Interactions durables, coopération et confiance - Enseignements d'une enquête - article ; n°1 ; vol.96, pg 55-80

Yorgos Rizopoulos, Cécile Grégoire-Borzeda

Description

Revue d'économie industrielle - Année 2001 - Volume 96 - Numéro 1 - Pages 55-80
A research realized by a sample of Polish enterprises, in the context of systemic transformation, reveals the control of uncertainty as predominant behavior and the weight of durable relations. In various forms of durable interactions - based on complementarities and common past experiences - enterprises develop evolving cooperative attitudes. Some general theoretical teachings are deduced, concerning the reasons and types of inter-firms relations as well as the role and the foundations of trust, given the interest-seeking strategies pursued by economic actors.
Des observations faites au cours d'une enquête réalisée auprès d'un échantillon d'entreprises polonaises révèlent que, dans le contexte de la transformation post-socialiste, ces entreprises privilégient la maîtrise de l'incertitude et la constitution de relations durables à des comportements strictement individualistes. Basées sur des complémentarités et des expériences communes, ces relations sont caractérisées par une multiplicité de formes allant jusqu'au développement d'interactions coopératives évolutives. Les enseignements de ce travail sont confrontés à des apports théoriques plus généraux concernant les relations interentreprises, alors que le rôle de la confiance et les conditions de son émergence à partir de comportements stratégiques intéressés sont discutés.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: REVUE_D-ECONOMIE_INDUSTRIELLE
• Publié le: 01 janvier 2001
• Nombre de lectures: 20
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Yorgos Rizopoulos
Cécile Gregoire Borzeda
Interactions durables, coopération et confiance - Enseignements
d'une enquête
In: Revue d'économie industrielle. Vol. 96. 3e trimestre 2001. pp. 55-80.
Abstract
A research realized by a sample of Polish enterprises, in the context of systemic transformation, reveals the control of uncertainty
as predominant behavior and the weight of durable relations. In various forms of durable interactions - based on
complementarities and common past experiences - enterprises develop evolving cooperative attitudes. Some general theoretical
teachings are deduced, concerning the reasons and types of inter-firms relations as well as the role and the foundations of trust,
given the interest-seeking strategies pursued by economic actors.
Résumé
Des observations faites au cours d'une enquête réalisée auprès d'un échantillon d'entreprises polonaises révèlent que, dans le
contexte de la transformation post-socialiste, ces entreprises privilégient la maîtrise de l'incertitude et la constitution de relations
durables à des comportements strictement individualistes. Basées sur des complémentarités et des expériences communes, ces
relations sont caractérisées par une multiplicité de formes allant jusqu'au développement d'interactions coopératives évolutives.
Les enseignements de ce travail sont confrontés à des apports théoriques plus généraux concernant les relations
interentreprises, alors que le rôle de la confiance et les conditions de son émergence à partir de comportements stratégiques
intéressés sont discutés.
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Rizopoulos Yorgos, Gregoire Borzeda Cécile. Interactions durables, coopération et confiance - Enseignements d'une enquête.
In: Revue d'économie industrielle. Vol. 96. 3e trimestre 2001. pp. 55-80.
doi : 10.3406/rei.2001.1793
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_2001_num_96_1_1793Yorgos RIZOPOULOS
Cécile GRÉGOIRE-BORZEDA
CRIISEA
Université de Picardie
ROSES - CNRS, université de Paris-I
INTERACTIONS DURABLES,
COOPÉRATION ET CONFIANCE
ENSEIGNEMENTS D'UNE ENQUÊTE (*>
Mots-dés : relations interentreprises, coopération, confiance, industrie, transition.
Key words : Inter-Enterprise Relations, Cooperation, Trust, Industry, Transition.
INTRODUCTION
L'idée selon laquelle « faire défection » constitue une stratégie dominante
dans les relations entre agents constitue une tradition forte en analyse écono
mique. Ce postulat ad hoc est issu des hypothèses d'un comportement strict
ement rationnel et individualiste de la part d'acteurs qui sont supposés connaître
les gains correspondants à chaque situation (cf. Sabel, 1992 ; Ménard, 1994 ;
Cordonnier, 1997) (1).
(*) Nous remercions les membres du CRIISEA et du ROSES, tout comme Nathalie Sigot et
Mehrdad Vahabi, pour les nombreux commentaires et conseils qu'ils nous ont prodigués,
ainsi que les deux rapporteurs anonymes dont les critiques et suggestions ont permis des
améliorations sensibles. Nous restons, bien entendu, seuls responsables des insuffisances
ou erreurs éventuelles.
(1) Dans le cadre de la théorie des jeux, les gains d'une défection étant supérieurs aux gains
