L événement rituel : médias et cérémonies politiques. La Place de l Université à Bucarest en décembre 1990 - article ; n°76 ; vol.14, pg 11-29
20 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'événement rituel : médias et cérémonies politiques. La Place de l'Université à Bucarest en décembre 1990 - article ; n°76 ; vol.14, pg 11-29

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
20 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Réseaux - Année 1996 - Volume 14 - Numéro 76 - Pages 11-29
Adeptes de la « théorie du miroir », bien de journalistes sont persuadés que ni leur présence, ni la médiation qui s'en suit ne changent en quoi que ce soit les faits et le déroulement des événements. Partant des théories de la «construction sociale de la réalité », nous sommes convaincus, au contraire, que les événements sont le produit du discours journalistique qui découpe la réalité, l'ordonne et lui attribue une signification (souvent symbolique). Cette interprétation nous offre des concepts intégrateurs qui peuvent expliciter la mobilisation parfois incompréhensible des médias et de l'opinion publique autour d'« histoires » qui, dans une perspective historique, se révèlent dépourvues de toute importance. Nous croyons que ce point de vue offre un interprétation convaincante des manifestations de la Place de l'Université (Bucarest, 1992) qui ont fait « la une » des médias roumains pendant plus de deux mois. La répétitivité des manifestations aurait dû, selon les définitions journalistiques des nouvelles, apaiser l'intérêt des médias. Or c'est le contraire qui est arrivé. Notre analyse s'efforce de prouver que cette répétitivité, de facture rituelle, a été le déclencheur du discours journalistique et que, grâce à elle, les médias ont construit un Événement, là où en fait rien ne se passait.
Many journalists, believing fully in the «mirror theory», are persuaded that neither their presence nor the resulting mediation has any impact on the course of events. By contrast, our conviction, grounded in theories of the « social construction of reality », is that events are the product of journalistic discourse which slices up reality, orders it and gives it meaning (often of a symbolic nature). This interpretation affords us integrating concepts which can be used to explain the sometimes incomprehensible mobilization of the media and public opinion around « issues » which, in an historical perspective, prove to be totally insignificant. We believe that this viewpoint provides a convincing interpretation of the University Square demonstrations (Bucarest, 1992) which were headline news in the Romanian media for over two months. The repetitiveness of the demonstrations ought, according to journalistic definitions of news, to have dampened the media's interest. Yet quite the opposite took place. Our study aims at proving that this repetitiveness, of a ritual order, was the source of journalistic discourse and that it enabled the media to construct an Event when, in fact, nothing had happened.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mihai Coman
L'événement rituel : médias et cérémonies politiques. La Place
de l'Université à Bucarest en décembre 1990
In: Réseaux, 1996, volume 14 n°76. pp. 11-29.
Citer ce document / Cite this document :
Coman Mihai. L'événement rituel : médias et cérémonies politiques. La Place de l'Université à Bucarest en décembre 1990. In:
Réseaux, 1996, volume 14 n°76. pp. 11-29.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1996_num_14_76_3706Résumé
Adeptes de la « théorie du miroir », bien de journalistes sont persuadés que ni leur présence, ni la
médiation qui s'en suit ne changent en quoi que ce soit les faits et le déroulement des événements.
Partant des théories de la «construction sociale de la réalité », nous sommes convaincus, au contraire,
que les événements sont le produit du discours journalistique qui découpe la réalité, l'ordonne et lui
attribue une signification (souvent symbolique). Cette interprétation nous offre des concepts
intégrateurs qui peuvent expliciter la mobilisation parfois incompréhensible des médias et de l'opinion
publique autour d'« histoires » qui, dans une perspective historique, se révèlent dépourvues de toute
importance. Nous croyons que ce point de vue offre un interprétation convaincante des manifestations
de la Place de l'Université (Bucarest, 1992) qui ont fait « la une » des médias roumains pendant plus de
deux mois. La répétitivité des manifestations aurait dû, selon les définitions journalistiques des
nouvelles, apaiser l'intérêt des médias. Or c'est le contraire qui est arrivé. Notre analyse s'efforce de
prouver que cette répétitivité, de facture rituelle, a été le déclencheur du discours journalistique et que,
grâce à elle, les médias ont construit un Événement, là où en fait rien ne se passait.
Abstract
Many journalists, believing fully in the «mirror theory», are persuaded that neither their presence nor the
resulting mediation has any impact on the course of events. By contrast, our conviction, grounded in
theories of the « social construction of reality », is that events are the product of journalistic discourse
which slices up reality, orders it and gives it meaning (often of a symbolic nature). This interpretation
affords us integrating concepts which can be used to explain the sometimes incomprehensible
mobilization of the media and public opinion around « issues » which, in an historical perspective, prove
to be totally insignificant. We believe that this viewpoint provides a convincing interpretation of the
University Square demonstrations (Bucarest, 1992) which were headline news in the Romanian media
for over two months. The repetitiveness of the demonstrations ought, according to journalistic definitions
of news, to have dampened the media's interest. Yet quite the opposite took place. Our study aims at
proving that this repetitiveness, of a ritual order, was the source of journalistic discourse and that it
enabled the media to construct an Event when, in fact, nothing had happened.L'ÉVÉNEMENT RITUEL : MEDIAS
ET CÉRÉMONIES POLITIQUES
La Place de l'Université en décembre à Bucarest 1990
Mihai COMAN
© Réseaux n° 76 CNET - 1996
n — sion externe. Pendant de.ux mois la presse
écrite post-révolutionnaire, à peine libérée
des contraintes du modèle totalitaire, a
transformé cette manifestation en un Évé
nement majeur, en un sujet permanent de
« une » et, finalement, en un symbole de
l'état incertain et contradictoire de la nou
velle démocratie post-totalitaire.
