Isis au XIXe siècle - article ; n°2 ; vol.111, pg 541-552
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Isis au XIXe siècle - article ; n°2 ; vol.111, pg 541-552

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1999 - Volume 111 - Numéro 2 - Pages 541-552
Agnès Spiquel, Isis au XIXe siècle, p. 541-552. Entre «Renaissance orientale» et débat sur le symbole, Isis a une place importante dans la pensée et dans l'imaginaire du XIXe siècle. L'article - qui s'appuie entre autres sur des textes de Hugo et de Nerval - montre comment elle devient la déesse voilée, figure syncrétique utilisée à la fois contre le Dieu chrétien et pour un renouveau du sentiment religieux. Elle est aussi la Nature : la connaissance de la Nature est dévoilement d'Isis, figure d'immanence qui permet, au-delà d'une désymbolisa-tion libératrice, de reconstruire une symbolique, dont la poésie est le lieu par excellence.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Agnès Spiquel
Isis au XIXe siècle
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 111, N°2. 1999. pp. 541-552.
Résumé
Agnès Spiquel, Isis au XIXe siècle, p. 541-552.
Entre «Renaissance orientale» et débat sur le symbole, Isis a une place importante dans la pensée et dans l'imaginaire du XIXe
siècle. L'article - qui s'appuie entre autres sur des textes de Hugo et de Nerval - montre comment elle devient la déesse voilée,
figure syncrétique utilisée à la fois contre le Dieu chrétien et pour un renouveau du sentiment religieux. Elle est aussi la Nature :
la connaissance de la Nature est dévoilement d'Isis, figure d'immanence qui permet, au-delà d'une désymbolisation libératrice,
de reconstruire une symbolique, dont la poésie est le lieu par excellence.
Citer ce document / Cite this document :
Spiquel Agnès. Isis au XIXe siècle. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 111, N°2. 1999. pp.
541-552.
doi : 10.3406/mefr.1999.4655
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1999_num_111_2_4655AGNÈS SPIQUEL
ISIS AU XIXe SIÈCLE
On assiste en France dans la première moitié du XIXe siècle à une
«renaissance orientale»1 favorisée par les découvertes archéologiques et
l'accès aux textes anciens grâce au déchiffrement des langues. Dans ce
mouvement, l'Egypte exerce une fascination toute particulière. Par ail
leurs, on voit se poursuivre tout au long du siècle, y compris sous des
formes proprement littéraires, le débat sur les mythes et les religions, a
ccompagné d'une longue réflexion sur le symbole2 - réflexion qui n'attend
pas l'école symboliste pour voir dans le symbole quelque chose comme
l'essence de la poésie. Isis tient dans cet ensemble une place eminente,
en même temps qu'elle est une figure spécifique qui reçoit des significa
tions philosophiques et qui agit puissamment dans l'imaginaire des écri
vains. Un rappel sommaire des images d'Isis dont hérite le XIXe siècle
permettra de comprendre dans quel sens et à quelles fins celui-ci retra
vaille ce mythe.
L'héritage
Comme il est impossible d'en donner un historique et une analyse
exhaustifs, seuls quelques éléments-clés seront ici mentionnés et briève
ment illustrés. Les Modernes n'ignorent pas que l'Isis égyptienne n'est
pas voilée; la célèbre gravure de YOedipus Aegyptiacus de Kircher (1652),
1 R. Schwab, La Renaissance orientale, Paris, 1950.
2 L'ouvrage de G. F. Creuzer, Symbolik und Mythologie der alten Völker,
Leipzig-Darmstadt, 1810-1812, traduit et adapté par J. D. Guigniaut sous le titre Reli
gions de l'Antiquité considérées pnncipalement dans leurs formes symboliques et my
thologiques (10 vol., Paris, 1825-1851) a eu un retentissement considérable sur ce dé
bat. Sur le mythe et le symbole, voir en particulier F. P. Bowman, Symbole et désym-
bolisation, dans Romantisme, 50, 1985; Id., Flaubert dans l'intertexte des discours sur
le mythe, dans B. Masson (éd.), Gustave Flaubert. 2. 1. Mythes et religions, Paris, 1986
(La revue des lettres modernes). Voir aussi C. Millet, Le légendaire au XIXe siècle. Poés
ie, mythe et vérité, Paris, 1997.
MEFRIM - 111 - 1999 - 2, p. 541-552. 542 AGNÈS SPIQUEL
inspirée par Apulée, est souvent reprise au XIXe siècle. Mais pour tout
l'Occident chrétien, Isis est la déesse voilée et l'inscription de Sais ne
cesse d'être reprise, en particulier par le romantisme allemand3. Le voile
d'Isis est devenu un cliché. Cette Isis voilée représente la Nature. En vou
lant laïciser la Grande Mère, le rationalisme des Lumières a en quelque
sorte conceptualisé Isis. L'étymologie est appelée à la rescousse; on lit
ainsi dans l'Encyclopédie :
Le mot Isis est un dérivé d'iscia, racine arabe qui signifie exister inva
riablement, avoir une existence propre, fixe et durable; cf. esse en latin (...).