d'une attitude loyale et la connaissance commune amenant chaque joueur à considérer que
l'autre partie décide de façon substantivement rationnelle, êtiefree-rider devient la seule
stratégie dominante. On retrouve cette idée dans les approches néo-institutionnalistes, où
seuls les dispositifs d'incitation (modèle du principal/agent), et les mécanismes de coerci
tion et de contrôle (théorie des coûts de transaction) permettent l'éviction des comporte
ments opportunistes. Or, même dans les problèmes du type dilemme du prisonnier avec
plus que deux joueurs, les stratégies agressives ne s'imposent pas comme les seules stra
tégies dominantes (cf. Axelrod, 1984). Adopter un comportement d&free-rider est payant
seulement dans le cas où les stratégies coopératives se présentent une par une. Si les
agents bienveillants restreignent leurs interactions dans le cadre de petits groupes - même
en nombre limité - ils peuvent devenir « en moyenne » plus performants que les agents
égoïstes. Dans ce cas, les stratégies de défection se « punissent elles-mêmes ». Au-delà de
cet éclairage intéressant, l'hypothèse d'une interdépendance simultanée entre les straté
gies de plusieurs acteurs au lieu de deux seulement, pose un problème d'indétermination
quant au résultat du jeu (cf. Elster, 1989, pp. 82-86).
REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 96, 3ème trimestre 2001 55 Nous avons mis en question cette idée, à partir d'une enquête réalisée par des
interviews en face à face auprès des responsables d'un échantillon d'entre
prises polonaises, dans un contexte de transformation systémique. L'objectif
était de déceler des interactions inscrites dans la durée et portées par l'eng
agement mutuel, mesurer leur importance, comprendre les raisons qui se trou
vent à leur origine, analyser les conditions qui favorisent leur émergence et
évaluer leur impact sur les performances des entreprises (2).
Les définitions et les hypothèses de travail sont présentées dans la première
partie de cet article. L'idée de départ est que dans un contexte d'incertitude
économique et institutionnelle accrue, la mobilisation de réseaux relationnels
permet la formation d'anticipations en facilitant l'action stratégique des entre
prises. Par conséquent, on devrait pouvoir observer une densité forte de rela
tions durables, distinctes par rapport à la coordination par les prix ou par la
hiérarchie. Une deuxième hypothèse, d'inspiration richardsonienne, vient
compléter cette idée : le choix des partenaires serait déterminé par des comp
lémentarités et des interdépendances, existantes préalablement ou créées. En
outre, nous définissons quatre types génériques de relations ayant des attributs
spécifiques (interaction implicite, interaction explicite, coopération, alliance),
ce qui permet d'introduire une plus grande rigueur sémantique. Enfin, le
concept de confiance et les conditions de son émergence sont révisités, afin
d'appréhender les différents niveaux et la dynamique de l'engagement mutuel
dans le cadre de relations durables.
Dans la deuxième partie, après avoir présenté la méthodologie d'investigat
ion, les résultats de la recherche sont confrontés aux hypothèses, ce qui per
met d'enrichir, d'affiner et de nuancer ces dernières (3). En effet, des interd
épendances autres que strictement techniques semblent constituer des para
mètres explicatifs majeurs des relations durables observées. Par ailleurs, la
variété des préoccupations et des objectifs des acteurs est à l'origine de formes
multiples d'interaction qui sont étudiées à partir de la taxinomie proposée dans
la première partie. La confiance apparaît quant à elle comme un processus évol
utif, ce qui permet de formuler quelques propositions concernant son enche
vêtrement avec le déploiement de stratégies intéressées.
(2) Ce dernier point ne sera pas discuté ici.
(3) II est nécessaire de préciser que si l'enquête a été clairement orientée vers le repérage des
relations durables, elle a été menée sans aucun présupposé normatif. Les relations formées
par les entreprises de l'échantillon ont été étudiées sans être considérées comme une
imperfection des marchés et sans, de l'autre côté, qu'un rôle a priori positif ne leur soit
attribué.
56 REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 96, 3ème trimestre 2001 — LE CADRE THEORIQUE I.
1.1. Importance et caractéristiques des relations interentreprises
durables
Dans le prolongement d'un grand nombre de travaux théoriques et empi
riques sur les réseaux d'entreprises et la coopération (4), nous considérons que
toute entreprise a une perception de ses propres besoins (mais pas une hiérar
chie claire et rigide de ses préférences) et définit des objectifs, en disposant de
ressources et de compétences limitées. Elle doit donc négocier, avec des
acteurs multiples, les conditions nécessaires pour la réalisation de se