Jeanne de Signa, ermite toscane du XIVe siècle, ou la sainteté ordinaire - article ; n°1 ; vol.98, pg 161-199
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1986 - Volume 98 - Numéro 1 - Pages 161-199
Jacques Dalarun, Jeanne de Signa, ermite toscane du XIVe siècle, ou la sainteté ordinaire, p. 161-199. Les XIIIe et XIVe siècles voient fleurir en Italie centrale une sainteté féminine d'ermites et de recluses. Jeanne, aux portes de Signa, petite bourgade du «contado» florentin, mena une vie discrète et obscure mais attira pourtant, après sa mort, un culte vigoureux : confrérie, chapelle, fresques... Ses miracles post mortem survenus entre 1348 et 1383 forment l'essentiel de sa légende. Ils permettent de saisir ce que son culte a de modeste et d'archaïque : petit rayonnement sur les environs immédiats de Signa, classiques guérisons accompagnées d'une démarche au tombeau. Le dossier n'en témoigne pas moins de discrètes conquêtes : affirmation d'une sainteté locale, laïque, féminine. Le culte de Jeanne de Signa permet surtout de percevoir, à l'échelle d'une petite bourgade toscane, le rôle considérable des assauts de la peste dans la deuxième moitié du XIVe siècle. C'est au fléau et à quelques familles relais que Jeanne doit son succès; un succès qui se nourrit plus de désarroi que d'ambition.
39 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jacques Dalarun
Jeanne de Signa, ermite toscane du XIVe siècle, ou la sainteté
ordinaire
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 98, N°1. 1986. pp. 161-199.
Résumé
Jacques Dalarun, Jeanne de Signa, ermite toscane du XIVe siècle, ou la sainteté ordinaire, p. 161-199.
Les XIIIe et XIVe siècles voient fleurir en Italie centrale une sainteté féminine d'ermites et de recluses. Jeanne, aux portes de
Signa, petite bourgade du «contado» florentin, mena une vie discrète et obscure mais attira pourtant, après sa mort, un culte
vigoureux : confrérie, chapelle, fresques... Ses miracles post mortem survenus entre 1348 et 1383 forment l'essentiel de sa
légende. Ils permettent de saisir ce que son culte a de modeste et d'archaïque : petit rayonnement sur les environs immédiats de
Signa, classiques guérisons accompagnées d'une démarche au tombeau. Le dossier n'en témoigne pas moins de discrètes
conquêtes : affirmation d'une sainteté locale, laïque, féminine. Le culte de Jeanne de Signa permet surtout de percevoir, à
l'échelle d'une petite bourgade toscane, le rôle considérable des assauts de la peste dans la deuxième moitié du XIVe siècle.
C'est au fléau et à quelques familles relais que Jeanne doit son succès; un succès qui se nourrit plus de désarroi que d'ambition.
Citer ce document / Cite this document :
Dalarun Jacques. Jeanne de Signa, ermite toscane du XIVe siècle, ou la sainteté ordinaire. In: Mélanges de l'Ecole française de
Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 98, N°1. 1986. pp. 161-199.
doi : 10.3406/mefr.1986.2854
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1986_num_98_1_2854JACQUES DALARUN
JEANNE DE SIGNA,
ERMITE TOSCANE DU XIVe SIÈCLE,
OU LA SAINTETÉ ORDINAIRE
Un homme était affligé d'une telle infirmité que nul remède humain
ne pouvait plus le sauver. Il invoque alors le bienheureux . . .
Pour qui commence à parcourir Vies de saints et recueils de miracles
médiévaux, pareille formule devient vite d'une redoutable monotonie.
Plus rien qui puisse surprendre, ni l'exposition, ni l'heureuse délivrance.
Tout est prévisible, tout est joué d'avance : du moment même où l'anecdot
e a été retenue, c'est que son issue ne saurait faire de doute.
Pour redonner à ces infimes épisodes un peu de vie, pour briser la
monotonie des recueils de miracles, il faut se remettre en mémoire que
chacun d'entre eux est, dans son principe, le fruit d'une rencontre, avec
ce que cela implique toujours de hasardeux; rencontre entre un désarroi,
superficiel ou profond, individuel ou collectif, et le saint dont on attend
soulagement. Et si tout est joué quant à l'issue de l'épisode, ici en revan
che, dans cette relation qui se noue, l'hésitation, le choix ont encore toute
leur place.
Pourquoi s'adresser aux saints plutôt qu'à Dieu? Pourquoi les préfé
rer aux hommes qui ont compétence en la matière et en particulier ceux
qui apportent le soulagement du corps, les médecins? Invoque-t-on un
saint en dernier recours, ou sur une première impulsion? Pourquoi, sur
les milliers de noms qu'offre la Chrétienté choisir cet intercesseur plutôt
que cet autre? Est-ce à cause de sa notoriété? D'une quelconque spéciali
sation? De sa proximité dans le temps, ou dans l'espace par la présence
des reliques? Est-ce que quelqu'un a soufflé le nom du saint à l'infortu
né?
De récentes études de grande envergure ont affronté cette série de
questions. Ainsi Pierre-André Sigal leur a-t-il apporté des réponses d'une
précision toute mathématique en dépouillant quelque cinq mille miracles
MEFRM - 98 - 1986 - 1, p. 161-199. π JACQUES DALARUN 162
dans la France des XIe et XIIe siècles1. De tels travaux donnent à la
recherche des cadres extrêmement précieux. Ils n'interdisent pas cepen
dant de revenir sur tel ou tel dossier isolé. Si la statistique perd alors tou
te pertinence, d'autres rapports ont des chances d'apparaître, plus ténus,
vivants.
Jeanne a vécu près de Signa, dans le «contado» florentin2. Elle est
morte à une date incertaine du XIVe siècle. De son existence on ne sait à
peu près rien, si ce n'est qu'elle se retira dans un ermitage3. Pauvre, fem
me, laïque, sans lien avec un ordre religieux, elle incarne une sorte de
degré zéro de la sainteté. Son culte, d'ailleurs, eut du mal à s'imposer et
ne lui attira jamais une bien grande notoriété4. C'est là son intérêt : un
dossier modeste, un petit monde, un culte trébuchant. Dans ce recueil de
miracles qu'on appelle sa Vie, derrière l'inévitable heureuse issue de cha
que épisode, perce la part de l'aléatoire. L'histoire reprend ses droits.
Tout isolée qu'elle soit par le mode de vie même qu'elle a choisi,
Jeanne participe de ce regain érémitique des XIIIe-XIVe siècles qui tra
vaille particulièrement l'Italie centrale. Il importe d'abord de la situer
parmi ses semblables avant de revenir sur son seul cas.
Une floraison de saintes à l'écart du monde
L'érémitisme ou la réclusion paraissent à André Vauchez la strate «le
plus profondément enracinée» de la sainteté locale italienne5. Au sein
d'une période qu'il définit dans son ensemble comme «une sorte d'âge
d'or de la sainteté érémitique», l'auteur de La Sainteté en Occident a opé
ré une série de distinctions fort utiles6. Un premier clivage passe à son
avis entre les anachorètes des XIIe-XIIIe siècles, généralement issus de
«milieux très modestes», et ceux qui ont vécu après 1348, ayant «un
1 Pierre- André Sigal, L'homme et le miracle dans la France médiévale (XIe-XHe
siècles), Paris, 1985.
2 Signa, bourgade à 12 km à l'ouest de Florence, sur la rive droite de l'Arno.
3 Vita Β. Johannae de Signa, AA.SS., Nov. IV, Bruxelles, 1925, p. 283-288.
4 Ni la BHL, ni son Supplementum n'ont encore enregistré sa Vita. Les Vies des
saints et des bienheureux selon l'ordre du calendrier. . . par les RR. PP. Bénédictins
de Paris lui consacrent 9 lignes (XI, 1954, p. 286). La Bibliotheca sanctorum lui en
consacre 11 (article de Ferdinand Baumann, VI, 1965, col. 559).
5 André Vauchez, La Sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge,
d'après les procès de canonisation et les documents hagiographiques {BEFAR, 241),
Rome, 1981, p. 227.
6 Id., ibid., p. 228-232. DE SIGNA, ERMITE TOSCANE DU XIV' SIÈCLE 163 JEANNE
caractère plus élitique». À un érémitisme «sauvage», exempt de toute affi
liation à un ordre religieux, A. Vauchez oppose ensuite des expériences en
liaison avec des communautés constituées, vallombrosains, camaldules,
mendiants ou ermites de saint Augustin. Enfin il remarque que les hom
mes choisissent plutôt l'érémitisme, tandis que les femmes préfèrent en
général la réclusion.
En suivant de plus près les indications de cet auteur, tant pour la
sélection que la classification des cas, on trouve en Italie une petite dizai
ne de saintes, ermites ou recluses «sauvages», de part et d'autre de la
césure de 1348, qui semblent appartenir au même courant que la bien
heureuse Jeanne de Signa7. Le terme de «courant» ne saurait prêter à
confusion : rien ne permet d'imaginer entre ces solitaires une quelconque
concertation ; pas même l'influence de la spiritualité dominicaine ou fran
ciscaine, puisque nous n'avons précisément pas retenu les saintes qui y
furent sensibles. Il n'en est que plus intéressant de constater les conver
gences entre ces existences éparses.
Convergence chronologique tout d'abord. Les dates de mort, si elles
sont loin d'être toujours bien assurées8, situent cependant cette floraison
aux XIIIe et XIVe siècles, avec une forte concentration entre 1300 et
13209.
Convergence géographique ensuite. Verdiana de Castelfiorentino,
Fine de San Gimignano, Jeanne de Signa et Julie de Certaldo sont tosca
nes. Humilité de Faenza, Claire de Rimini se situent en Romagne, cette
dernière faisant pour un temps retraite à Urbino dans les Marches. Justi
ne d'Arezzo vient d'Ombrie tandis qu'Ugolina de Verceil est perdue dans
le Piémont. À cette exception près, ces saintes

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