Le texte des médias a dépassé le « texte »
des événements et a projeté la manifestation
de la Place de l'Université dans un horizon
de significations majeures, qui transcendent
le jeu des intérêts politiques, les conflits
sociaux et les significations conjoncturelles ;
en fait, il a fabriqué un ÉVÉNEMENT, dont
les contours étaient bien différents du dessin
des faits contingents. Par rapport à la popul
ation globale de la Roumanie, peu de gens
participaient, fût-ce en tant que spectateurs,
printemps 1990. Si dans la à ces démonstrations. En conséquence, pour Bucarest,
capitale roumaine de nombreuses l'immense majorité, le phénomène de la
manifestations de rue marquent la Place de l'Université n'était pas perçu
chute de Ceausescu, celles de la Place de comme un événement, mais fonctionnait,
l'Université vont se détacher du lot, selon la définition de Dayan et Katz, comme
monopoliser les énergies et l'attention des un « media event », c'est-à-dire un événement
médias nationaux et internationaux, de la présenté, signifié et fabriqué par la presse.
classe politique et de la population. Pen Ce « media event » a été le produit non
dant presque deux mois, sans arrêt, au car pas de la télévision, mais de la presse
refour qui marque le centre de Bucarest, écrite. Il est bon de rappeler que la Rou
des personnes de toutes origines sociales, manie comptait en juin 1990 à peu près
avec des intérêts, des cultures et des repré mille publications, dont la majorité étaient
sentations politiques différentes ont en des créations post-révolutionnaires. Le
effet eu rendez-vous, ont chanté et ont marché des quotidiens était dominé par
scandé des slogans, se sont opposé aux « Romania Libéra » (1), porte-drapeau de
tentatives des forces d'ordre de débloquer l'opposition au gouvernement, « Adevarul »,
la circulation, ont contesté le présent et qui soutenait le « Azi »,
ont rêvé à un utopique dénouement poli organe du parti au pouvoir (Le Front du
tique. Ces deux mois ont précédé les pre Salut National), « Dreptatea », organe du
mières élections libres d'après la chute du principal parti de l'opposition (Le Parti
communisme et les divers groupes poli National Paysan Chrétien et Démocrate),
tiques ont essayé de capitaliser leur potent suivis par d'autres journaux tel que « Dimi-
iel de popularité par une manipulation neata », « Tineretul Liber », « Viitorul »,
symbolique de la manifestation, soit d'une « Libertatea », etc. Le marché des hebdo
manière positive, en la soutenant comme madaires était contrôlé par « Expres »,
expression de l'opposition au comporte « Zig-Zag », « Baricada », « Flacara »,
ment du parti au pouvoir, soit d'une « Cuvintul », tous favorables à l'opposit
manière négative, en la présentant comme ion. Les deux premiers quotidiens avaient
le signe d'un chaos social et d'une atteint durant cette période des tirages de
(1) Romania Libéra : la Roumanie libre ; Adevarul : la vérité ; Azi : aujourd'hui ; Dreptatea : la justice ;
Dimeata : le matin ; Tineretul liber : la jeunesse libre ; Viitorul : l'avenir ; Libertatea : la liberté ; [...] Flacara : la
flamme ; Cuvintul : le mot (NDLR).
13 1 300 000, tandis que les autres et les magas sensation que c'était là que se faisait l'his
ins tiraient autour de 600 000-800 000 exemp toire, cache un détail essentiel : en fait sur
laires (2). La télévision nationale, strict la Place de l'Université il ne se passait
ement contrôlée par le pouvoir, n'avait rien, ou, plutôt, rien de ce qui définit, selon
offert sur l'événement qu'une information les usages des journalistes, un événement.
filtrée et idéologiquement orientée ; la Cette manifestation n'avait rien d'unique,
Radio nationale le présentait rarement, et d'original, de dramatique, par rapport aux
d'une manière neutre et grise. Les autres démonstrations du printemps ; au
quelques radios privées (à l'époque il n'y contraire, son déroulement était prévisible
(puisqu'il reprenait le scénario des autres avait pas de télévision privée), telles que
« Uni-Fun », « Nova », ou « Radio- manifestations) et redondant (il répétait
Contact » (3) avaient une audience limitée, chaque jour le même programme). Selon
et, faute de vrais journalistes, diffusaient la typologie classique de Molotch et Lest
seulement de la musique, en flux continu. er, cette manifestation semblait un « év
Dans ce « paradis » de la presse é

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents