolutionnaire sanglant » ni un « ter
roriste », Ogarev l'en défend sans peine1 ; pourtant, certains textes
« nihilistes » inspirés par la Révolution de 1848, — tels passages des
Pis'ma iz Francii i Itálii (Lettres de France et d'Italie) ou de Vont
anderen Ufer (De l'autre rive), sans parler de lettres comme celle des
5-8 novembre 1848 que seuls connaissaient les amis moscovites à qui
elle était adressée2 — , pouvaient frapper l'opinion par leur authentique
radicalisme. Si Proudhon, quant à lui, passait pour un dangereux
révolutionnaire, n'était-ce pas dû à une singulière méprise ?3 N'était-ce
pas la conséquence de formules lapidaires, d'apparence audacieuse,
mais répondant à des questions mal posées, comme « la propriété,
c'est le vol »? A un détracteur qui accusait Herzen d'être proudhonien
et de vouloir détruire tout gouvernement, Ogarev montrait facilement
que ces deux assertions étaient contradictoires, puisque Proudhon,
qui n'avait d'hostilité pour aucun gouvernement, ne voulait que des
réformes économiques, ce qui lui valait la haine de tous les partis,
républicains de gauche ou communistes4. Le « proudhonisme » de
Herzen serait-il un mythe, comme la légende qui fait de lui un disciple
de Feuerbach ?
La seule étude importante sur les rapports de Herzen et de Prou
dhon est un ouvrage en français, la thèse complémentaire de Raoul
Labry5. Ce livre, écrit il y a plus de trente ans, n'est pas sans mérites,
et l'on y retrouve avec plaisir le style alerte, les formulations nettes,
l'esprit chaleureux de l'auteur de Alexandre Ivanovic Herzen. Essai sur
la formation et le développement de ses idées. Il est dommage que Labry
n'ait pu disposer de tous les documents que nous connaissons actuelle
ment6. Et son essai peut d'autant moins servir d'ouvrage de référence
qu'à ces inévitables lacunes s'ajoutent des erreurs de méthode, qui
expliquent les jugements sévères de la critique soviétique7. Nous ne
saurions, ici, entreprendre une étude exhaustive sur le sujet traité
par Labry. Nous nous proposons seulement d'insister sur ce qui,
à notre sens, constitue le défaut majeur du livre : l'erreur d'interpré-
1. N. Ogarev, « Pis'mo к izclatelju » (Lettre à l'éditeur), Izbrannye social 'no-
političeskie i filosofskie pmizvedenija (Choix d'œuvres philosophiques, politiques
et sociales) (cité infra: SFP), Moscou, 1952, I, pp. 195-196.
2. Soč., XX III, pp. ni et 113.
3. « ... on s'étonne presque que je n'aie ni cornes ni griffes. La terreur que
je cause est vraiment ridicule » (Propos de Proudhon en juin 1848, cités par
E. Dolléans et J.-L. Puech, Proudhon et la Révolution de 1848, Paris, 1948, p. 50).
4. X. Ogarev, op. cit., I, pp. Г95-196.
5. R. Labry, Herzen et (cité infra : H. P.), Paris, 1928, 250 p.
6. Parmi les documents que Labry n'a pu utiliser : cinq lettres de Proudhon
à Herzen, quatre de Herzen à Proudhon, des lettres de Sazonov à Herzen et
de Herzen à Emma et Georg Hervvegh.
7. N. E. Zastenker par exemple écrit que la monographie de Labry est
« superficielle et erronée au possible sur bien des points » {Literaturnoe nasleâstvo/
L'héritage littéraire (cité infra: LX), 1955, 62, p. 526). 112 MICHEL MERVAUD
tation. Nous relèverons, bien entendu, les faits inexacts, surtout à pro
pos de la collaboration de Herzen à La Voix du Peuple. Enfin, la
correspondance, rassemblée pour la première fois, permettra de suivre
les fluctuations dans les rapports de Herzen et de Proudhon.
Pour Labry, « parmi les révolutionnaires russes, Herzen est bien
celui qui est le plus près de Proudhon. Mais il l'était déjà avant de le
connaître... Il était déjà parvenu lui-même à l'idée que la possession
résout la contradiction interne de la propriété. Il s'est donc rencontré
avec Proudhon ; il n'a pas été formé par lui... w1 Quelques pages plus
loin, Labry écrit : « Jusqu'en 1848, Herzen en était resté à l'État
hégélien, conscience du corps social... [Juin 1848] l'amène à distinguer
l'État de la société. Il va ainsi de lui-même vers l'anarchisme prou-
dhonien » pour mener le même combat que Proudhon « contre les sur
vivances monarchiques et religieuses dans la République jacobine
centralisée, sortie du Contrat social... »2 Déjà, dans sa thèse principale,
il avait indiqué quel serait le sens de son étude particulière sur Herzen
et Proudhon ; commentant « la formule toute proudhonienne » qui
selon lui « définit l'anarchisme de Herzen », il aflirmait :
« [Cette formule] ne nous paraît pas, comme nous essaierons de le prouver
plus en détail dans un livre spécialement consacré aux relations de Proudhon et
de Herzen, elle ne nous paraît pas un simple emprunt passager fait à Proudhon,
mais l'aboutissement d'une pensée travaillant dans la même direction que
celle du socialiste français... »*
« Un guide plutôt qu'un maître »4, tel aurait été Proudhon pour
Herzen, les deux hommes manifestant des tendances semblables. En
dépit des conflits d'idées, une amitié profonde les aurait unis, et les
divergences nombreuses, signalées par Labry, apparaissent en fin de
compte comme des oppositions secondaires, l'essentiel demeurant une
prétendue affinité fondamentale : telle est

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