L événement dans l information en direct et en continu. L exemple de la guerre du Golfe - article ; n°76 ; vol.14, pg 31-45
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L'événement dans l'information en direct et en continu. L'exemple de la guerre du Golfe - article ; n°76 ; vol.14, pg 31-45

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Réseaux - Année 1996 - Volume 14 - Numéro 76 - Pages 31-45
Adeptes de la « théorie du miroir », bien de journalistes sont persuadés que ni leur présence, ni la médiation qui s'en suit ne changent en quoi que ce soit les faits et le déroulement des événements. Partant des théories de la «construction sociale de la réalité », nous sommes convaincus, au contraire, que les événements sont le produit du discours journalistique qui découpe la réalité, l'ordonne et lui attribue une signification (souvent symbolique). Cette interprétation nous offre des concepts intégrateurs qui peuvent expliciter la mobilisation parfois incompréhensible des médias et de l'opinion publique autour d'« histoires » qui, dans une perspective historique, se révèlent dépourvues de toute importance. Nous croyons que ce point de vue offre un interprétation convaincante des manifestations de la Place de l'Université (Bucarest, 1992) qui ont fait « la une » des médias roumains pendant plus de deux mois. La répétitivité des manifestations aurait dû, selon les définitions journalistiques des nouvelles, apaiser l'intérêt des médias. Or c'est le contraire qui est arrivé. Notre analyse s'efforce de prouver que cette répétitivité, de facture rituelle, a été le déclencheur du discours journalistique et que, grâce à elle, les médias ont construit un Événement, là où en fait rien ne se passait.
Media coverage of public events involves a certain relationship with time. Between the field of action and that of reception, the narration of an event is always a configuration of the time experienced. But the systems used to gather and sort information also affect the construction of reality by the media. These systems are currently undergoing profound change apparent, for example, in the emergence of live, continuous information on thematic channels which directly rival general-interest channels. One can thus assume that these changes impact on the levels of temporality which constitute the identity of public events: the times of the construction of intrigues, those of statements, the opening onto the past and the future through the description of the event. Based on examples taken from coverage of the Gulf War by CNN, this article shows the resolutely prospective orientation of the construction of an event grounded in anticipation. What, we may ask, is the function of these forward-looking accounts? Is it to report on action underway or to authorize action which ought to take place?
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jocelyne Arcquembourg
L'événement dans l'information en direct et en continu.
L'exemple de la guerre du Golfe
In: Réseaux, 1996, volume 14 n°76. pp. 31-45.
Citer ce document / Cite this document :
Arcquembourg Jocelyne. L'événement dans l'information en direct et en continu. L'exemple de la guerre du Golfe. In: Réseaux,
1996, volume 14 n°76. pp. 31-45.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1996_num_14_76_3707Résumé
Adeptes de la « théorie du miroir », bien de journalistes sont persuadés que ni leur présence, ni la
médiation qui s'en suit ne changent en quoi que ce soit les faits et le déroulement des événements.
Partant des théories de la «construction sociale de la réalité », nous sommes convaincus, au contraire,
que les événements sont le produit du discours journalistique qui découpe la réalité, l'ordonne et lui
attribue une signification (souvent symbolique). Cette interprétation nous offre des concepts
intégrateurs qui peuvent expliciter la mobilisation parfois incompréhensible des médias et de l'opinion
publique autour d'« histoires » qui, dans une perspective historique, se révèlent dépourvues de toute
importance. Nous croyons que ce point de vue offre un interprétation convaincante des manifestations
de la Place de l'Université (Bucarest, 1992) qui ont fait « la une » des médias roumains pendant plus de
deux mois. La répétitivité des manifestations aurait dû, selon les définitions journalistiques des
nouvelles, apaiser l'intérêt des médias. Or c'est le contraire qui est arrivé. Notre analyse s'efforce de
prouver que cette répétitivité, de facture rituelle, a été le déclencheur du discours journalistique et que,
grâce à elle, les médias ont construit un Événement, là où en fait rien ne se passait.
Abstract
Media coverage of public events involves a certain relationship with time. Between the field of action
and that of reception, the narration of an event is always a configuration of the time experienced. But
the systems used to gather and sort information also affect the construction of reality by the media.
These are currently undergoing profound change apparent, for example, in the emergence of
live, continuous information on thematic channels which directly rival general-interest channels. One
can thus assume that these changes impact on the levels of temporality which constitute the identity of
public events: the times of the construction of intrigues, those of statements, the opening onto the past
and the future through the description of the event. Based on examples taken from coverage of the Gulf
War by CNN, this article shows the resolutely prospective orientation of the construction of an event
grounded in anticipation. What, we may ask, is the function of these forward-looking accounts? Is it to
report on action underway or to authorize action which ought to take place?L'ÉVÉNEMENT EN DIRECT
ET EN CONTINU
L'exemple de la guerre du Golfe
Jocelyne ARCQUEMBOURG
Réseaux n° 76 CNET - 1996
31 — cessus global de médiation du temps vécu
entre le champ de l'action et celui de la
réception (2).
Pour autant, la description d'un événe
ment ne l'enferme pas dans le temps de
son émergence. D'autres perspectives le
traversent comme des lignes de fuite
ouvertes sur le passé ou le futur. Cette
temporalisation convoque les deux caté
gories historiques mises en évidence par
Reinhardt Koselleck, « le champ de l'ex
périence » et « l'horizon d'attente ». L'ex
périence, par définition, a trait au passé
qui peut être remémoré ou qui a été trans
mis. L'attente se tourne vers ce qui n'est
pas encore, mais peut être envisageable,
l'espoir et la crainte, le souhait et la
volonté, le souci, l'analyse rationnelle, la
contemplation réceptive ou la curiosité
Tout porte à considérer la médiatisa sont constitutifs de l'horizon d'attente.
tion des événements sous l'angle Toutes deux n'ont, cependant, pas le
d'un certain rapport au temps, même statut. L'expérience peut être datée
comme s'ils étaient mus par une articula et englobe plusieurs strates du passé. Elle
tion dynamique entre plusieurs niveaux de est surtout, par rapport à l'attente, saturée
temporalité. Les événements eux-mêmes de réalité. « Champ d'expérience » et
sont des entités temporelles que la philoso « horizon d'attente » peuvent être convo
phie analytique (1) distingue des objets, qués différemment à l'intérieur des récits
plus directement en rapport avec l'espace. d'événements selon des dosages orientés
Ils entrent dans des récits qui sont aussi tantôt davantage vers le présent, le futur
une configuration du temps. L'occurrence ou le passé. Au travers de ces catégories,
qui surgit commet une effraction dans un les attentes, les craintes, les souhaits et la
ordre des choses en même temps qu'elle mémoire d'une communauté sont imbri
provoque une demande de sens. Ce qui qués à l'individuation des événements
arrive doit être nommé, décrit, expliqué, actuels (3).
raconté. Le récit va réduire le désordre Louis Quéré a montré qu'au travers de
engendré par le « saillant » de l'événement cette temporalisation, l'événement convoq
en constituant autour de lui une matrice uait un arrière-plan pragmatique de pré
d'intelligibilité. Paul Ricœur a montré que occupations sociales, de débats et d'in
cette « mise en intrigue » (car il s'agit trigues en cours. Par ces procédures, « la
avant tout d'un artefact, non d'un schéma puissance formante » qu'est l'espace
explicatif qui serait inhérent à l'événe public s'actualise dans la mise en scène et
ment) agence en vue d'une fin spécifique la mise en sens des événements en même
un ensemble d'éléments hétérogènes : temps qu'il se trouve rendu sensible par
motifs, buts, agents, etc. Le récit produit « le travail de l'événement ». Par-delà la
alors un nouvel ordre qui repose sur une médiation du temps vécu, les récits d'évé
configuration temporelle particulière. Il nements publics opèrent ainsi une médiat
prend place de cette manière dans un ion de l'action sociale (4).
(l)VENDLER, 1967.
(2) RICŒUR, 1983-85.
(3) KOSELLECK, 1990.
(4) QUÉRÉ, 1995.
33 — La construction des événements médiat et de traitement de l'information des
iques intègre donc plusieurs stratifications chaînes généralistes et ceux de CNN, on se
de temps où l'on peut déceler au moins demandera si l'information en direct et en
trois niveaux : continu affecte les différents niveaux de
- la structure temporelle de la mise en temporalité que nous avons relevés.
La dynamique de la description d'un intrigue,
- les perspectives temporelles mises en événement échu ne peut correspondre à
œuvre au niveau de renonciation, celle d'un événement en train de se pro
- la temporalisation propre aux réfé duire. Or, le récit est soumis au principe de
rences convoquées pour décrire ou normal concordance. C'est le résultat de l'histoire
iser l'événement. qui ordonne la sélection des épisodes prin
D'autre part, il importe de prendre en cipaux de l'intrigue. Ce principe hérité du
compte le rôle des dispositifs techniques et muthos tragique est applicable à tous les
professionnels qui participent à la types de récit (6). Les différentes phases
construction des événements publics. Gaye de l'histoire ne peuvent apparaître comme
Tuchman a mis en évidence que les dispos des étapes pertinentes que lorsque la fin
itifs de collecte et de classement des nou est connue. Il n'est possible de mettre en
velles élaboraient le « cadre » des événe évidence les enchaînements des actions
ments, c'est-à-dire ce qui permet de leur qu'a posteriori. On peut rapprocher cette
attribuer une identité et un sens spéci caractéristique de la structure des récits, de
fiques. Elle reprend ainsi la définition que ce que Arthur Danto dit de la phrase narra
donne Goffman des cadres de l'expérience tive (7). Une phrase narrative se réf&#

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