L apprentissage du français chez les Arabophones maghrébins (diglossie et plurilinguisme en Tunisie) - article ; n°1 ; vol.19, pg 90-107
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L'apprentissage du français chez les Arabophones maghrébins (diglossie et plurilinguisme en Tunisie) - article ; n°1 ; vol.19, pg 90-107

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Description

Langue française - Année 1973 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 90-107
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 61
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

J.-L. Maume
L'apprentissage du français chez les Arabophones maghrébins
(diglossie et plurilinguisme en Tunisie)
In: Langue française. N°19, 1973. pp. 90-107.
Citer ce document / Cite this document :
Maume J.-L. L'apprentissage du français chez les Arabophones maghrébins (diglossie et plurilinguisme en Tunisie). In: Langue
française. N°19, 1973. pp. 90-107.
doi : 10.3406/lfr.1973.5642
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1973_num_19_1_5642J.-L. Maume, École Normale de Ouargla.
L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS
CHEZ LES ARABOPHONES MAGHRÉBINS
(Diglossie et plurilinguisnie en Tunisie)
L'apprentissage du français par les arabophones implique, à la base,
l'acquisition d'un système phonétique et phonologique radicalement
différent de celui de leur langue naturelle.
Quelle est cette langue? C'est la question immédiate, primordiale, à se
poser pour quiconque est amené à enseigner le français — voire, en
français — à des Arabes. Répondre rapidement que c'est l'arabe, langue
difficile, sans lien avec les langues occidentales, seuls instruments du modern
isme, de la technique et de l'efficacité, et que d'ailleurs il s'agit là d'une
affaire de spécialistes — arabisants et maîtres d'arabe — telle est la façon
la plus facile et la plus sommaire d'éluder le problème.
Comment ne pas réagir à l'insuffisance de cette réponse quand on
connaît, ne serait-ce que par la simple audition, la diversité des parlers
arabes. Il importe donc, en premier lieu, pour un enseignement efficace
du français, langue seconde, quels que soient sa position, ses privilèges de
langue véhiculaire, son extension dans le milieu considéré, de connaître
le terrain naturel sur lequel doit se faire son apprentissage. Et, part
iculièrement, dans cette exploration initiale du substrat linguistique, il est
essentiel de bien discerner les habitudes phonatoires et prosodiques non
pas tellement de l'arabe classique que du parler propre au pays où l'on
enseigne ou d'où proviennent les arabophones scolarisés en France.
Cette nécessité est loin d'être évidente pour les enseignants franco
phones chargés de l'enseignement du français au Maghreb (sans parler
des responsables de l'alphabétisation des travailleurs arabes immigrés
et des maîtres chargés de l'instruction de leurs enfants 1). Dans leur quasi-
1. Les instituteurs des banlieues industrielles françaises, semble-t-il, sont plus sensibilisés
aux difficultés d'apprentissage des petits immigrés, probablement du fait des problèmes concrets
de disparité et de retard scolaire qu'ils rencontrent dans leurs classes. Dans certaines écoles
primaires (L. Pergaud — Aubergenville, Mantes, Poissy etc.), on a même regroupé dans des
classes de rattrapage (C.P. et C.E.l) les enfants arabophones, portugais et turcs.
90 ■
'
Système
Déno de transcription
Transcription lettre arabe Remarques sur la prononciation des arabisants mination (isolée)
ç hamza attaque de voyelle
bâ' b même valeur qu'en français
ta' t
ta' comme [6] de l'anglais (thank you) l
ž même valeur qu'en français : je jîm
hâ' ressemble au « han » du bûcheron h
hâ' h « ch » de l'allemand : nach, buch, etc.
même valeur qu'en français dâl d J
d comme [Ó] de l'anglais (that) dâl J
râ' « r » roulé r J
zîn z même valeur qu'en français )
sîn s
sîn « ch » du français Š J^
^J> « s » emphatisé sâd s
« d » prononcé avec emphase dâd d
ta' t « t » avec L
dâ1 d comme le « dâd » : « d » emphatisé
"ayn contraction du gosier : consonne i « r » parisien « grasseyé » gayn g fâ' f même valeur qu'en français
« к » prononcé du fond de la gorge qâf q
même valeur qu'en français kâf к lâm 1 J
même valeur qu'en français mîm m
r nûn n
hâ' h « h » aspiré й
alif a « a » long (parfois tonique) f
waw tantôt [w], tantôt « u » long (parfois tonique) y Ъ ya' У/í yod [j], tantôt « i » long (tonique)
alif bref a se prononce comme l'alif — ' se le « a » en fin de mot, ta marbuta a 6 le « t » réapparaissant en « annexion »
sition)
N.B. : La voyelle longue est marquée par un trait supérieur [a, i, u] ou le circonflexe
(tonique).
totalité, ceux-ci ignorent l'arabe, linguistiquement et psychologiquement.
En dehors de la pratique, plus ou moins folklorique, de quelques formules
de politesse et de salutation, les rudiments les plus élémentaires du fonc
tionnement de la langue du pays sont inconnus de presque tous les coopé
rants français 2.
2. Il faut dire que rien n'est systématiquement organisé avant leur départ ou sur place
pour les initier à la langue locale.
91 ces conditions, l'attitude communément adoptée vis-à-vis Dans
de la prononciation et de l'orthographe françaises (celle-là déterminant
celle-ci) des élèves arabes est celle de la condamnation — • plaisante, ir
onique ou indignée — de la «faute », sans en considérer les causes. A cette
prononciation défectueuse on tente de substituer la « norme », en ignorant
l'origine de l'erreur. Très souvent les déficiences orthographiques, les
confusions de mots entraînant contre-sens ou non-sens n'ont pas pour
raison « l'ignorance de la règle ». Elles proviennent simplement des
« carences » phonétiques de l'arabe (absence de [p], [v], [ji] ou de [y],
[£]> [5], [s], par exemple) par rapport au système phonétique du français.
A ces sons manquant au phonétisme arabe, l'arabophone substitue un
son approchant, présent dans son parler : savon devient [sabûn] ([û] = [u]
long, transcription des arabisants). Si les « vides » du système phonétique
de l'arabe ne sont pas systématiquement comblés par le maître, qui les
aura auparavant reconnus et répertoriés, le jeune arabe qui entendra des
[y] continuera à les percevoir au travers de son propre système, c'est-à-dire
comme des [i] : inutile sera prononcé [initil] ou [ynitil] et transcrit de même.
L'origine des « fautes », des déficiences dans la communication orale
et écrite, des malentendus sémantiques, des graphies erronées doit être
d'abord recherchée dans les phénomènes d'interférence phonétique.
Mais, pour décrire ces interférences entre l'arabe et le français, il est
impossible de prendre en considération le seul arabe classique. Ainsi
dans le tableau des sons arabes correspondant à ceux du français proposé
par le Dictionnaire de la Prononciation française de L. Warnant (1962),
la comparaison n'est pas uniquement donnée par rapport au classique :
[3] est présenté comme « inconnu en arabe » et [g], comme une « prononc
iation égyptienne », ce qui nous situe dans le système du dialecte égyptien.
Encore plus caractéristique est la mention d'un son [p] (« = p en persan —
proposé en Egypte pour rendre le [p] des mots étrangers ») qui fait allusion
à une graphie d'un son étranger à l'arabe. En fait, aucune réflexion péda
gogique sérieuse ne peut s'exercer sans une prise en considération de la
langue maternelle : l'arabe dialectal du pays, qui sert à la communication
usuelle, à partir duquel se fait tout nouvel apprentissage — y compris
celui de l'arabe classique.
La prononciation classique elle-même est influencée par le dialecte :
ainsi en est-il du « jîm » égyptien prononcé dans les discours et dans les
émissions de radio et de télévision en arabe littéraire (moderne) [g],
comme en dialecte, mais restitué en [ž] ([3] en A.P.I.) dans la lecture
traditionnelle du Coran.
La reconnaissance de la priorité évidente du dialecte — comme langue
de communication courante — sur l'arabe classique (au point de vue du
phonétisme comme de la syntaxe, d'ailleurs) oblige donc à prendre comme
point de départ de l'apprentissage du français le parler spécifique du pays
où est apprise cette langue. Mais ce dialecte lui-même

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