Le mot marquait dans son origine l'essence propre des choses, la nature4.
En tant que déesse myrionyme, elle est une figure favorite du syn
crétisme, qui a particulièrement fleuri pendant la période révolutionn
aire, syncrétisme qui s'appuie sur des etymologies plus ou moins fantai
sistes : ainsi du rapprochement entre Isis et Jésus, directement, ou par le
biais de la racine ischia (Jésus = Yeschua). Combinée à l'Isis de la franc-
maçonnerie5, cette Isis syncrétique est souvent invoquée par rillumi-
nisme de la fin du XVIIIe siècle. Ainsi de Cagliostro, caricaturé par
Goethe en «grand Cophte», dont la femme crée la loge Isis, première
loge féminine en France. Quand Nerval publie en 1849 ce qui deviendra
le chapitre «Cagliostro» de ses Illuminés, il l'accompagne d'une vignette
qui reproduit une gravure (intitulée La déesse Myrionime [sic] Isis ou la
Nature personnifiée) illustrant l'ouvrage d'Alexandre Lenoir La Franche-
maçonnerie révélée à ses adeptes (1814), gravure qui est elle-même une co
pie de celle de Kircher6.
Dans son effort pour lutter contre le christianisme tout en promouvant
d'autres espaces de croyance, la Révolution a recours à Isis : le syncrétisme
d'un Bonneville assimile les cultes druidique et isiaque; celui d'un Dupuis,
qui interprète les religions comme des allégories de phénomènes naturels,
fait de Notre-Dame un Iseum7. Par ailleurs, la fête révolutionnaire du 10
août 1793 est mise sous le signe d'Isis : sur les ruines de la Bastille, on a
édifié une statue colossale de la Nature, qui est en même temps une fon-
3 Voir en particulier Novalis, Les disciples à Sais [1800], tr. M. Maeterlinck,
Bruxelles, 1914.
4 Isis, dans D. Diderot et J. d'Alembert, Encyclopédie, 8, Lausanne-Berne, 1779,
p. 913.
5 L'opéra maçonnique de Mozart, La flûte enchantée, est adapté en France au dé
but du siècle sous le titre Les mystères d'Isis.
6 Voir C. Aubaude, Nerval et le mythe d'Isis, Paris, 1997.
7Nicolas de Bonneville, De l'esprit des religions, Paris, 1791 et Charles-
François Dupuis, Origine de tous les cultes, ou Religion universelle, Paris, 1869. AU XDC< SIÈCLE 543 ISIS
taine, symbole de régénération, à laquelle les représentants des fédérations
viendront boire en disant : «Nous nous sentons renaître avec le genre hu
main»8. Cette statue est une Isis aux cent mamelles, comme l'attestent les
gravures de l'époque9.
La période révolutionnaire voit ainsi se confirmer une Isis parisienne
dont le syncrétisme cultivait depuis longtemps l'image : à cause du vais
seau qui est l'élément essentiel des armes de Paris et à cause des lieux de
culte isiaque qui y sont attestés, on faisait dériver son nom de celui d'Isis
(Paris, Par-Isis). Hugo bâtira sur cette étymologie une antithèse révéla
trice :
Elle s'appelle Lutetia, ce qui vient de lutum, boue, et elle s'appelle Parisis,
ce qui vient d'Isis, la mystérieuse déesse de la Vérité. Ainsi vingt siècles ont
amené la double idée, la souillure et le rayonnement, ce qui tache et ce qui
éclaire, Lutetia et Parisis, la ville de la boue et la Ville de la Vérité à se ré
soudre en cette chose hideuse et splendide, prostituée et sainte que nous nom
mons Paris10.
Le 20 janvier 1811, Napoléon, dont on sait la fascination pour l'Egypte,
accepte qu'une figure d'Isis apparaisse sur la nef des armoiries de Paris. La
Restauration abolira son décret11.
L'héritage, on le voit, est composite et sans doute étrange pour un histo
rien moderne. L'utilisation que le XIXe siècle fait de la figure d'Isis ne l'est
pas moins mais s'avère d'une grande richesse : assez loin du mythe et du
culte égyptiens, elle apparaît fréquemment dans les débats sur «la question
religieuse » et, plus profondément, elle devient, à travers le motif du voile,
une figure majeure de la pensée de la connaissance, de la quête de vérité.
Isis et la question religieuse
Contre la religion catholique oppressive et sclérosée, les romantiques
se tournent vers les religions polythéistes. «Vie des religions mortes, mort
de la religion vivante», écrit Michelet. Et le poète des Chimères promet :
8 Jules Michelet, Histoire de la Révolution française, XII-7, Par

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents