L'IDEOLOGIE ISLAMISTE DECRYPTEE

Jeanne Frey

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• Langue: Français

Extrait

L’IDEOLOGIE ISLAMISTE DECRYPTEE

Compte rendu de la conférence du 18 octobre 2005

Cette conférence est l’occasion pour quatre des cinq auteurs

d’Al-Qaïda dans le texte

, de

rendre compte de leur ouvrage paru aux Puf en septembre dernier. Professeur des universités à l’IEP

de Paris, Gilles Kepel a dirigé l’ouvrage avec Jean-Pierre Milelli, agrégé d’arabe et enseignant à l’IEP

de Paris. Omar Saghi et Stéphane Lacroix sont doctorants à l’IEP de Paris, spécialistes de l’Arabie

Saoudite. Tous, sont enseignants et chercheurs à la Chaire Moyen-Orient Méditerranée.

Gilles Kepel revient sur le choix de ces quatre idéologues (Oussama ben Laden, Abdallah

Azzam, Ayman al-Zawahiri et Abou Moussab al-Zarqawi), considérant qu’il s’agit-là des plus

importants, soit par l’effort doctrinal, soit pour l’investissement de leur auteur dans leur martyre. Ce

décryptage du mode de fonctionnement du jihadisme montre comment l’exemplarité de cette

littérature peut déterminer le passage à l’acte terroriste.

Par-delà l’apport de ces textes, se pose indéniablement le problème de leur authenticité dans

la mesure où, à l’exception de Azzam, les textes traduits et présentés n’ont pas de support papier. Ils

sont produits par et pour Internet et c’est d’une certaine manière leur circulation qui fait leur

authenticité.

Omar Saghi centre son analyse sur la figure emblématique d’Oussama ben Laden, dont il

pense qu’à travers lui, on peut voir le fonctionnement d’un nouvel objet politique. Comment expliquer

que cet homme, doté d’un faible niveau intellectuel, qui ne possède ni la légitimité d’un Azzam ou d’un

Zawahiri, va devenir la figure centrale de l’islamisme d’aujourd’hui ? Pour Saghi, la réponse à cette

question réside dans les grands changements vécus par les Arabes ces trente dernières années : la

fin des projets totalitaires et du militantisme classique, la fin de l’islamisme politique aussi, l’attente de

la démocratisation qui a gagné d’autres contrées mais pas le monde arabe et le blocage des régimes

politiques qui sont délégitimés. C’est aussi la crise de représentation et une absence de voix pour

exprimer ce désarroi. Avec les années 1990, on assiste au développement des médias satellitaires.

La crise de la représentation, qui existe dans le monde arabe, va être prise en charge par ces médias,

la TV devenant le vecteur de connaissance et de débat.

Dans ce contexte, ben Laden, le « recruteur » de soldats pour conduire la guerre en

Afghanistan, opère des allers-retours réguliers entre l’Arabie et l’Afghanistan et devient une véritable

star de la TV. Dès lors, la rivalité de ben Laden n’est pas politique, elle réside précisément dans

l’audimat qu’il doit nécessairement garder. Dans ce monde satellitaire, ben Laden multiplie les slogans

simples se prêtant aisément à la traduction anglaise et qui font de lui un homme accessible à tous,

une sorte de modeste modèle qui dit à son public « ce que je fais, vous pouvez tous le faire ».

Stéphane Lacroix nous entretient des deux « penseurs » du mouvement Abdellah Azzam et

Ayman Al Zawahiri. Azzam est un Frère musulman palestinien. Ses conférences incitent à rejoindre

les rangs des combattants qui luttent contre la présence soviétique en Afghanistan Ses écrits et son

discours ouvrent la voie à la radicalisation qui donnera naissance beaucoup plus tard à

Al Qaida

.

Assassiné à Pechawar en 1989, il n’a pu observer les effets de sa pensée sur l’idéologie islamiste des

années 1990/2000. Azzam aura pensé le

Jihad

comme un devoir individuel devant être accompli par